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(anthologie permanente) in memoriam Ludovic Janvier

Par Florence Trocmé

Le poète Ludovic Janvier vient de disparaître, ce 20 janvier 2016.
On peut lire plusieurs extraits de ses œuvres dans Poezibao, ici repris partiellement (pour les lire en entier cliquer sur le lien) et augmentés de deux nouveaux textes.
extrait 1 :
Neige dehors neige dedans
neige lente sur les frissons
neige noire à crever les yeux
extrait 2 :
il y a la Manse et il y a l’Amance
    émincés d’aube au rythme du sang
il y a la Sombre il y a la Sambre
    tranchées de jour où la nuit fait fleur
il y a Dourdon il y a Dordogne
    où le clair enfoui sonne caverne
il y a la Glane et il y a la Grane
    où l’eau simple est gravière d’éclats
extrait 3 :
Ramuz écrit que la pensée remonte les fleuves. Qui les descend, c’est la rêverie.
Sans doute quelque part un gourmand de rivière et de langue aura-t-il déjà dit que rivière et rêverie (presque anagramme et mieux qu’anagramme) sont comme les deux faces opposées d’un bruit semblable et qu’on aurait accolées pour jouer avec. Mises en regard pour se laisser descendre au fil du rêve.
extrait 4 :
on est fendu par la frontière
entre balance et suspens
le secret s'avance d'un pas
le jour se lève sur parler
ext. 5 :
La Loue à Quingey, La Loue à Ornans 
claire et noire en même temps 
gorgée de silence et gorgée d’herbe
ext. 6 :
Pont du Nord ou pont de Nantes ou pont d’Avignon, le bal dessus la mort dessous, c’est la fête à l’aplomb du noir qui passe, être puni pour ça, tomber, tomber à l’eau, la rivière est un lit pour les pucelles et les rieuses, celles qui dansent et celles qui chantent sans écouter la loi qui range ni sans entendre la fin venir.
Voyez le matin comme il me prépare
et l’herbe du pré si elle m’attend
voyez l’eau du lac comme elle me pense
et le bleu du ciel s’il donne à vouloir
voyez le chemin comme il part de moi
si l’eau du ruisseau promène ma soif
voyez comme l’ombre a choisi mes mots
et si le caillou me ramène au temps
voyez l’horizon comme il me rattache
si les vols d’oiseaux m’apprennent partir
voyez la forêt comme elle m’écoute
et si le silence est fait de ma voix
Ludovic Janvier, Une Poignée de monde, Gallimard, 2006, p. 22
4.
A moins qu’en tout dernier lieu je me renverse
– est-ce qu’il va s’arrêter choisir – me renverse
dans le lac en regardant les montagnes bleuir
disant Après tout non c’est plutôt là
calmement sur le dos que je vais attendre
le coup de grâce en faisant quoi la planche
l’œil au ciel et sinon l’œil au ciel
du moins l’œil au plafond son ersatz
toi qui rêvais de pardon en écoutant Mozart
plus de Mozart rien que le bruit du sang
accompagnant le bruit du sang rien que le clapotis
du lac bleu qui vous vide en douceur
Annecy le monde et la vie à venir
disparus tout là-bas de la mémoire enfin légère.
Ludovic Janvier, La Mer à boire, Poésie/Gallimard, 2006, p. 76.
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