Il y a quelques jours, j’ai été conviée au musée du Louvre au vernissage des nouvelles DS3 et DS3 Cabrio, fraichement restylées. Le restylage c’est quoi? C’est une évolution légère du véhicule, des modifications plus ou moins marquées de son apparence et de ses performances sans que son essence en soit complètement modifiée. Après transformation, on reconnait complètement la voiture de base.
On pourrait comparer un restylage à un Pokémon qui change de stade ou à un Johnny Hallyday qui se fait tirer la paupière. Par contre Bruce Jenner qui devient Caytlin, n’est pas comparable un restylage, mais carrément à une nouvelle génération.
Fondamentalement, pourquoi les marques utilisent-elles le restylage? Une des principales raisons est économique. Si vous avez de petites notions dans le domaine, vous savez que la rentabilité évolue avec la courbe d’expérience. Plus une chaîne de production (qui est très couteuse) est utilisée, plus elle est rentable. Si je décide de sortir une voiture en 2016, j’ai intérêt à utiliser mes infrastructures, mes robots monteurs et mon personnel spécifiquement formé une bonne dizaine d’années si je ne veux pas perdre de sous.
Je vous fais volontiers encore un parallèle boiteux: si vous achetez un abonnement de ski à 60.- et que vous ne faites qu’une seule descente, ça revient cher la glissade. Par contre si vous êtes un acharné de la latte et que vous avalez 40 pistes avant midi, vous réduisez drastiquement le coût unitaire d’une remontée.
Toutefois, le consommateur est exigeant, il est friand de nouveauté, gourmand d’exclusivité et tel le skieur qui se lassera de descendre la même piste 40x de suite, il n’est pas réfractaire à un peu changement. Et ça, les marques l’ont bien compris (kikoo Apple). Aujourd’hui personne n’achèterait une voiture neuve restée coincée en 2006 avec un design dépassé et un lecteur CD. Du côté des constructeurs, le jour où on est capable d’intégrer une nouvelle technologie à un véhicule, on n’a pas envie de changer toute la machinerie ni d’attendre 10 ans d’avoir les thunes pour le faire, c’est pourquoi on opère un restylage, qui permet également de surfer sur la notoriété du modèle de base. Genre: hé regarde, c’est la même mais en mieux!
Les nouvelles DS3 et DS3 Cabrio, c’est ça. La même, mais en mieux. Sortie en 2010, et après avoir séduit plus de 390’000 acheteurs, la « 3 » s’offre donc un petit coup de bistouri. Comme les DS 4 et 5, elle se pare de nouveaux projecteurs LED Vision (+ économiques, + jolis, + performants et + résistants), de la face avant DS Wings avec une grande calandre hexagonale et ses chromes qui s’étendent aux phares. Au niveau motorisation, on relèvera notamment l’apparition d’un moteur 3 cylindres turbo PureTech de 130 chevaux. Un « downsizing » dans le jargon, qui implique que le moteur rapetisse, qu’il consomme et pollue moins, mais reste tout aussi puissant.
A l’intérieur, c’est toujours l’idée d’un « luxe à la française » qui s’exprime, à grand renfort de technologies dernier cri et de belles matières. Et justement en parlant de garnissage, le cuir Nappa a été mentionné plusieurs fois dans la présentation, puisque les sièges « confection bracelet » en sont vêtus. Voilà une transition qui me permet de vous raconter ce que Thierry Metroz, Directeur du Design DS m’a confié lorsque je lui ai demandé s’il était possible d’envisager une voiture haut-de-gamme vegan… ou du moins, ecofriendly.
Thierry Metroz, Directeur du Design DS
Amusante coïncidence, Thierry Métroz s’est justement entretenu avec Anne d’Autruche il y a à peine deux semaines. La plasticienne aux multiples talents lui présente des alternatives au cuir traditionnel qui semblent sérieusement intéresser le designer. Parmi les propositions: le cuir de crapaud et celui de poisson.
Vous le comprendrez, l’évocation du cuir de crapaud m’a fait immédiatement grimacer. Imaginez le nombre de créatures sacrifiées pour habiller un habitacle entier. Pire, imaginez que ces habitacles soient destinés à être reproduits par centaines de milliers. Heureusement, pour des raisons de coûts, cette idée ne sera probablement jamais d’actualité, par contre, le cuir de poisson est une solution plus qu’envisageable, toujours selon Thierry Métroz.
Le cuir de poisson, et plus particulièrement de saumon est une solution ecofriendly. J’en avais parlé en janvier 2013 dans une chronique sur Couleur3, à l’époque où un designer chilien, Stiven Kerestegian, avait décidé d’utiliser des peau de saumon pour en faire des chaussons.
Pourquoi le cuir de poisson est-il écolo… et bien simplement parce qu’on recycle un déchet. Pour le bœuf c’est pareil, me direz-vous. Oui, mais l’élevage de saumons est bien moins polluant que celui des bovins. Pour preuve, la production d’un kilo de bœuf représente 18kg de CO2, alors qu’un kilo de saumon n’en génère que trois. En 2010, l’humanité a consommé 128 millions de tonnes de poisson, jetant des quantités astronomiques de peaux argentées à la poubelle… alors qu’on pourrait s’en faire des perfectos.
Autre volonté évoquée par Thierry Métroz, la piste du minéral. Il existe aujourd’hui une technologie permettant de produire des revêtements de planche de bord en pierre, en esquivant les problèmes de poids qu’on pourrait imaginer. On pourra désormais rêver d’accorder sa boite à gant au plan de travail de sa cuisine. Le comble du chic.
Cuir de saumon et cuir d’ananas
Et pour les plus vegans d’entre nous, je me suis permise de soumettre une autre idée à Monsieur Métroz, celle du cuir d’ananas. Le cuir d’ananas se constitue lui aussi à partir de déchets destinés à être brûlés: les feuilles fibreuses du plan d’ananas. Ce matériau a été développé aux Philippines dans les années 90 déjà, par Carmen Hijosa, consultante dans l’industrie du cuir. Depuis, chaussures, sacs et maroquinerie ont été réalisés avec succès et style. Si le cuir d’ananas bénéficie des mêmes propriétés que sa version animale en matière de noblesse, de résistance et de souplesse, il est également moins onéreux, n’engendre que 5% de perte (on parle de 25% pour les peaux traditionnelle) et, point non négligeable, il n’implique ni mise à mort ni souffrance animale.
L’idée fera peut-être son chemin chez DS, mais nous n’en verrions pas l’application avant plusieurs années, 4 ans au mieux selon Monsieur Métroz, puisque comme mentionné en début d’article, les changements dans le monde automobile prennent du temps.