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L'abandon du male en milieu hostile erwan larher

Par Catherine école-Boivin
L'ABANDON DU MALE EN MILIEU HOSTILE ERWAN LARHER

L’abandon ici ce serait se laisser aller au pouvoir de l’autre. L’autre que l’on ne reconnait pas toujours au départ comme bienveillant pour soi, une sorte d’intuition que l’on va s’entretuer et cette intuition attire et vampirise les pensées. Si cette femme ne me regarde pas, pense notre héros, c’est que je n’ai pas de valeur alors je vais tout faire pour en avoir à ses yeux, quitte à me quitter moi, ce que j’aime, ce qui m’habitue, ce qui me tue d’ennui. Cet autre singulier, particulièrement manipulateur et pervers devient le plein du vide, tellement plein que s’il disparait notre héros s’abandonne. IL est abandonné mais s’est abandonné à ELLE. Car c’est cela l’une des trames du livre, d’un côté l’homme devient homme dans les bras initiateurs de cette femme et de l’autre il y a le vide sans elle, il devient elle.

Elle est punk bourgeoise, émancipée, il est bourgeois attaché à sa mère, ils vont s’aimer, mal ou bien quelle importance, ils vont s’aimer, c’est à dire amarrer leurs vies, et si le bateau s’éloigne trop, l’ancre est jetée, ils sont sur l’eau l’un et l’autre à quelques centimètres des profondeurs.

L’un sait ce qui va se passer, l’autre l’ignore.

L’un se connait, l’autre se reconnait dans l’autre.

Elle se connait, lui se reconnait en elle. Elle va même lui faire connaître la ville où il habite et dont il ignore les caves et les recoins. Le mâle du livre se transforme, la femme qu’il aime reste elle-même, ne change que très peu ses habitudes, car le narrateur devient sa couverture pour ses activités et pour sa peau.

 Ils se marient et n’eurent jamais d’enfants.

Le livre d’Erwan, raconte l’histoire d’un narrateur qui habite une ville qu’il ne connait pas alors qu’il y vit depuis sa naissance, une famille qu’il ne connait pas alors qu’il y est élevé depuis sa naissance, un corps qu’il ne connait pas alors qu’il l’habite depuis sa conception, le corps d’une femme qu’il ne connait pas, c’est l’un des points de l’hostilité de la vie la plus singulière et la plus attirante finalement : ne rien connaître. Le milieu hostile dans ce livre ? celui de l’amour de l’autre jamais tout à fait amour et sans aucun doute, celui de l’imposture du sentiment amoureux.

Son amoureuse va un peu grâce à son soutien matériel (il fait la vaisselle et le ménage par exemple, il participe au loyer de leur appartement), devenir une écrivain reconnue. Sous couvert des mots, couverture encore, elle va peu à peu disparaître de lui, disparaître d’elle-même (vraiment pour le coup) et l’abandonner.

Il croit aimer et il l’aime, pour elle il s’oublie, l’abandon alors devient oubli de soi pour plaire à l’autre, elle veut qu’il tape, il tape, elle veut, il fait à l’encontre de ses valeurs, il devient elle pour lui plaire.

Il est docile, elle disparaît, réa-parait comme la bobine de Freud. Elle n’est finalement jamais vraiment là cette jolie femme, si peut-être au départ, lorsqu’elle entre habillée en punk dans sa classe et qu’elle prend aussitôt sa place, pas la place du narrateur mais sa place à elle.

Elle est toute entière à elle, alors quand le narrateur réussit à l’avoir un peu à lui, il croit devenir lui. Il devient  fou (parce qu’il ne se reconnait pas toujours), elle remplit sa vie, absolument, obsessionnellement il l’aime parce qu’elle lui échappe dès le premier instant, avec elle se marie, lui donne son nom, sa bouche, ses mots, ses mains, il est le fil.

Et quand le fil est coupé tragiquement, ce plein, ce plein intense tissé par elle, par la complexité de sa relation à lui, devient un abîme, un abîme de vide.

J’aime ce livre qui évoque l’amour deuil, d’une écriture d’un niveau littéraire dense. Il manie une sorte d’amour qui blesse et remplit à la fois, blesse et grandit les corps qui se rencontrent et s’entendent, par des mensonges, par des subterfuges pendus au-dessus du réel, sans jamais vraiment y entrer. Il pose la question de ce que nos amours nous offrent d’eux-mêmes, souvent pas grand-chose, et ce rien offert ou découvert, devient parfois ce grand tout du vaste nulle-part.

J'en profite pour mettre ce lien car Erwan Larher rénove une grange pour qu'elle devienne une résidence d'écrivain, les dons sont déductibles, on peut payer par paypal, on reçoit très rapidement une attestation pour les impots.

https://www.fondation-patrimoine.org/fr/poitou-charentes-20/tous-les-projets-937/detail-le-logis-du-musicien-a-mirebeau-31774


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