Autrement dit : la Zone euro peut-elle continuer de délivrer une solide croissance bénéficiaire après avoir connu des conditions favorables en 2015, caractérisées par des taux d’intérêt bas, la parité euro/dollar et un prix du pétrole historiquement bas. Intéressons-nous au cycle mondial, et tout d’abord au pays qui soulève le plus d’inquiétudes : la Chine. Si la Chine a commencé à ralentir dès 2010, elle se trouve désormais en phase de soutien de son activité par des mesures d’assouplissement monétaire, de stimulation immobilière et de facilitation de l’accès au crédit. A l’instar de l’automobile, certains secteurs bénéficient de mesures fiscales favorables, et participent à réduire l’ampleur du ralentissement. Si les indicateurs macro-économiques chinois n’ont pas particulièrement subi de détérioration au cours de ces derniers mois, l’incertitude de la parité yuan/dollar pèse quant à elle sur les marchés. Les autorités monétaires chinoises font face à des sorties de capitaux les conduisant à déprécier leur taux pivot de référence. Pour autant, il faut relativiser l’ampleur de la dépréciation qui, en termes de taux effectif réel, n’est que de 5% depuis fin juin 2015. Mais surtout, la Chine n’a pas d’intérêt à s’engager dans une guerre des changes, et doit plutôt gérer l’évolution de son taux de change effectif réel par rapport à un panier de monnaies de référence. Une dépréciation excessive aurait pour conséquence de créer à nouveau des capacités industrielles mal employées et peu rentables, et ralentirait le processus de rééquilibrage de l’économie vers les activités de services. On constate d’ailleurs une intensification récente de ce mouvement nécessaire, avec une croissance des ventes de détail de 11%, en accélération face à une industrie stagnante.
Dans le reste du monde émergent, nombre de pays comme la Turquie, le Brésil et les pays asiatiques autres que la Chine et le Japon, devraient subir une dégradation moindre de leur environnement économique. Et ce bien que la situation reste compliquée. Après avoir subi de plein fouet la chute des prix et la dépréciation de leurs devises, les pays exportateurs de matières premières devraient progressivement bénéficier d’un environnement macro-économique plus favorable grâce, notamment, à la stabilisation des cours de l’or noir. Le prix du pétrole a en effet enfoncé son plus bas depuis 2008, reflétant une hausse de la production mondiale avec le retour de l’Irak, l’annonce de la fin de l’embargo sur l’Iran et un début d’hiver au climat particulièrement doux de part et d’autre de l’Atlantique. En 2016, l’offre de pétrole sera plus équilibrée par rapport à la demande, et la réduction des capacités américaines sera effective. Ainsi, il est fort probable que nous assistions à une stabilisation du prix de l’or noir.
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En Eurozone, la reprise économique nous paraît bien amorcée. Les profits des entreprises sont en phase de restauration et si 2015 était déjà un bon cru, 2016 devrait engendrer des croissances bénéficiaires solides. L’investissement des entreprises est en retard sur le cycle des profits mais, même s’il reste faible en France, il a commencé à se raffermir en Espagne et en Allemagne. Après une baisse de deux points de PIB en deux ans et demi, le soutien de la construction encore très modeste devrait se manifester en 2016. Mais surtout, l’emploi est en amélioration en Eurozone, avec plus de trois millions d’emplois créés sur les deux dernières années. Les salaires frémissent même dans les pays les plus pénalisés, comme l’Espagne et l’Irlande. Nous aurions tendance à penser que la Zone euro va délivrer une croissance solide et que les attentes de déflation sont surestimées. A la lumière de ces éléments voici notre stratégie 2016 En Eurozone :
En dépit de la mise en place d’une politique quantitative en Eurozone, les taux longs n’ont pas fléchi, leur valeur absolue s’avérant extrêmement basse. Toutefois, le niveau actuel des taux longs reste trop faible et reflète des anticipations d’inflation très basse et une croissance atone. De plus, les taux courts américains et européens ont récemment divergé en anticipation d’une politique monétaire encore plus accommodante en Europe et une sortie de politique de taux zéro aux Etats-Unis. La différence de rendements entre les obligations des deux zones sur le 2 ans et le 10 ans s’établit à un niveau historiquement élevé. Nous pensons que les rendements des obligations à 10 ans vont réduire leur écart avec leurs homologues américains en raison d’un effet contagion de la hausse des taux aux Etats-Unis.
Il apparaît donc judicieux d’adapter la stratégie obligataire à ce risque. La faible sensibilité des poches obligataires, voire négative pour R Club, protège nos portefeuilles en cas de remontée des taux longs. Les spreads périphériques ont comblé une partie de leur potentiel de baisse. Toutefois, ces derniers restent néanmoins historiquement élevés et ne reflètent pas toute l’ampleur des efforts de ces pays pour rétablir leur situation économique. Nous préférons donc les obligations périphériques de maturité courte afin de bénéficier du resserrement des spreads, tout en réduisant la sensibilité. En revanche, les actions de l'Eurozone nous semblent aujourd'hui l'actif le plus intéressant, en raison d'une valorisation attractive et de perspectives de croissance des résultats en 2016. Le contexte de reprise économique solide mais en retard sur les Etats-Unis et l’environnement de taux toujours très accommodant devraient enfin permettre une détente de la prime de risque sur cet actif. Plus précisément, les poches actions de nos portefeuilles ont un biais « value », « grandes capitalisations » et permettent aux investisseurs de se prémunir contre le risque de hausse des taux longs et de forte correction des valeurs de croissance. Précisons que nous sélectionnons les valeurs bénéficiant d’histoires convaincantes de retournement et les financières de l’Eurozone. En effet, les taux d’actualisation utilisés pour valoriser les valeurs de croissance vont s’apprécier en ligne avec les taux longs et leur valorisation va mécaniquement baisser.
Aux Etats-Unis :
Nous restons à l’écart des obligations américaines car le cycle de remontée des taux à venir entraîne un risque de perte en capital. Nous gardons une position marginale sur les actions du nouveau continent : l’avancée dans le cycle, la valorisation et le manque de levier opérationnel des entreprises rendent cet actif peu attrayant, surtout en comparaison avec les actions de la Zone euro.
Au Japon :
Les marchés actions ont très bien performé. En effet, la faiblesse du yen et du pétrole, l’attention des chefs d’entreprises à l’amélioration de la rentabilité des entreprises ont induit une forte croissance bénéficiaire des entreprises. A l’avenir, nous garderons notre position sur les actions japonaises mais nous ne la renforcerons pas. Par ailleurs, le yen a probablement terminé son parcours baissier, le taux de change effectif réel s’étant fortement déprécié et la balance courante s’améliorant au Japon. Un mot sur le dollar : nous ne sommes pas dans le camp de ceux qui voient l’euro/dollar à parité en 2016. L’excédent commercial de 3% du PIB de l’Eurozone et la parité de pouvoir d’achat penchent pour une remontée de l’euro à moyen terme. 2016 est l’année du singe pour les Chinois : « Ces années réservent toujours quelques facéties... Tout peut arriver... ». Et si l’Eurozone surprenait positivement ?
A propos des auteurs : Philippe Chaumel et Didier Bouvignies, sont associés-gérants, co-responsable de la gestion chez Rothschild & Cie Gestion.