Quelques réflexions au débotté : Kerviel, Copé, Sarkozy, l'état d'urgence…

Publié le 22 janvier 2016 par Gezale

Le trader Jerôme Kerviel est passé, cette semaine, devant la justice. Mais cette fois à sa demande et pour solliciter un suris à statuer suite aux déclarations récentes d’un commandant de police et d’une procureure de la République enregistrée à son insu. Jérôme Kerviel considère depuis toujours qu’il a été victime d’une erreur judiciaire. Il ne nie pas avoir fait perdre 5 milliards d’euros à la Société générale mais jure qu’il était couvert par sa direction au courant de ses prises de positions. Ce que cette dernière conteste. Cette direction n’a jamais voulu reconnaître qu’elle connaissait les méthodes, les pratiques et les risques encourus par la banque du fait des agissements d’un tarder jusque là veinard. L’instruction, suite à la plainte de la Société générale, et selon toute vraisemblance n’a pas été conduite à charge et à décharge. Une policière attachée à la direction des affaires financières de la police judiciaire, a expliqué les difficultés qu’elle a dû affronter pour accéder à certaines pièces et certains documents du fait du refus de la Société générale. C’est d’autant plus troublant que l’enregistrement clandestin de la procureure-adjointe confirme que la direction de la Société générale a pollué l’enquête de manière à ne faire valoir que la thèse des dommages subis et non à faire apparaître les rôle réel des protagonistes. Me Koubi, l’avocat de Jérôme Kerviel, ne lâchera rien. S’il peut apporter la preuve du comportement de certains dirigeants de la grande banque française, il ne s’en privera pas.  Une justice équitable est-elle possible en France en 2016 quand une grande banque « too big to fail » (1) est mise en cause ? C’est tout l’enjeu des futures confrontations devant les juges.
S’agissant des banques, le Point nous apprend que 38 000 comptes cachés appartenant à des Français ont été découverts au sein de la banque UBS…en Suisse. La liste aurait transité par l’Allemagne. Le journal affirme que Bercy pourrait (au conditionnel donc) récupérer 12 milliards d’euros. Mais Bercy fait le mort ou plutôt le sourd. Aucun ministre ne veut confirmer une information très sensible. Les dirigeants d’UBS nient. Ils affirment avoir fait le ménage. Il ne fallait quand même pas attendre un mea culpa de la part d’hommes et de femmes habitués aux cachoteries et aux contre-vérités. Il faut absolument que les dirigeants du gouvernement français soient aussi sévères que les Américains. Eux ont réussi à attendrir suffisamment la chair des banques suisses.
Jean-François Copé nous fait le coup du retour après 18 mois de diète médiatique sans qu’il ait stoppé une seconde d’être présent à la mairie de Meaux ou à l’Assemblée nationale. Il se présente comme une victime. Victime expiatoire dans l’affaire Bygmalion à l’origine de son éjection de la tête de l’UMP et du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 (2), victime des médias, victime de la haine de certains de ses compagnons (?) et aussi — ce qu’il ne dit pas — victime de lui-même. Ses saillies sur le pain au chocolat ont laissé un souvenir amer. Il les regrette…sincèrement ? Il n’empêche que Jean-François Copé fait son grand show sur la scène publique avec des confidences à la télé, des propos humbles à la radio et des petits secrets racontés dans son livre qui lui sert de viatique. Le livre, c’est pratique et ça peut rapporter gros. Sarkozy s’y met aussi tout comme Juppé, Fillon, Le Maire bientôt, tous candidats à la primaire « de la droite et du centre » comme ils disent. Si tous les politiques se mettent à raconter (ou à faire raconter) leurs états d’âme on n’a pas fini d’alimenter le pilon.
Faut-il prolonger l’état d’urgence comme va, dit-on, le demander François Hollande ? Le péril justifiant cette situation d’exception est-il réellement imminent ou ne s’agit-il que d’un risque permanent avec lequel notre démocratie va devoir s’habituer à vivre. La Ligue des droits de l’homme lutte avec efficacité et crédibilité contre l’état d’urgence ad vitam aeternam. Ses avocats ont saisi les juridictions ad hoc pour éviter que la France soit pointée du doigt par les institutions européennes chargées de veiller au respect des droits et des libertés. Ne nous résignons pas. Ne nous habituons pas à vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Attendons avec impatience et raison de connaître la liste des députés de la nation prêts à vendre leur âme pour constitutionnaliser la déchéance de nationalité. La liste des supporteurs de cette incongruité extravagante pour qui se dit de gauche évidemment sera rendue publique. Nous y serons donc attentifs.
(1) Expression anglaise signifiant « trop gros pour faire faillite ». (2) Affaire Bygmalion : « connais pas ! » ose assurer Sarkozy dans son prochain livre ! Qui le croira ?