Voici, ainsi, le poème de l’interrogation de l’être, sa prolifération, ses dissonances, sa fragilité, son innommabilité, en un mot, tout compte fait, ses foisonnantes fascinations. Lisant, on se trouve dans l’heureuse impossibilité d’accéder à une sorte de summum logique d’où contempler la hiérarchie et l’ordre d’un livre fait de pluralités vertigineuses, de continuités en perpétuel devenir. Rouleaux est un vaste réservoir de la conscience qu’un homme, un grand poète, peut avoir de ce qu’il est-fait-pense face au grand dehors avec ses innombrables dedans. Si Christian Hubin déclare ‘[s’être] très peu rencontré’, c’est sans aucun doute qu’il saisit, dans ce livre, comme ailleurs, la pleine et si extraordinaire infinité qu’il ne cesse de vivre et de tenter d’écrire. ‘Dire comme il neige, dit-il souriant, comme voici vos animaux, vos gélules sans distance ni abandon – sans attribution possible’. Inutile d’affirmer ici vérités et sagesses. L’écriture, la poésie ‘n’a rien à reprocher – ni à la langue dont elle s’extrait, ni au monde – où elle porte atteinte. Elle est à son mythe, à son détriment’. Elle en est la musique même. L’art, on le sait, prend des formes radicalement distinctes. Ce qui les propulse, c’est la passion, le désir ; ce qui les transmue, c’est une discipline mentale qui n’a rien de fixe quant au visage offert au monde. Celui de Rouleaux s’avère être d’une riche et austère puissance qui ne flanche jamais.
Michaël Bishop
Christian Hubin. Rouleaux. L’Étoile des limites, 2015. 121 pages, 15 euros.