Fredrika Stahl est une chanteuse que j'affectionne depuis quelques années et que j'avais pu voir en concert au Trianon il y a quelques mois. Cette artiste d'origine suédoise a une actualité riche puisqu'elle a écrit et composé la bande originale du documentaire de Mélanie Laurent et Cyril Dion, Demain. C'est dans ce cadre que je l'ai rencontrée, le temps d'une interview décontractée...
Fredrika, comment s'est passée la rencontre avec Mélanie Laurent et Cyril Dion, les réalisateurs de Demain ?
C'est moi qui leur ai envoyé une chanson lorsque j'ai entendu parler du projet qui m'a beaucoup inspirée, la chanson The World to come. Mélanie et Cyril sont très ouverts et ont accepté de me faire confiance plutôt que se tourner vers un compositeur de musique de films. Ils étaient en train de faire les montages et apparemment ça collait parfaitement. Alors ils m'ont demandé d'écrire la suite !
De quoi est composé l’album ?
Il est composé des 6 chansons de la bande originale, ainsi que de 11 instrumentales. The world to come aborde les questions de l'inquiétude et de la culpabilité vis à vis du désastre écologique que nous vivons. C'est la chanson du début du film, le constat. Mélanie et Cyril l'aimaient bien mais ils m'ont expliqué que ce n'était pas le message qu'ils souhaitaient faire passer avec leur documentaire. Ils voulaient aborder les solutions. Les films lourds et inquiétants sur ce sujet, il y en a eu 3000 et ce n'est pas ça qui motive les gens. A leur demande, les autres chansons de l'album sont donc plus entraînantes. Il fallait véhiculer l'envie de se retrousser les manches ! Les gens ont besoin de savoir qu'il est tard certes, mais pas trop tard pour agir.
Après, la chanson Everything est plus poétique, car je me mets à la place de la Terre qui sent et voit tout. Et More parle du fait que nous sommes tous un peu insatiables dans la vie...Cela rejoint indirectement le thème du gaspillage.
Qu’est ce qui vous a plu dans ce projet ?
Le thème, j'ai trouvé que c'était une super idée, cela m'a inspirée. Et cela faisait longtemps que j'avais envie d'écrire des musiques pour un film, j'ai saisi ma chance ! C'est dur d'avoir sa première chance !
Avez-vous travaillé différemment que pour vos autres albums ?
Oui, car on compose avec les images en tête et le thème est assez précis, donc ça m'a imposé un tempo et un thème dans le texte. Souvent Mélanie et Cyril m'envoyaient des images et ma musique devait coller au tempo, et parfois on faisait l'inverse : j'envoyais ma musique et ils adaptaient le montage des images. Parfois cela pouvait les aider à structurer le film et vice versa, moi ça me donnait un cadre. Ils sont très ouverts, c'est rare que ça se passe comme cela. On a travaillé comme ça pendant six mois à s'envoyer les choses. Je suis contente car ils ont vraiment respecté la musique, ils lui laissent beaucoup de place. Car parfois, un morceau peut être massacré lors des montages...
Y a-t-il d’autres thèmes ou d’autres causes qui pourraient vous inspirer ?
Oui sûrement. En tout cas, ça m'a nourrie d'écrire pour les autres, cela permet de s'ouvrir. Après quatre albums solo, où je parlais d'émotions très personnelles, j'avais l'impression de tourner un peu en rond. Le projet autour de Demain m'a fait beaucoup de bien, je me suis dit qu'il fallait que je retente l'expérience, tout en continuant à écrire pour moi tout de même !
Qu’est-ce que le fait de vivre en France vous a apporté musicalement ?
Enormément de choses ! J'ai toujours cru que j'étais très suédoise, surtout au niveau de la voix et des mélodies, mais je me suis rendue compte en enregistrant mon album en Angleterre avec un producteur anglais que j'étais aussi très française. Il n'arrêtait pas de me répéter "This is so french !" lorsque l'on travaillait, mais je n'ai jamais compris ce que cela voulait vraiment dire. Peut être dans le phrasé... Mais je dois être un mélange des deux.
Vous avez fait de la danse classique puis touché au jazz, comment fait-on pour se défaire de cette rigueur ?
Au fond, j'ai toujours eu une culture plus pop que jazz, ce sont surtout les musiciens qui m'accompagnaient qui faisaient des arrangements jazz autour de mes chansons. Mais oui, j'essaie d'être moins sage, ce n'est pas évident. Je suis maniaque, cela a ses bons côtés, mais aussi ses mauvais. J'essaie d'accepter mes défauts, car les défauts ne sont pas des défauts, c'est ce qui fait que ce n'est pas lisse...
Y a-t'il un artiste français avec lequel vous souhaiteriez travailler ?
Oui...Alban de la Simone par exemple. Yael Naïm, même si elle n'est pas tout à fait française ! Camille fait des trucs super aussi. J'adore également le groupe franco-finlandais The Do. J'aime beaucoup ce qu'ils font.
Vous avez collaboré avec Christophe Willem, comment cela s’est-il passé ?
Il y a cinq ou six ans, mon ancien directeur artistique m'avait demandé d'écrire une chanson pour lui. Christophe l'aimait beaucoup, mais elle ne collait pas avec ce qu'il voulait faire à ce moment-là. Et il m'a envoyé un texto quatre ans plus tard pour savoir si la chanson était encore disponible ! Il voulait savoir si j'en avais d'autres. C'est à ce moment-là que je lui ai proposé de co-écrire. On a écrit 6 chansons ensemble.
Quels sont vos projets à venir ?
Dès que j'ai fini la promo pour Demain, je vais en Suède écrire pour moi. Il faut que je sois isolée pour cela. Cela me fait toujours peur, parce que je me retrouve seule avec moi-même et avec mes démons. Je suis très difficile, je suis très chiante avec moi-même.
Et à propos de Paris...
Vous vivez à Paris depuis plus de dix, quels sont vos endroits préférés ? J'ai longtemps vécu dans le 11ème, rue de Charonne, où j'allais souvent à Pause café. C'était ma cantine ! J'adore aussi le quartier autour du Carreau du Temple, il y a plein de super bars, c'est le quartier idéal pour vivre je pense. J'aime le quartier latin, car quand j'y vais, je me rappelle que je suis à Paris. Je n'y suis jamais, quand je travaille je suis toujours Rive droite, car les studios, salles de répétition et de concerts sont surtout Rive droite. J'aime beaucoup la déco et suis fan de brocantes et des magasins de décoration Fleux', rue Sainte-Croix de la Bretonnerie. C'est très sympa ! Et avez-vous découvert des lieux en rapport avec la Suède ? Oui, j'aime beaucoup le jardin de l'Institut suédois, l'été, on peut y aller voir du ciné en plein air. Rue de Rivoli, je fréquente également le Cercle Suédois, un club privé installé dans les anciens appartement d'Alfred Nobel, où il y a des concerts de jazz tous les mercredis. Enfin, il y a une épicerie suédoise, Affären, près du métro Courcelles, tout près d'une l'église suédoise où on peut trouver un magnifique marché de Noël et assister à des célébrations de la Sainte-Lucie.