Nourrir un blog ce n'est pas obligatoirement la relation publique de ce qui tourne au moment m dans ma tête et d'en montrer comme une sorte d'exhibition tous les rouages par une succession de textes biographiques et explicatifs. Je suis un peu fainéant en ce moment ou trop préoccupé par des affaires artistiques et je préfère, je le concède, faire la part belle à la reproduction des interventions, des communications, de personnes très compétentes dans des sujets qui me sont sensibles. Le texte de Laurent Kupferman, collaborateur de l'hebdo Marianne, m'est apparu très proche et c'est pour cela que je le reproduit ici tant il éclaire la mensee sur la laïcité. Parmi les principes qui fondent la République, il en est un qui régulièrement invoqué, c'est la Laïcité. Caricaturée par les uns, attaquée ou mal défendue par les autres, la Loi de 1905 semble encore être imparfaitement comprise. Votée en pleine affaire Dreyfus, dans un moment où la France est déchirée par une nouvelle querelle religieuse, son objet est multiple.
Elle vise d'abord à mettre fin à une pratique héritée de l'Ancien régime qui subsiste jusqu'à la IIIe République : la co-gouvernance des affaires publiques par l'Etat et les Églises. Jusqu'en 1882, ce sont, par exemple, les évêques qui nomment et révoquent les instituteurs d'un simple trait de plume, lorsque ceux-ci tentent d'enseigner hors du dogme religieux.
Pour autant, la Loi de 1905 n'est pas la négation du fait religieux. Un état laïque n'est pas un Etat sans religion, mais dans lequel la religion est à juste place : dans l'intime conviction de celles et ceux qui ont la foi, et hors du champs politique, dans lequel seul l'onction du suffrage universel donne voix au chapitre.
Avec la Loi de 1905 chacun est libre de croire. Cela nous parait évident, mais sous l'Ancien régime, il était obligatoire de croire sous peine de condamnation à mort. Ceux qui l'ont oublié pourront se rappeler de l'infâme condamnation à mort en 1766 du Chevalier de la Barre tout simplement parce qu'il avait refusé de se découvrir au passage d'une procession. Condamné pour blasphème, il est brûlé vif en 1766 alors qu'il n'a que 21 ans. Voltaire, et les philosophes des Lumières s'en indignent et leur combat ouvre la voie vers la Laïcité.
La Loi de 1905 affirme aussi le droit de ne pas croire.
Cette liberté, qui nous semble évidente, n'a que 110 ans, et nombre de pays encore aujourd'hui punissent encore de mort les incroyants. Et d'autres " Chevaliers de la Barre ", comme le blogger Raëf Baddoui sont toujours victimes de l'obscurantisme.
Le droit de ne pas croire, comme celui de croire sont donc des avancées caractéristiques de l'Humanisme français, qui est, sur ce point encore, plus progressiste que l'Humanisme anglo-saxon dans lequel la Religion est reine, et l'athéisme une incongruité.
Peu de pays la pratique. Elle recule en Turquie, mais a probablement sauvé l'unité de la Tunisie, faisant de ce pays et de ce peuple courageux, une cible de choix pour les fondamentalistes radicaux, ennemis de la Liberté de conscience.
Contrairement à ce que les adversaires de la Laïcité veulent faire croire, l'exercice de la pratique religieuse est donc garanti en France. Emile Combes, le bâtisseur de la Loi de séparation des Eglises et de l'Etat l'a conçue dans un esprit dénué " d'hostilité contre les consciences des croyants, mais dans un sentiment de paix sociale et liberté religieuse ".
Dans la République, depuis 1882 et la Loi de Jules Ferry, le bâtisseur de l'Ecole publique, il n'existe qu'un seul sanctuaire, à l'abri du fait religieux, c'est l'école publique, où l'on apprend à penser par soi-même, à s'émanciper de ses origines sociales, culturelles, religieuses, pour aller chercher ce qui nous rassemble, c'est à dire notre humanité.
Ferdinand Buisson, co-Prix Nobel de la Paix en 1927, nommé par Jules Ferry à la direction de l'enseignement en donne une belle définition : " pour faire un républicain il faut prendre l'être humain, si petit et si humble qu'il soit (un enfant, un adolescent, l'homme le plus inculte, le travailleur le plus accablé par l'excès de travail) et lui donner l'idée qui peut penser par lui-même, qu'il ne doit foi ni obéissance à personne, que c'est à lui de chercher la vérité et non pas à la recevoir toute faite d'un maître, d'un directeur, d'un chef quel qu'il soit, temporel ou spirituel. Il n'y a pas d'éducation libérale là où l'on ne met pas l'intelligence en face d'affirmations diverses, d'opinions contraires, en présence du pour et du contre, en lui disant : compare et choisis toi-même! " On ne saurait mieux dire.