"Voici le jardin du philosophe. On y cueillera des fruits mûris sur le tronc de la sagesse commune et dorés à cette autre lumière des idées. Ils en reprennent leur saveur d'origine, qui est le goût de l'existence. Saveur oubliée en nos pensées ; car on voudrait s'assurer que l'existence est bonne et on ne le peut ; on en déçoit donc l'espérance par précaution, prononçant qu'elle est mauvaise. De là s'étend l'empire de l'imagination déréglée, en quoi Alain, se confiant à la sagesse du corps, restaure la souveraineté claire de l'homme heureux et qui n'attend pas pour l'être, ici et non ailleurs, que l'événement lui donne raison, acteur enfin et non spectateur de soi-même." (présentation de l'éditeur)
Au travers de propos simples, de chapitres courts ponctués d'exemples didactiques tirés de la vie courante, Alain nous convie vers le bonheur, en nous prouvant que cette perle rare dépend de notre disposition intime et non d'évènements extérieurs. Il s'intéresse principalement à tous ceux qui se plaignent et font de la tristesse leur étendard. Ces gens-là selon devraient chercher l'aiguille dans leur chaussure, la cause véritable de leur mauvaise humeur avant de chercher à réguler leurs passions. Ils n'auront aucune puissance sur lesdites passions tant qu'ils ne connaitront pas leurs vraies causes. Quelquefois la cause est prosaïquement corporelle et l'éclairer permet alors de retrouver le chemin vers la quiétude.
"Chaque mouvement d'humeur naît d'un événement physiologique passager ; mais nous l'étendons, nous lui donnons un sens oraculaire ; une telle suite d'humeurs fait le malheur, je dis en ceux qui n'ont pas de graves raisons d'être malheureux, car c'est ceux-là qui sont malheureux par leur faute."
Quant à ceux qui se plaignent d'un destin malheureux, un examen de leur parcours mettra facilement en valeur leurs motivations profondes.
"Ce colonel, qui va planter ses choux, aurait bien voulu être général ; mais, si je pouvais chercher dans sa vie, j'apercevrais quelque petite chose qu'il fallait faire, et qu'il n'a point faite, qu'il n'a point voulu faire. Je lui prouverai qu'il ne voulait pas être général.
Je vois des gens, qui, avec assez de moyens, ne sont arrivés qu'à une maigre et petite place. Mais que voulaient-ils ? Leur franc-parler ? Ils l'ont. Ne point flatter ? Ils n'ont point flatter et ne flattent point. Pouvoir par le jugement, par le conseil, par le refus ? Ils peuvent. Il n'a point d'argent ? Mais n'a-t-il pas toujours méprisé l'argent ?" p. 76
Pour s'abstraire des pensées négatives, Alain insiste sur le bienfait de l'action, du travail libre. L'ennui est rapidement source de malheur, et plutôt que de subir , mieux vaut agir. Peu importe les difficultés alors rencontrées, elle n'apporteront que plus de valeur au but atteint.
Ainsi, une bonne humeur générale pourra se répandre, marque de la politesse élémentaire, et le bonheur s'épanouira : "On peut le semer le long des rues, dans les tramways, dans les kiosques à journaux ; il ne s'en perdra pas un atome. Elle poussera et fleurira partout où vous l'aurez jetée."
Un court essai résolument optimiste.