Je m’inquiétais à tort lorsque j’ai appris la fin de la série des enquêtes de Victor Legris. Car Claude Izner continue sur sa lancée, mais avec un saut dans le temps de vingt années, en 1921.
Le nouveau personnage central, Jeremy Nelson, est un jeune pianiste de Jazz, débarqué de New York en France à la recherche de ses origines familiales. Il va rencontrer une ancienne héroïne de la série précédente : Madame Doxie Maxie, que nous avons connue sous les identités de Fifi-Bas-Rhin ou encore Eudoxie Allard. Le Paris des années folles n’a rien de très reluisant en cette période marquée par la plus terrible guerre que le monde ait connu : on pleure encore les morts, les mutilés se débrouillent de petits boulots, la capitale porte encore les stigmates des bombardements allemands à longue distance. Une frénésie de loisirs prend les survivants : rag-time et cinéma comique.
L’intrigue se déroule entre deux pôles : un cabaret miteux de Belleville, le Mi-Ka-Do (une réminiscence du Ba-Ta-Clan ?) et le cinéma Le Rodéo, où passent des films américains animés par la musique d’un « tapeur ». Ces deux lieux ont un point commun : Robert Bradford, que l’on croit parti à Nice dans sa torpédo …. Cependant, alors que Jeremy remonte la piste floue de vieilles photos d’un certain P.K. et intègre comme pianiste le Mi-Ka-Do, de mystérieuses morts violentes déciment les artistes de la troupe … Des soupçons s’orientent vers Jeremy, notamment à cause d’un porte-bonheur en brins de laine « Nénette et Rintintin » agrémenté d’un petit fer à cheval doré, qu’il a trouvé par terre et accroché à son revers. Il vient en effet de mettre les pieds dans une affaire particulièrement complexe …où il risquera sa peau à plusieurs reprises.
Comme toujours chez Claude Izner, les références historiques et topographiques abondent. On retrouve, comme dans les romans de John Irving, des éléments récurrents : des immigrés d’origine juive, une maison à Saint-Mandé, les brocanteurs, les livres anciens … Ici, on baigne dans les airs de jazz jusqu’à saturation. Le foisonnement des personnages devrait inciter le lecteur à en dresser des fiches individuelles afin de se remémorer qui fait quoi. C’était déjà mon intention dans la série des Victor Legris, et je regrette de ne pas l’avoir fait … Les péripéties de l’histoire embrouillée à souhait, des mauvaises interprétations et des confusions, ne permettent de comprendre ce qui s’est passé qu’au tout dernier moment - c’est la loi du genre.
Mais on comprend aussi qu’il y aura une suite, puisque Jeremy a retrouvé la trace ténue de Tasha. Rendez-vous à Londres pour la suite de l’aventure.
Le pas du renard, thriller de Claude Izner, Editions 10-18 Univers poche, 335 p., 16,90€.