L'École de Paris est une notion qui désigne l'ensemble des artistes, dont beaucoup d'étrangers, qui se sont manifestés à Paris au début du XXe siècle.
Dans son Dictionnaire des peintres de l’École de Paris (1993), Lydia Harambourg justifie l’emploi de l'expression par la continuité qu’elle permet d’établir entre les différentes phases de développement de l’art moderne de la part d’artistes ayant eu Paris pour résidence. Son livre ne présente pas une école ou un courant particulier, mais vingt années de peinture à Paris. Dans cette acception, l’École de Paris rassemble les artistes ayant contribué à faire de Paris le foyer de la création artistique jusque dans les années 1960.
Marc Chagall
On distingue en général trois grandes périodes de mutation dans le paysage artistique parisien au XXe siècle, chacune étant la manifestation d’un renouveau de la précédente. La première période va de 1900 aux années 1920, la deuxième couvre l’entre-deux-guerres et la dernière désigne l’après-deuxième Guerre mondiale.
Lazar Meyer, né le 20 janvier 1847 à Fegersheim (Alsace) et venu s'établir à Paris pour raisons politiques et religieuses en 1870, est un artiste-peintre français, considéré comme l'un des premiers précurseurs de l'École de Paris. Il fut l'un des tout premiers peintres venus s'établir à Montmartre. Il a été tout d'abord l'élève d'Alexandre Laemlein puis d'Alexandre Cabanel et Emile Lévy.
1900-1920
L'historien et critique d'art Adrian M. Darmon, note que le terme « École de Paris » est employé avant la Première Guerre mondiale par certains journaux d'outre-Rhin lorsqu'ils soulignèrent les tendances d'avant-garde opposées à l'expressionnisme allemand.
C'est le 27 janvier 1925 qu'André Warnod utilise l'expression pour la première fois en France, et ce dans un article de la revue littéraire Comoedia. Il désigne ainsi l'ensemble des artistes étrangers arrivés au début du XXe siècl dans la capitale à la recherche de conditions favorables à leur art. De 1900 à la Première Guerre mondiale, Paris a vu en effet l'afflux d'artistes, souvent d'Europe centrale, qui se fixent essentiellement à Montparnasse. Parmi eux Marc Chagall, Pablo Picasso, Chaïm Soutine, Pascin, Amadeo Modigliani, Kees Van Dongen, Moïse Kisling, Alexander Archipenko, Joseph Csaky, Ossip Zadkine et Tsugouharu Foujita, pour ne citer que les plus célèbres.
Modigliani
Nombreux sont les peintres juifs de l’École de Paris. Ces artistes viennent de l’Est : Russie, Pologne, Allemagne, Bulgarie, Tchécoslovaquie, Roumanie, Hongrie. Ils ont été familiarisés avec les grands maîtres français du XIXe siècle et connaissent les impressionnistes par l’intermédiaire de leurs professeurs comme Jozef Pankiewicz à Cracovie, Ilia Répine à Saint-Pétersbourg, Adolf Fényes, Isaac Perlmutter à Budapest et Lovis Corinth à Berlin. Âgés d’une vingtaine d’années pour la plupart, ils ont été des acteurs de l’émancipation juive, et participent au mouvement de réveil social et intellectuel en Europe qui se caractérise par la perte du religieux et l’engagement politique, et se trouvent en coïncidence avec le contexte cosmopolite des grandes capitales de l’époque, Vienne, Berlin et surtout Paris. Ils seront plus de cinq cents peintres dans le Paris de l'entre-deux-guerres, formant un réseau d'amitié et, de proche en proche, se connaissant tous.
La guerre de 1914-1918 aura tôt fait de les disperser, renvoyant en Allemagne Rudolf Levy, Walter Bondy et Otto Freundlich... Léopold Gottlieb part rejoindre en Pologne l'armée du maréchal Pilsudski. Marc Chagall, Emmanuel Mané-Katz, Abram Brazer, Savely Schleifer retournent en Russie. Eugène Zak s'installe à Nice et à Vence, avant de rejoindre en compagnie de son épouse sa ville natale.
Nombreux sont ceux qui se portent volontaires dans l'armée française : Kisling est réformé en 1915, après une blessure ; Louis Marcoussis, ami d'Apollinaire, sera décoré ; quant à Simon Mondzain, il gardera l'uniforme jusqu'en juillet 1918. Certains, réformés pour raisons de santé, comme Modigliani et Soutine, se portent alors volontaires pour des corvées. Pascin part pour Londres afin d'échapper au service dans l'armée bulgare.
Pendant les années de guerre, les artistes restés à Paris sans pension ni aide se solidarisent. À partir de 1915, Marie Vassilieff tient une cantine artistique dans son atelier situé dans l'impasse du 21 de l'avenue du Maine, qui ne désemplit pas durant toute la guerre. On y parle toutes les langues.
Raoul Duffy
La fin de la Première Guerre mondiale marque l'entrée des peintres juifs de Montparnasse sur la scène parisienne. En décembre 1915, Germaine Bongard, sœur du couturier Paul Poiret, parraine une série d'expositions dans sa boutique de la rue de Penthièvre. La première présente des tableaux de Modigliani, des tableaux de Kisling, qui voisinent avec des tableaux de Picasso, des tableaux de Fernand Léger, d'Henri Matisse et d'André Derain.
Ces peintres se défont peu à peu de la position de marginaux qui était la leur. Le retour du front leur procure un « certificat de bonne conduite », des perspectives s'ouvrent alors.
Léopold Zborowski organise le 3 décembre 1917 la première exposition personnelle de Modigliani, à la galerie B. Weill, et pour la préface du catalogue, Blaise Cendras écrit un poème.
L'entre-deux-guerres
Ceux qui se sont installés entre 1900 et 1912 ont eu le temps de mettre en place le réseau d'amitiés et de relations nécessaires à leur essor. D'autres peintres leur succèdent, fascinés par Montparnasse.
Sonia Delaunay
Les rejoignent bientôt : Vladimir Naïditch de Moscou en 1920, Koskia Terechkovitch venant de Moscou, après un long périple de 3 ans, en 1920, Zygmunt Landau de Pologne la même année, le Hongrois Jean Toth en 1921, Alexandere Fasini d'Ukraine en 1922, le Biélorusse Ossip Lubitch arrive en 1923, le Biélorusse Isaac Antcher en 1924, le Mexicain Federico Cantu en 1924, la Polonaise Esther Carp en 1925. Issachar Ryback arrive d'Ukraine en 1926, Abraham Iris (dit Antoine Irisse) de Bessarabie en 1926, Jacob Macznik de Pologne en 1928. Quant au prince russe, le peintre Alexis Arapoff, né à Saint-Pétersbourg, il a fui l'URSS, en 1924, avec une troupe de théâtre.
L'entre-deux-guerres connaît donc l'arrivée d'autres artistes (russes notamment) et voit l'émergence de nouvelles tendances stylistiques, telle l'abstraction, ainsi que l'importance de la couleur en peinture.
Dès l'accession d'Hitler au pouvoir en 1933, les peintres fuient l'Allemagne nazie : le Lituanien Moses Bagel, Jesekiel David Kirszenbaum et Jacob Markiel arrivent à Paris. En Pologne, Sam Ringer, après avoir été forcé de travailler à la construction du camp d'Auschwitz, est déporté successivement dans neuf camps différents et finit par venir à Paris en 1947 pour entrer aux Beaux-Arts.
Montparnasse remplace Montmartre. À Montparnasse, pendant vingt ans, sous le manteau ou sous les tables des terrasses de La Rotonde, du Dôme, de la Coupole, des trafiquants achètent et vendent des tableaux de Derain, des tableaux d'Utrillo, des tableaux de Modigliani ou de Picasso échappés par miracle du carton des peintres. Plus excentré à Puteaux on trouve le restaurant de Camille Renault, dit Big Boy.
Jean Metzinger
Le Dôme a été créé en 1898 et c'est vers 1903 que les peintres juifs de langue germanique, Walter Bondy, Rudolf Levy, Béla Czobel, Jules Pascin, Reszo Balint… en font leur lieu de prédilection selon la tradition des cafés munichois. Ils y retrouvent les marchands de tableaux Alfred Flechtheim, Henir Bing... D'autres groupes se composent de peintres hollandais et scandinaves.
La Rotonde est un établissement ancien, pris en main par Victor Libion en 1911. Cet homme très généreux envers les peintres les accueille et leur propose de faire un peu de ménage en échange de consommations. Des difficultés financières obligent Libion à vendre La Rotonde en 1920. Au même titre que les marchands de tableaux, cet homme a largement contribué à l'éclosion de cette vie grâce à son attitude et à sa sensibilité.
La Coupole est inaugurée en décembre 1927 par les artistes gérants du Dôme Fraux et Laffont. Une trentaine de peintres ont décoré les piliers et les murs avec des tableaux peints directement sur le béton : Fernand Léger, Marie Vassilieff, David Seifert, Nathan Grunsweigh, Georges Kars, Othon Friesz…
Un groupe de peintres, qui entreprennent d'exposer sous l'Occupation, est rassemblé par l'exposition Vingt jeunes peintres de tradition française, organisée en 1941 par Jean Bazaine et l'éditeur André Lejard.
Ces peintres sont bien loin des formes traditionnelles de l’art. Rangés toutefois sous le terme de « tradition », ils ne sont pas inquiétés par la censure du régime de Vichy. « Je me souviens assez bien du vernissage : sont arrivés deux officiers allemands qui se sont avancés jusqu'au milieu de la galerie. Ils ont jeté un coup d'œil, se sont regardés, ont tourné les talons. C'est tout. C'était l'époque où les Allemands voulaient encore être gentils », dira Bazaine. L’exposition devient le manifeste d’une peinture moderne et fédère plusieurs artistes à tendance non figurative : Jean Le Moal, Alfred Manessier, Charles Lapicque, Jean Bazaine, Edouard Pignon, Léon Gischia, Maurice Estève, Charles Walch, Gustave Singier, Jean Bertholle, André Beaudin et Lucien Lautrec.
Moïse Kisling
Deux ans plus tard, du 6 février au 4 mars 1943, une exposition collective, Douze peintres d’aujourd’hui, se tient à la Galerie de France avec Bazaine, Bores, Chauvin, Estève, André Fougeron, Gischia, Lapicque, Le Moal, Pignon, Singier, Villon, Lautrec, Tal Coat. Malgré leurs différences esthétiques, émergent de ce groupe ces artistes qui seront bientôt désignés comme membres d’une « Nouvelle École de Paris ».
L'après-guerre
Aujourd’hui, l'expression « École de Paris » recouvre plusieurs acceptions.
L’expression a été détournée par certains dans les années 1950 pour définir une esthétique figurative nationale ; elle prend alors une connotation fortement péjorative dans le vocabulaire de la critique de la fin des années 1960 flagornant l’École de New York. Par ailleurs, des galeries parisiennes relaient la confusion quant à l’utilisation du terme. En janvier 1952, lors d’une exposition à la galerie Babylone, Charles Estienne prend le parti de ne rassembler que des artistes à tendances abstraites. Ils y sont présentés comme garants de la Nouvelle École de Paris, née entre 1940 et 1950. La galerie Charpentier, en 1960, élargit sa sélection d’artistes. Elle est exposée par la Biennale de Paris en 1961.
Créé juste après la guerre, le Salon de la jeune peinture rassemble les peintres nés pendant ou peu après le premier conflit mondial. Ce sont parfois des artistes qui se sont peu manifestés pendant l'Occupation ou même pas du tout parce qu'ils participaient activement au conflit dans les rangs des armées alliées ou dans ceux de la Résistance. À propos de ces peintres, André Warnod utilise aussi le terme Nouvelle Ecole de Paris. Parmi les peintres figuratifs les plus représentatifs de cette « jeune peinture » se trouvent René Aberlenc, Jean Baudet, Bernard Buffet, Jansem, René Margotton...
Ce sont les mêmes peintres qui refuseront de se conformer aux standards officiels de l'ère Malraux et dont on retrouve les œuvres dans les principaux Salons parisiens, indépendants du pouvoir politique, pendant toute la seconde moitié du XXe siècle.
D'après Wikipédia