Coup de calcaire : soutiens des sans-abris, coordonnons-nous !

L'aide aux sans-abris (exilés, réfugiés, roms, français...) génère malheureusement beaucoup de gaspillage par manque de coordination. Ce ne sont pas les bonnes volontés citoyennes qui manquent mais la volonté des collectifs ou associations de coordonner leurs actions pour qu'elles servent au plus grand nombre et au plus près des besoins au lieu de remplir les poubelles.

Ici et là, on lit sur les réseaux sociaux des appels à ce que les maraudes alimentaires passent pour alimenter des réfugiés. Ici et là, les appels sont entendus et beaucoup y répondent. On aurait envie de s'en féliciter... Sauf que, comme pour les dépôts de vêtements non encadrés, cela ne mène souvent au final qu'à un immense gaspillage quand les dons affluent n'importe comment... A quand une vraie coordination ?

Samedi soir. Maraude hebdomadaire sur un circuit que j'assurais avec une autre association depuis 2012 et que j'ai conservé après la création d'Entraides-Citoyennes...Un long circuit sur lequel nous rencontrons beaucoup de sans-abris et de sdf mais aussi - au fil des situations de crises mondiales - des sans-papiers, des roms, des réfugiés... Notre credo étant l'aide inconditionnelle, on s'arrête chaque fois qu'on trouve quelqu'un " sur le carton ".

Au début, nous n'étions pas si nombreux sur le terrain. Alors quand nous croisions une nouvelle maraude, on échangeait, on s'épaulait parfois, comme avec les gars de Dorcas qui maraudent à pied aux Halles et à Beaubourg, ceux de Goelette qui tournent de Chaussée d'Antin aux Champs Élysées... Et puis d'autres sont arrivés. Certains font un travail formidables. D'autres adoptent un fonctionnement peu ou prou perturbant...

Certains changent de secteur à chaque maraude... Se rendant sur les " spots " où il y a du monde... Sur ceux qui sont signalés sur les réseaux sociaux... Tant pis si la brièveté de leur passage et son manque de fréquence limite la compréhension des besoins réels... L'essentiel serait-il de publier sur sa page Facebook qu'on était sur " The place to be " ?

Comme nous restons pas mal de temps à discuter avec les personnes sans-abri, il n'est pas rare que nous voyions débarquer une équipe de maraude, puis une autre, et parfois encore une autre en une heure ou à peine plus ! Nous tentons chaque fois d'amorcer le dialogue pour leur expliquer que la manne alimentaire d'une soirée ne sert pas à grand chose : aucun estomac même affamé ne serait capable d'ingurgiter plusieurs repas le même soir...

Certains en tiennent compte. D'autres pas. Le risque ? Au mieux un immense gaspillage. Au pire, un stockage de nourriture dans de mauvaise conditions au risque avec les risques que cela comporte...

Un spot de réfugiés subitement très prisé

Pendant des semaines, de République à Gare de l'Est, les groupes de réfugiés ont attirés les donateurs de tout poil. Certains les bras chargés de vêtements pour hommes, femmes et enfants (et tant pis s'il n'arrive qu'occasionnellement qu'une famille soit présente) et de couvertures distribués ou laissés sur place... Autant dire que souvent, cela génère des frictions importantes, les visiteurs occasionnels ne savant pas du tout ce dont disposent les uns ou les autres grâce aux soutiens qui viennent chaque jour. Côté alimentation, seule une poignée de soutiens cuisinent et livrent petits déjeuners et repas du midi. Le soir, ça se bouscule au portillon !

Le groupe d'une vingtaine de réfugiés que nous alimentons depuis plus de deux mois lors de notre maraude hebdo du samedi (notre photo) a longtemps été ignoré... Mais depuis que les grands groupes sont pris en charge dans des structures dédiées, il focalise l'attention des maraudeurs. Nous venons servir ces personnes avec des isothermes qui permettent de servir un plat chaud ainsi que des fruits, un laitage, du thé et du café. Lorsque nous repassons vers 5h du matin pour déposer le petit déjeuner (qu'on ne laisse pas avant à cause des rats... entre autre...) on découvre des sacs poubelles pleins ou les poubelles du bout de la rue qui débordent : dans l'intervalle, d'autres sont venus déposer leurs offrandes. Plats cuisinés conditionnés en barquettes (pâtes, curry...) dont les sans-abris ne veulent pas pour deux raisons 1) la bouffe froide c pas terrible 2) ils ont déjà mangé.

Des hébergés très peu soutenus

Dans le même temps, on rame pour alimenter des personnes qui sont à l'abri dans des hôtels mais demeurent l'estomac bien creux... Des réfugiés qui ne disposent que d'un ticket resto à 5 € par jour... Mais aussi des personnes vulnérables et des familles qui ne peuvent cuisiner car, la plupart du temps, les hôtels ne leur proposent qu'un à deux micro-ondes (pour tout les résidents !) et la mairie, dans le meilleur des cas, un accès à un resto social ouvert jusqu'à 18h45.

Comment s'y prendre pour que d'autres maraudeurs prennent leur place dans ce dispositif de soutien sans que ça provoque un joyeux bordel pas très bien venu dans l'hôtel ?

J'ai appelé plusieurs assos.

Les resto du cœur : " le national ne veut pas qu'on distribue dans les hôtels et on n'a de toute façon pas assez de nourriture ". Ah bon ? L'État ne propose rien. Les assos subventionnées non plus. Les réfugiés sont à l'hôtel mais y perdent du poids.

Les petites assos : " pourquoi pas mais je ne sais pas quel soir on peut passer "... Imaginez un peu la réaction des dirigeants hôteliers qui risqueraient de se retrouver confronter à des monceaux de déchets dans les poubelles des étages si l'anarchie de l'aide dans la rue s'appliquait dans les hôtels ?

Bref, pour réellement soutenir les sans-abris, coordonnons-nous !