Adam McKay, le scénariste de Ant-Man, qui nous avait bien fait rire avec son film décalé, adopte un sujet bien plus sérieux pour son dernier film. Avec The Big Short (Le casse du siècle), il retrace le parcours de quatre financiers qui pressentirent la crise des subprimes avant tout le monde et décidèrent de jouer contre les banques. On est très loin du décevant Loup de Wallstreet, bien trop empathique avec un personnage dégoûtant qui n’en demandait pas tant. L’heure n’est pas ici à la compassion mais plutôt à la dissection consciencieuse. On tient le meilleur film sur le sujet depuis l’éprouvant Margin Call, porté par un casting quatre étoiles.
Michael Burry (Christian Bale que l’on a vu dans American Bluff et Exodus : Gods and Kings), Mark Baum (Steve Carell, la voix de Gru jeune dans Les minions), Jared Vennett (Ryan Gosling, réalisateur du magnifique Lost River) et Ben Rickert (Brad Pitt que l’on a vu dans Fury) sont quatre directeurs de fond d’investissements non côtés à vocation spéculative. Début 2005, Michael Burry, fondateur de Scion Capital LLC va découvrir que les prêts immobiliers mis en package dans le cadre des subprimes ne sont pas si stables que cela et il en conclue que le système va forcément s’effondrer face aux défauts de paiements grandissants des foyers étranglés par leur dette. Les trois autres vont bientôt en arriver aux mêmes conclusions.
Michael Burry (Christian Bale)
The Big Short (Le casse du siècle) est une œuvre cynique qui se permet d’adopter un style quasiment documentaire tout en se payant le luxe d’être narrée par un des protagonistes principaux, Jared Vennett, certainement le pire requin de la bande. Le film n’hésite pas à employer les termes les plus abscons et obscures dans ses dialogues. Il s’agit de montrer la mystification mis à l’œuvre par les élites financières pour cacher leur malversation en les rendant inintelligibles pour le commun des mortels. Pour illustrer comment l’on nous prend pour des idiots, McKay se permet de mimer de nous prendre également pour des débiles mentaux. Pour ce faire, il procède en faisant participer des stars à des caméos dans des parodies de programmes télé débilitants. C’est ainsi que Margot Robbie (que l’on a vu dans Diversion), nue dans son bain, champagne à la main, nous explique les subprimes, qu’un chef de cuisine renommé nous explique comment écouler du poisson daubé ou que Selena Gomez (la voix de Mavis dans Hôtel Transylvanie 2) nous explique, à une table de black jack, comment s’effondre le système des CDO (Obligations adossées à des actifs). Le plus révélateur est que Michael Burry contacte les banques pour qu’elle lui crée un produit spécial lui permettant d’acheter les plus basses couches de crédit. Et qu’elles acceptent de créer un contrat qui n’existait pas la veille. Comme quoi, la finance n’est pas du tout une science mais bel et bien, un jeu d’apprenti sorcier. The Big Short (La casse du siècle) ne trouve aucune excuse au système financier. Ils proposent le portrait d’un ancien trader devenu paranoïaque et haïssant le système bancaire, Ben Rickert, aidant des petits jeunes, dans l’espoir de leur ouvrir les yeux. Dans la même optique, Mark Baum, perd le peu d’espoir qu’il avait dans l’honnêteté du système et se lance en croisade. Il s’agit pour lui de le faire tomber pour prouver son caractère inique et la fraude généralisée. Il n’empêche qu’il vendra ses actifs à temps pour sauver les meubles plutôt que d’aller au bout de sa logique.
Mark Baum (Steve Carell)
Michael Burry et Jared Venett, à contrario, furent très conscients de ce qu’il faisait et des conséquences de leurs actes. C’est toute la force de The Big Short (Le casse du siècle), il n’est absolument pas question de pardonner ses hommes. Même s’il s’agit de mettre en avant leur clairvoyance, il est bien clair qu’aucun participant de la grande farce financière ne peut se la jouer Ponce Pilate. Un système démocratique sain aurait dû laisser s’effondrer les banques qui avaient joué et avaient perdue et aurait dû couvrir les prêts des pauvres gens endettés. À la place, les impôts publics ont été renforcés pour permettre de renflouer les banques. Banques qui ont versé des bonus supplémentaires à leur actionnaire et dont le contrôle n’a pas été renforcé. A ce propos, le long-métrage évoque un vrai problème de collusion entre politique et finance qui relève presque du système mafieux. On peut très bien être cadre dans la finance et obtenir des responsabilités politique (qui a dit Macron ?) ou bien sortir des écoles d’administration publique et se vendre à la finance. L’éthique est un mot quasiment inconnu dans ces milieux. Le capitalisme aurait dû s’effondrer en 2008. Il a fait la preuve de son mensonge fondateur, de sa corruption généralisée. Il n’est plus acceptable que l’on fasse de l’argent sans travailler et que l’on puisse jouer avec la vie des plus pauvres. Car l’on a quasiment entendu parler que du désarroi des banques pendant la crise. On s’est bien moins attardé sur les milliers d’expulsions, sur les millions de personnes jetés dans le chômage et la précarité ni sur les suicides consécutifs. La vie de Michael Burry est significative de l’immoralité de ces gens. Bien qu’ayant fermé son fond d’investissement après avoir empoché un vrai pactole, il a continué ses activités de trader en pariant sur une ressource première : l’eau. On atteint là le sommet de l’ignominie. De toutes les branches, les traders de matières premières sont certainement les plus vils. Spéculer sur les matières premières, c’est spéculer sur les famines.
Ben Rickert (Brad Pitt)
The Big Short ne cherche ni à rendre marrant ni à rendre sympathique les quatre traders qu’il présente. Il fait aussi la lumière sur la mystification dont nous sommes collectivement victimes. Aujourd’hui encore, malgré les terribles événements humains liés au jeu sinistre des tenants de la Finance, dans les esprits restent imprégnés qu’ils sont indispensables au fonctionnement de l’économie et à l’investissement. Des films comme celui-là sont donc indispensables. Et le combat demeure bien difficile pour déconstruire la propagande qui sévit au sein de la gouvernance médiocrate. Il n’y a pas de bon financier, il n’y a que des parasites. Si la Finance peut investir, c’est parce qu’elle confisque la richesse au travailleur qui pourtant sont les seuls créateurs de richesses.
Boeringer Rémy
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