Intitulé " Une économie au service des 1 % ", ce rapport montre que le patrimoine de la moitié la plus pauvre de la population mondiale s'est réduit de mille milliards de dollars depuis 2010. Cette baisse de 41 % s'est produite alors même que la population mondiale augmentait de 400 millions de personnes. Dans le même temps, le patrimoine des 62 premières fortunes mondiales a augmenté de plus de 500 milliards de dollars pour atteindre un total de 1 760 milliards.
Selon l'ONG, depuis le début du XXIe siècle, la moitié la plus pauvre de la population mondiale a bénéficié de seulement 1 % de l'augmentation totale des richesses mondiales, alors que les 1 % les plus riches se sont partagé la moitié de cette hausse.
"Les dirigeants du monde parlent de plus en plus de la nécessité de lutter contre les inégalités et, en septembre dernier, ils se sont fixé l'objectif de les réduire. Pourtant, l'écart entre la frange la plus riche et le reste de la population s'est creusé de façon spectaculaire au cours des douze derniers mois" explique Oxfam qui avait prédit que les 1 % posséderaient plus que le reste du monde en 2016 . Cette prédiction s'est en fait réalisée dès 2015 : un an plus tôt.
Oxfam réclame aujourd'hui des mesures urgentes pour faire face à cette crise des inégalités extrêmes. En priorité, l'ONG appelle à mettre fin à l'ère des paradis fiscaux, qui a vu de plus en plus d'entreprises et de particuliers recourir aux centres offshore afin d'éviter de verser leur juste contribution à la société. Cette pratique prive en effets les États de précieuses ressources nécessaires pour lutter contre la pauvreté et les inégalités.
" Il est tout simplement inacceptable que la moitié la plus pauvre de la population mondiale ne possède pas plus que quelques dizaines de personnes extrêmement fortunées.(...) Le monde est devenu beaucoup plus inégalitaire et la tendance s'accélère . Nous ne pouvons pas continuer à laisser des centaines de millions de personnes souffrir de la faim, alors que les ressources qui pourraient les aider sont amassées par quelques personnes en haut de l'échelle" explique Winnie Byanyima, directrice générale d'Oxfam International. " J'exhorte les gouvernements, les entreprises et les élites à contribuer à mettre fin à l'ère des paradis fiscaux, lesquels alimentent les inégalités économiques et empêchent des centaines de millions de personnes de sortir la pauvreté. Les multinationales et les grandes fortunes ne suivent pas les mêmes règles que l'ensemble de la population, refusant de payer les impôts dont la société a besoin pour fonctionner. Le fait que 118 grandes entreprises sur 201 soient présentes dans au moins un paradis fiscal montre qu'il est temps d'agir. "
Pourquoi une telle augmentation des inégalités ?
1/ les États ne perçoivent pas les impôts qui leur sont dus par les entreprises et les grandes fortunes
Selon Oxfam, 7 600 milliards de dollars de capitaux privés sont détenus sur des comptes offshore, ce qui représente un douzième de la richesse mondiale. Si des impôts étaient payés sur les revenus générés par ces avoirs, les États disposeraient de 190 milliards de dollars de plus par an. "L'évasion fiscale des multinationales coûte au moins 100 milliards de dollars par an aux pays en développement. Les investissements privés dans les paradis fiscaux ont pratiquement quadruplé entre 2000 et 2014" explique l'ONG qui cite l'exemple de l'Afrique : "30 % des avoirs financiers africains seraient placés sur des comptes offshore, ce qui représente un manque à gagner fiscal de 14 milliards de dollars par an pour le continent."
2/ des revenus en faveur du capital et au détriment du travail
Le rapport d'Oxfam montre également que le revenu annuel moyen des 10 % les plus pauvres a augmenté de moins de 3 dollars par an au cours de ce dernier quart de siècle. "Pour chacune de ces personnes, cela revient à une augmentation de son revenu quotidien de moins d'un cent par an" précise l'ONG.
D'un autre côté, les personnes déjà fortunées ont bénéficié d'un taux de rendement du capital (intérêts, dividendes, etc.) constamment plus élevé que le taux de croissance économique. Cet avantage a été accentué par le recours aux paradis fiscaux. C'est là probablement l'exemple le plus frappant que donne le rapport de la façon dont les règles du jeu économique ont été remaniées pour excessivement développer la capacité des riches et des puissants à asseoir leur richesse.
Une économie mondiale malade
" Les plus riches ne peuvent plus prétendre que leur fortune bénéficie à la société. En fait, leur extrême richesse est symptomatique d'une économie mondiale malade. La récente explosion des grandes fortunes s'est faite au détriment du plus grand nombre, en particulier des personnes les plus pauvres " explique Oxfam qui compte taper du poing sur la table lors du Forum économique mondial de Davos qui réunira une cinquantaine de chefs d'État ou de gouvernement du 20 au 23 janvier 2016
L'exacerbation des inégalités économiques est néfaste pour l'ensemble de la population, car elle sape croissance et cohésion sociale. L'accumulation de fortunes aussi importantes aux mains d'une minorité si infime n'a aucun sens sur le plan économique, et encore moins moral.
Stella Giani