Le Loir-et-Cher en 1908, non pas chez Laurette, mais chez maître Anselme de Boisvaillant, notaire (décidément, cette profession me colle aux basques en matière de lectures de l’année !). Au rez-de-chaussée et au premier étage se languit sa jeune épouse Victoire. Cela fait cinq ans qu’elle espère donner un enfant à son mari. Elle se sent vide et inconsistante. Au sous-sol et sous les combles s’échine la jeune bonne Céleste. Élevée à la dure, elle n’a jamais eu une pleine conscience d’elle-même. A la faveur d’une naissance va en advenir une seconde : celle de différentes amours qui vont réchauffer la sage maison bourgeoise.
J’avais oublié la recommandation de Lili : j’ai lu la 4e de couverture qui effectivement en dit trop long sur une histoire somme toute assez simple. Des phrases concises et claires, au présent, plantent le décor d’une sorte de vaudeville Belle Epoque pour un éternel trio amoureux : ici le mari, sa femme et la bonne.
J’en connais qui ont eu le coup de cœur pour ce roman, qui en ont parlé magnifiquement, et à raison, et je m’excuse auprès d’eux par avance de ma franchise à son propos. Mais, si le style est suffisamment fluide et clair pour m’avoir permis de lire ce roman en une heure ou deux d’insomnie, si certaines trouvailles sont belles comme une sonate de Bach jouée avec passion au piano (Léonor de Récondo n’est pas musicienne pour rien), je dois dire que je n’ai guère été touchée aux entrailles par un récit qui est tout de même censé être celui d’un éblouissement amoureux et d’une découverte du corps. Peut-être les personnages, l’époque elle-même, ne sont-ils pas suffisamment travaillés à mon goût. Je n’y ai pas cru, tout simplement. Il me manquait cette touche d’authenticité, de vérité qui font les grands romans. J’ai plutôt eu l’impression d’un exercice de style, certes joliment écrit et mis en scène, mais comportant des détails qui me gâtaient mon plaisir. Par exemple ce père Gabriel (à l’époque, je crois qu’on disait « Monsieur l’abbé ») qui promet l’enfer à l’une de ses ouailles. Comment dire… Non. Pas au début du XXe siècle. Au début du XVIe d’accord. Mais pas en 1908. (Encore que je n’en sais pas plus que l’auteur n’est-ce pas, je n’ai pas épluché les archives des curés de l’époque, mais c’est une impression, et j’en ai eu d’autres semblables. Or je suis très sensible aux impressions et aux détails qui sonnent justes !)
J’ai quand même été touchée par le personnage de Céleste. Je crois que c’est un personnage, et une histoire en général, qui gagneraient à être approfondis. La condition domestique est une grande pourvoyeuse de drames sociaux, amoureux ou satiriques comme en attestent Jane Eyre, Le Journal d’une femme de chambre ou Les Bonnes, et le cas de Céleste ne déroge pas aux deux premières catégories.
Mais pourquoi le bébé lui-même a-t-il si peu de présence ? Est-il simplement l’instrument de la rencontre ? Pourtant là aussi, je me serais attendue à ce que l’amour si particulier unissant une mère à son enfant soit davantage mis en valeur.
Alors oui, il y a la beauté des corps, l’épiphanie de l’amour, tout cela est bellement narré, mais vous l’aurez compris, je suis passée à côté…
« Amours » de Léonor de Récondo, Ed. Sabine Wespieser, 276 p.