Hans-Martin Buff en interview

Publié le 17 janvier 2016 par Lordsofrock @LORDS_OF_ROCK

La fin d’une dur journée de labeur, de prise de son en studio et de Masterclass « Producing ». C'est l’occasion d’interviewer Hans Martin Buff, producteur et ingé son sur 5 albums de PRINCE, 2 albums de MACEO PARKER, 1 album de NO DOUBT, et bien d’autres productions dont le dernier album de SCORPIONS qui a été chroniqué sur le site. Autant dire : une pointure du domaine de la sonorisation et de la production musicale.

– Salut Hans, nous sommes ici au Studio Oméga à Paris, pour une session d’enregistrements, est-ce que tout se passe bien ?
Salut, oui tout se passe bien. Ce n’est pas une session d’enregistrement très classique. Nous faisons beaucoup de breack, pour prendre le temps d’expliquer et de répondre aux questions posées par les élèves qui nous accompagnent pendant ces 2 jours. Je ne connaissais pas le groupe avant notre rencontre aujourd’hui, habituellement je ne travaille pas comme ça. Mais tout se passe bien, et je pense que tout le monde s’amuse comme il faut.

– Tu vis ici à Paris ? Ou sinon, où est-ce que tu passes le plus clair de ton temps ?

Je ne passe pas assez de temps ici à Paris je dirai ! [Rires] J’habite en Allemagne, dans le sud. Tu connais l’Allemagne ?
 

– Heu … a part Berlin …

Ok, c’est un endroit complètement diffèrent, j’habite entre Munich et Salzbourg tout prêt des Alpes.
 

– Tu disposes de ton propre studio ? Ou, est-ce que tu « utilises » plutôt des endroits comme ici ?

[Sourire] J’ « utilises » des endroits comme ici, un peu partout dans le monde.
Mais j’ai aussi de quoi travailler à la maison. Ce n’est pas un vrai studio, c’est plutôt un bureau avec tout ce qu’il faut pour mixer et enregistrer. D’ailleurs c’est là que je fais la plupart de mes mix actuellement. En fait, mon « Studio principale » c’est mon PC portable aujourd’hui.

– Pour ceux qui ne te connaissent pas encore sur le site, et ceux qui ne connaissent pas ton métier. Peux-tu décrire qui tu es et ce que tu fais ?

Et bien, je suis un ingénieur du son également producteur. Je suis allez à l’école aux états unis dans les 90’s, j’ai habité 10 ans aux états unis. J’ai travaillé dans pas mal de studios autour de l’endroit où j’habitais, dans le Minnesota. Puis j’ai eu la chance de travailler avec quelques personnalités connues. Le plus connus d’entre tous est certainement PRINCE avec qui j’ai travaillé pendant 5 ans.
Depuis, je suis revenus en Europe. Ou j’ai eu l’occasion de travailler avec pas mal de monde dans beaucoup de pays, Italie, Angleterre, Autriche, Suisse, et surtout en Allemagne. Un petit peu en France, mais pas assez à mon gout.

– Tu fais ça depuis longtemps ?

Je fais ça depuis 22 ans maintenant.

– Tu as eu l’occasion de travailler avec des légendes, et des grands de l’histoire de la musique. Quelle a été ta meilleure expérience ?

[Rires] La meilleure expérience que j’ai vécue ?!
Comment dire… tu sais, il y a beaucoup de paramètres qui entrent en jeu pour définir si ça a été vraiment une bonne expérience. Et ce n’est pas nécessairement avec les clients les plus connus que se font les meilleurs expériences, ou que le travail est mieux réussis.
Ce qui définit une bonne expérience c’est vraiment lorsque vient le moment de la création musicale. Il y a eu beaucoup de moments comme ça. Certains étaient avec PRINCE, et d’autres ont été avec des gens dont tu n’entendras certainement jamais parler !
C’était un moment de création, de partage et d’amusement… [Silence] … C’est comme, un moment imprévus avec certains et il se passe quelque chose qui n’étais pas censé se passer, ou qui ne se passait pas avant. Quelque chose de spécial.
Et c’est pour ça que j’aime mon métier, je ne peux pas en retenir une seule meilleure que toutes, mais c’est ce genre d’expériences qui sont les meilleures.

– Ok, alors, Quelle a été la pire expérience ?

« Oh good lord » … Il n’y a pas eu autant de mauvaises expériences qu’il y en a eu de bonnes. Mais j’ai eu quelques expériences vraiment difficiles. Par exemple quand il faut du résultat, que rien n’avance et que personne ne peux plus se supporter, tout va de travers.
Ou, pour moi le pire c’est quand je suis dans une situation où je ne peux plus rien faire pour améliorer ce qui a été fait, que je tourne en rond sans plus pouvoir rien faire, c’est très frustrant.

– Pendant cette journée de studio, je t’ai vu passer beaucoup de temps sur la batterie. Installer et régler les micros, les compresseurs et l’equalisation sur la table de mixage. Beaucoup plus que pour les voix et les guitares. Le « Drum Set », le réglage de la batterie est la partie la plus dure et la plus importante de la prise de son ?

OUI. [Silence] Je n’ai pas installé tous les micros, l’équipe du studio Oméga y a grandement participé. Si ça ne tenais qu’a moi je n’aurai pas utilisé tous ces micros. Mais tu vois, pour bien sonoriser la batterie, tu veux pouvoir entendre chaque partie de la batterie indépendamment. Mais pas uniquement, il faut aussi avoir l’ambiance complète de la salle. Sans reverb, delay ni problèmes de phases entre les micros. Et c’est véritablement la partie la plus dur d’une prise de son : Avoir une batterie qui sonne « comme un tout ».
Toutes les autres parties : voix, guitares, c’est moins compliqué.

– Donc la préparation des guitares, la prise de son sur les amplis, la basse et les voix c’est la partie facile ?

Facile … n’est pas le bon mot. Ça prend 2 micros pour avoir une guitare correctement. Peut-être un seul suivant le besoin. Et une fois que tu as trouvé le bon micro pour le chant, ou les amplis, c’est bon.
Le choix du micro est vraiment important, il faut toujours se demander « est-ce que je veux enregistrer un seul morceau avec celui-là, ou est-ce qu’il va servir pour tout l’album, et quel son je veux avoir tout le long de l’album sur cette piste. Plutôt Bam Bam, ou tchac tchac sur la caisse claire etc… ? ». C’est vraiment ça le plus important.

– Est-ce qu’il y à un micro, un matériel, logiciel, ou n’importe quel matos de musique qui est ton St Graal de la prise de son ?

Absolument, c’est le M49. Un vieux micro de chez Neumann, c’est le plus beau et le plus parfait des micros chant. Il convient tout à fait pour les chanteuses, et pour les gens comme moi. Plutôt maigre, à la voix medium / aigus.
Pas forcément le meilleur micro pour des voix à la Joe Cocker, mais c’est un super micro. Et il coute plus que ma voiture, évidemment !

– Quel est ton style de musique préféré ?

Je ne peux pas vraiment le dire comme ça. Mais bon, je suis un grand fan de Beatles. Ce son un peu rock, sur des morceaux abordables. J’aime beaucoup Phoenix aussi ! je pense que mon album préféré ces 10 dernières années c’est Alphabetical de Phoenix. J’aime ce genre de musique, un peu pop et rock n roll à la fois.

– Quel CD tu prendrais dans ta tombe ?

Je m’en fou parce que suis mort !

– Okay, tout le monde dit ça ! Mais bon, c’est Lords Of Rock ici ! Te demander quelle cassette tu prendrai pour aller sur une ile déserte n’aurai aucun sens… alors, dans ta tombe ?
Un seul c’est ça, pas 5 ! Bon … mon préféré : Revolver par les Beatles. C’est juste à cause de cet album que j’ai su que je voulais travailler dans la musique.

– Celui que tu rêverais d’avoir enregistré ou produit toi-même ?

En fait je devrais dire le même, Revolver des Beatles. Bien sûr j’aurai rêvé de l’enregistrer moi-même. Mais, un des premiers projets vraiment bizarres pour lequel j’ai travaillé, en tant qu’assistant ingénieur du son, c’était pour un groupe qui s’appelle LIVE. L’album était « Throwing Copper ». Pas du tout connus en Europe, mais prêt de 8 millions de copies ont été vendues aux Etats Unis, c’était énorme !

Tu sais, ça me fait penser à cette histoire à propos de la fille de Calvin Klein.
Quelqu’un lui demande « Qu’est-ce que ça fait d’être la fille de Calvin Klein ? ».
Elle répond : « C’est cool ! Mais, y’a juste … quand je vais en boite, je rencontre un mec. On se plait bien, on rentre chez moi. On commence à se déshabiller. Et là … il y a le nom de mon père son slip. CA c’est vraiment bizarre ! » . Ça me fait le même effet sur ces CD sur lesquels j’ai travaillé. Si je les avais enregistré ou produit je pourrais certainement les écouter comme j’écoute normalement de la musique. Ceci dit j’ai adoré travailler dans chaque studio ou j’ai eu l’occasion de travailler. Et je pense que j’aurai aimé produire ces albums moi-même.

– Il y a un enregistrement que tu as fait qui te fait honte ?

Heu … je ne vais pas dire de noms parce que ce ne serais pas sympas pour eux. Mais il y a eu des mix ou je savais que ce que je faisais n’étais pas bien. Quand ça arrive, j’ai l’impression de les laisser tomber. En anglais il y a l’expression « Pollishing a turret » (faire briller de la merde). C’est exactement l’impression que j’avais. Ne plus pouvoir rien tirer de bon de ce que je fais. Et au final, je prends le fric, je m’en vais. Ça m’est arrivé…

Il y à eu quelques moments où j’aurai espéré avoir plus de temps, ou simplement faire les choses différemment. Ça, ça m’a fait honte. Parfois on me présente les morceaux, c’est si mauvais, que si ça avait été des amis j’aurai pu leur dire « désolé, mais là c’est sans moi »… ce genre de trucs…

– Les gars de Scorpions, Maceo Parker, ou Prince sont plutôt du genre à faire des centaines de prises, avec des fausses notes, des bouts de reprises pendant des heures etc… ou sont plutôt du genre à tout faire bien dès la première prise ?

Prince est plutôt rapide et efficace. The Scorpions c’est diffèrent ils sont plutôt du genre à faire plein de petites prises sans fausses notes. C’est du « Piece by Piece ». Avec un enregistrement et un mix plutôt traditionnel, comme on a fait aujourd’hui.
Prince est un musicien fabuleux, il y a certains morceaux, ce que l’on entend sur la piste c’est exactement ce qu’il a enregistré. Pas de « maquillage », par exemple sur Don’t play me ou The Truth. Ce qu’il a joué, ressort note pour note, sans compression, en direct, le timing du breack, les chorus, tout. C’est plutôt phénoménal.
Maceo Parker a joué aussi sur quelques morceaux de Prince. Parfois même repris certains chorus sur ses propres albums. Il est très bon aussi, il arrive, il dit « Go on », et il joue bon dès la première prise, c’est toujours impressionnant.

– Est-ce que ces grands de la musique savent toujours ce qu’ils veulent faire avec leurs musique, leurs compositions, ou est-ce qu’il y a une partie qui t’es laissée libre ; dans l’enregistrement, dans la mise en place ou la production ?

Ca dépend de la personnalité du musicien. Même avec Prince, il est arrivé que certains groupe me disent, vas y ajoute quelque chose. Fait ce que tu veux du mix sur cette partie.
Certains sont plutôt penchés vers le son, et ce qu’on peut mettre en valeur ensemble. D’autres recherche plus des bonnes idées dans leurs arrangements. D’essayer de garder l’essence même de ce qui est bon dans leur travail, quitte à enlever certaines choses.

– La dernière question, et la plus intéressante : Tu as des anecdotes ou des histoires bien croustillantes à raconter de ce que tu as vécus lors des sessions d’enregistrements avec Scorpions, Prince ou autre ?

AH AH ah !! Biensur !! Pleins !
Ça se rapporte un peu à la question sur les meilleurs moments… Avec Prince encore, beaucoup de moments très Funky ! Mais par respect pour tous, je ne vais pas les partager ici.
En fait… peu importe avec qui ça a été, il y à des moments comme ça. On fait partie d’un instant de grande créativité, tout ce qui se passe est fou, et c’est toujours super de faire partie de ces moments-là.
Par contre je ne raconterai pas d’anecdotes particulières sur les musiciens avec qui j’ai travaillé !

– Okay ! Super, Merci Hans d’avoir répondus à nos questions !

Super, c’était cool, merci !