L’occasion nous a été offerte de revoir Kill Bill (Volume 1) et Kill Bill (Volume 2) sur grand écran. L’occasion, également, de nous rappeler avec force la folie qui œuvrait dans l’œuvre de Tarantino, il y a maintenant treize ans. Et de raviver ce que nous avons ressenti devant Les huit salopards. Il fut un temps où la musique habitait littéralement l’œuvre du réalisateur cinéphile, où chaque plan faisait office de référentiel passionnel, où sa mise en scène regorgeait de surprise et d’idée. Retour sur un chef-d’œuvre.
Black Mamba (Uma Thurman) est victime d’un règlement de compte, orchestré par le Détachement International des Vipères Assassines, lors de la répétition de son mariage avec Tommy (Christopher Allen Nelson). À son réveil d’un coma ayant duré quatre ans et ayant perdu l’enfant qu’elle portait, elle jure de se venger de ses bourreaux. Elle établit une liste : O-Ren “Cottonmouth” Ishii (Lucy Liu qui a prêté sa voix dans Clochette et la créature légendaire), Vernita “Copperhead”Green (Vivica A. Fox), Elle « Californian Moutain Snake » Driver (Daryl Hannah), Budd “Sidewinder” (Michael Madsen que l’on a retrouvé dans Les huit salopards) et en dernier lieu Bill (David Caradine). Black Mamba (Uma Thurman) et Gogo Yubari (Chiaki Kuriyama qui s’illustra quelques années avant dans Battle Royale)
Avant que d’être un putain d’orfèvre génial, Quentin Tarantino est avant tout un fan-boy. Et, en premier lieu, il est fan de ses acteurs fétiches qu’ils réembauchent au fil des films. Même dans des petits rôles, ceux-ci ont toujours leur place. C’est ainsi que Samuel L. Jackson (que l’on a vu dans Kingsman : Services Secrets, Avengers : L’ère d’Ultron et Les huit salopards) rejoint l’équipe pour interpréter un organiste à la cérémonie du mariage. Il avait ainsi déjà collaboré avec Uma Thurman sur Pulp Fiction. C’est d’ailleurs elle que l’on retrouve sous le U des initiales Q&U qui signe le scénario original du diptyque. En effet, c’est sur le tournage de Pulp Fiction, lors d’une soirée arrosée et d’une discussion passionnée, que les deux compères ont commencé à ébaucher ce qui deviendra Kill Bill. Dans le même esprit, Michael Madsen avait joué dans Reservoir Dogs et le personnage du Texas Ranger Earl McGraw, toujours joué par Michael Parks, est un personnage récurrent des scénarios de Quentin Tarantino, notamment dans la série des Une nuit en enfer. Tarantino ne se contente pas d’invoquer ses madeleines de Proust, il fait aussi dans l’auto-citation plus ou moins discrète.
O-Ren Ishii (Lucy Liu) et Black Mamba (Uma Thurman)
Si la source première de Kill Bill est Thriller du suédois Bo Arne Vibenius, au rang d’influences prédominantes, on ne peut qu’évoquer les films de Kung-fu des Shaw Brothers d’une part et les westerns spaghetti de Sergio Leone d’un autre côté. À ceux-ci viennent se mêler l’influence des mythiques sagas de samouraï Baby Cart ou Zatoichi. La pancarte shawscope, qui était un format particulier utilisé uniquement par les studios hongkongais, apparaissant au début de Kill Bill (Volume 1) est on ne peut plus équivoque sur les intentions de Quentin Tarantino. Fan absolu de série B et de série Z, le réalisateur tient aussi à rendre hommage aux artisans du bis qui l’ont amené à s’intéresser à cette culture. En effet, le film cité à la toute fin de Kill Bill (Volume 2), c’est-à-dire Shogun Assassin de Robert Houston, n’est rien d’autre qu’un montage interlope de Baby Cart : Le Sabre de la vengeance et Baby Cart : L’enfant massacre, les deux premiers volumes de la saga, doublé en anglais et assortie d’une nouvelle bande son. Avec un montage nerveux reprend souvent les codes ridicules de la série B mais les subliment apportant une sacrée dose d’humour et d’esthétique à une violence pourtant exacerbée. N’hésitant pas à changer constamment d’ambiance graphique, se payant même le luxe d’incorporer une séquence entière hommage à la japanimation, Tarantino ne s’embarrasse pas de cohésion photographique. Hommage assumé, il reprend le grain et l’esthétique de ses maîtres. Chaque plan est une invitation au voyage dans les arcanes du cinéma de genre.
Pei Mei (Gordon Liu) et Black Mamba (Uma Thurman)La référence à Shogun Assassin que nous faisions plus haut n’est pas anodine. Tarantino est de ces cinéphiles biberonné aux nanars ne se souciant pas de copyright. Lui-même prend parfois l’aspect d’un pilleur de tombe. Ainsi même si la bande-originale de Kill Bill est chapeautée par RZA, fondateur du Wu Tang Clan, l’essentielle de celle-ci a été pioché, à droite et à gauche, dans les bandes son de film déjà cultes. Cette façon de faire ne vient pas de nul part, mais elle participe en plus, à une culture cinéphilique particulière. Dans les années soixante-dix, avant l’introduction et la généralisation du support VHS, les cinéphiles achetaient les bandes originales de leur film préféré en vinyle. À mesure que le souvenir du film tarissait, l’imagination de l’auditeur venait combler les trous et inventait de nouvelles aventures. Le lien entre musique et cinéma a toujours été très tenu, celle-ci est souvent essentielle à la réussite d’une œuvre cinématographique. C’est d’ailleurs là que Les huit salopards échoue. Kill Bill reprend ainsi, pêle-mêle, les bandes originales des westerns Le grand duel, Navajo Joe, Le mercenaire et Le bon, la brute et le truand, du film de blaxploitation Les durs, du thriller Twisted Nerve ou encore des série L’homme de fer et Le frelon vert, le tout agrémenté de la nouvelle scène underground japonaise avec la participation du groupe The 5.6.7.8′s. Bill (David Caradine choisi comme une réminiscence de la série Kung Fu)
Avec ce maelstrom puissant d’influences musicales et cinématographiques, Quentin Tarantino est rentré définitivement dans la légende. Treize ans après, Kill Bill n’a rien perdu de sa fougue et de sa folie pure. Pour nous, il restera longtemps comme notre grand frère érudit.
Boeringer Rémy
Pour voir la bande-annonce :