Une équipe de chercheurs a présenté des simulations de formation et évolution de systèmes planétaires avec ou sans planètes géantes. Leurs résultats suggèrent que nous pouvons remercier Jupiter et Saturne d'être là. En leur absence, de fréquentes collisions avec des planétésimaux auraient sans doute ruiné toute espérance de vie sur Terre.
Il y a maintenant un peu plus de 20 ans, quand la découverte de la première exoplanète (51 Pegasi b) fut annoncée, beaucoup d'astronomes restèrent incrédules face à ces résultats durant plusieurs mois : comment une planète géante et gazeuse peut-elle se retrouver si proche de son étoile ? En effet, à l'image de notre Système solaire, les chercheurs s'attendaient plutôt à détecter les homologues de Jupiter sur des orbites plus éloignées et bouclées en plus d'une dizaine d'années. Par la suite, cela ne s'est pas arrangé, car plusieurs dizaines d'autres Jupiter chaudes furent découverts au cours des années qui suivirent, si bien que les chercheurs s'étaient un temps demandé si notre système avec ses quatre géantes situées entre 5 et 30 UA ne serait pas une exception. En dehors du biais observationnel qui veut qu'on ne puisse débusquer que les corps les plus gros et massifs dans en premier temps pour des raisons techniques, une question s'imposait : pourquoi notre Jupiter ne s'est-elle pas retrouvé dans le Système solaire interne ?
En réponse à ce problème, le " modèle de Nice ", une simulation de la formation et l'évolution du Système solaire publiée dans Nature en 2005, propose une explication convaincante pour la migration des planètes géantes. Réalisée en plusieurs étapes, celle-ci prévoit entre autres un chamboulement qui serait à l'origine du bombardement massif tardif (entre - 4,1 à - 3,9 milliards d'années) dont la Lune en a gardé d'importants stigmates et aurait contribué à arroser la terre primitive en eau. Autre conséquence de ces perturbations gravitationnelles, l'hétérogénéité des corps de la ceinture principale d'astéroïdes observée aujourd'hui.
Plus récemment, d'autres modélisations ont suggéré dans le cadre d'une migration de Jupiter en deux étapes que ses mouvements auraient agité le Système solaire interne et provoqué la disparition de possibles super-Terres (voir ici). Dans ce scénario, les actuelles petites planètes telluriques se seraient formées après leurs départs à partir de la matière résiduelle. Ces différents cas de figure mettent en lumière le rôle déterminant de Jupiter et Saturne dans l'évolution du Système solaire. Que serions-nous devenus sans elles ?
Que se passe-t-il en l'absence de planètes géantes ?
Sans les planètes géantes dans les régions externes, cela aurait sans doute mal tourné pour notre biosphère, comme le suggère Tom Barclay, du centre de recherche Ames de la Nasa, dans ces dernières recherches présentées le 8 janvier dernier, aux rencontres de l' American Astronomical Society (AAS) à Kissimmee, en Floride. Dans l'hypothèse où elles sont absentes, " [...] vous avez un système planétaire très très différent ".
Les chercheurs ont testé dans leurs simulations de systèmes planétaires démarrant au moment où apparaissent des embryons de la taille de Mars, des scénarios avec et sans planètes géantes dans les régions externes. Dans le premier cas, ils ont obtenu que les planétésimaux résiduels puissent se retrouver expulsés rapidement à cause de la quantité de mouvement angulaire que les grosses planètes gazeuses ajoutent, ou encore agrégés aux planètes existantes. Dans le second cas de figure, stipulant donc l'absence de planètes massives, une grande partie des blocs mettrait du temps à se disperser et se disposerait dans une vaste enveloppe comparable à celle qui existe aux confins du Système solaire nommée nuage de Oort, mais à des distances beaucoup plus rapprochées de leur étoile parent, de sorte que les planètes rocheuses qui auraient émergé, soient fréquemment menacées d'impacts.
" Lorsqu'il y a des planètes géantes, le dernier gros impact peut se produite entre 10 et 100 millions d'années après la naissance des planètes, ce qui est plutôt bien, explique le coauteur de cette étude. Mais si vous n'en avez pas, le dernier impact géant peut se produire des centaines de millions à des milliards d'années après. " En d'autres termes, si ces événements catastrophiques sont trop fréquents, il ne fait pas de doutes que l'habitabilité de ces mondes est sapée.