Par qui commencer pour évoquer notre gallinacée national ? On peut raisonnablement songer à Jean Anthelme Brillat-Savarin dont les aphorismes et les méditations ont jeté les bases d’une table gastronomique : « Qui n’a pas souri à l’aile de poulet proprement coupée qui lui annonçait qu’enfin il allait être rendu à la vie sociale » écrivait-il dans sa Physiologie du Goût, parfait serviteur de nos garde-mangers, de nos futurs banquets en général et de nos agapes de fin de semaine en particulier. Les cuisiniers ne sauraient le contredire et ce n’est pas un hasard si, au fil des règnes, ce poulet a quitté la cuisine pour prendre sa place au firmament des nourritures rituelles.
Car le poulet rôti, c’est un peu le théâtre sacré de l’enfance, un moment d’allégresse, jamais banal, un plat sur lequel chacun espère exercer son pouvoir : pour qui le blanc, la cuisse, l’entrecuisse, l’aile, un peu plus de peau bien grillée ? Un petit trésor caressé par l’odeur rassurante du beurre chaud qui participe à tous les rythmes de la vie sociale, du réfectoire au confortable repas familial en passant par le casse-croûte et fait parler de lui jusqu’au lendemain pour un divin poulet mayonnaise !
Devant une assistance aussi attentive qu’à la messe quand le rôtisseur découpe le poulet, il ne peut aujourd’hui que rendre grâce à ses pairs tournebroches dont la première confrérie date de 1248 – elle avait pour seul privilège de ne rôtir que des oies – et s’en remettre aux conseils avisés d’un de nos plus éminents spécialistes contemporains. Alain Passard, né rôtisseur et roi du légume, celui qui finit de cuire son poulet par le croupion, rappelle quelques fondamentaux : « Le bridage est un geste subtil et technique, déterminant dans la cuisson de la volaille. Il mettra en forme le poulet et permettra de nicher les cuisses sous les suprêmes et ainsi dessiner la ligne d’un élégant ovale. Auprès d’un volailler, je recommande un bridage à l’aiguille. De plus, une heure et demie avant la cuisson de la volaille, prendre soin de la sortir du réfrigérateur ; sa chair sera moins froide et acceptera plus facilement la source de chaleur. »
Quel restaurant saura-t-il apaiser notre faim et réjouir nos cœurs avec un poulet labélisé « ayant reçu tous ses diplômes », comme dit si bien l’amphitryon de la rue de Varenne qui a toujours eu les yeux de Chimène pour un poulet fermier traditionnel ? Le servira-t-il avec des frites autre emblème alimentaire de la francité qui prend la cote des valeurs patriotiques comme l’inénarrable purée de pommes de terre ?
Pour l’escorter un sauternes, une coquetterie, suivant avec panache les propos d’Alexandre de Lur Saluce lorsqu’il évoquait les occasions de dégustation d’un Château d’Yquem : « Le dimanche, en famille, avec un poulet frites ». Quant à Philippe Bourguignon, maestro de « l’Accord parfait, » du nom de son best-seller, il suggère un accord plus raisonnable mais néanmoins excellent : « Le mercurey fait honneur à un poulet fermier ou un poulet de Bresse rôti ou cuit au four, avec la peau craquante et bien soufflée, accompagné de grosses frites un peu charnues ou d’un gratin de pommes de terre ».
Nos bonnes (et moins bonnes) adresses
1 – Le Coq Rico
Le Quart : Le poulet de Challans
Est-ce un hasard si son propriétaire, le grand chef alsacien Antoine Westermann, a baptisé ce restaurant « le bistrot des belles volailles » ? Au pied de la butte, dans un environnement si préservé du passé montmartrois, Le Coq Rico tient toutes ses promesses.
Pour deux personnes, le demi-poulet est joliment présenté dans un plat et de surcroît très bien découpé, sans oublier le sot-l’y-laisse. Les morceaux avec une peau grillée à souhait et le jus autour sont appétissants, les assiettes bien chaudes, voire très chaudes – encore un bon point ! – et la chair du poulet d’une tendresse et d’un moelleux au-delà du possible. Ah par tous les diables, que c’est bon !
Il faut s’enquérir sans tarder du savoir-faire du chef Thierry Lébé et de son sous-chef Christophe Takvorian, ce jour-là en cuisine : le poulet est poché dans un bouillon pendant une heure puis passe à la rôtissoire pour être ensuite réchauffé sur la plaque. Après la découpe, il est mis un peu sous la salamandre en attendant le choix des accompagnements, pommes frites « maison », gratin de macaroni excellent, salade bien relevée ou fricassée de légumes du moment. Du côté de la sommellerie, un Côtes du Rhône Jean-Luc Colombo cuvée La Redonne Rouge 2014, vient parfaire une cuisine de qualité, généreuse et goûteuse.
Le Quart : Le poulet de Challans 22 €
75018 Paris
Tél. : 01 42 59 82 86
M° Lamarck-Caulaincourt
www.lecoqrico.com
Ouvert tous les jours.
Réservation indispensable la fin de semaine et surtout le dimanche midi
2 – L’atelier de Maître Albert
Volaille fermière rôtie à la broche, pomme purée
Une vaste salle à manger chaleureuse dans les tons noirs avec de grands tableaux aux couleurs vives comme les affectionne Guy Savoy, le maître des lieux. Au fond, la rôtisserie offre aux regards ses belles pièces, jarret de veau, tranche de bœuf, qui avoisinent les volailles. Il est bientôt 20 h30 et le feu crépite dans la cheminée.
Au moment de la commande par un service féminin attentionné, le choix est donné : la cuisse et le blanc ou l’aile et l’entrecuisse. Sur l’assiette, 2 beaux morceaux accompagnés de purée et un plat de purée servi à côté avec du jus sur le dessus. Le concept du chef « comme à la maison » est franchement réussi. La volaille jaune des landes cuite au début du service se révèle tendre, moelleuse, délicieuse et la peau bien griottée. Et le jus ? Il est tellement bon qu’on en voudrait plus pour continuer de le déguster avec une purée plus qu’acceptable à base de Bintje. En de telles circonstances, le Graves blanc de Guy Savoy se déguste parfaitement comme le Saumur Champigny 2009 du Domaine Roche Ville.
Volaille fermière rôtie à la broche, pomme purée : 22 €
75005 Paris
Tel. : 01 56 81 30 01
M° Maubert – Mutualité
Fermé samedi et dimanche midi
www.ateliermaitrealbert.com
3 – La Rôtisserie de la Tour
Demi-poulet rôti, purée de pomme de terre
Sous le label d’une « cuisine canaille de tradition française », l’ancienne Rôtisserie du Beaujolais est entrée dans le giron de la famille Terrail en 1989. L’hôte est accueilli par une équipe de serveurs en tablier bordeaux et chemise blanche qui s’affairent entre la belle terrasse en avancée avec une vue sur l’île Saint Louis et la salle aux grandes ardoises qui façonnent un décor aux allures de bistrot. La rôtisserie ouverte sur la salle « donnant le la » à une ambiance enjouée et familiale.
Pour deux personnes, le poulet de Challans de la maison Burgaud est présenté dans un plat, bien découpé avec le sot l-y laisse. Il est précuit au 4/5 et terminé au fur et à mesure des commandes dans un four mixte avec une chaleur séche et de l’humidité. Puis, il passe sous la salamandre pour le grilloté. Le jus de poulet est préparé à l’avance avec les carcasses et relevé d’un assaisonnement. Mon tout ? Un excellent poulet à la chair ferme, au bon goût, et généreusement servi. Les frites et la purée sont ici de bonnes alliées.
Demi-poulet rôti, purée de pomme de terre : 22 €
75005 Paris
Tél. : 01 43 54 17 47
M° Pont Marie
Ouvert tous les jours
www.larotisseriedelatour.com
3 ex-aequo – Drouant
Le poulet fermier rôti avec des frites & de la salade
L’institution des Belles Lettres, le chef Antoine Westermann et le poulet rôti de
Challans ? C’est le rendez-vous du dimanche midi, parti prenante d’un semainier qui décline des plats au déjeuner pour vingt euros. Une manière élégante de décomplexer le gourmet qui n’en doutons pas appréciera une belle maison bourgeoise comme on disait autrefois, quand on n’avait pas peur des étiquettes…
Sur une assiette chaude, avec de l’ail en chemise, l’aile et la cuisse ou le blanc et l’entrecuisse sont proposés avec un jus en réduction fort délicieux. Les cuissons sont parfaites, la peau du poulet bien grillée, le blanc bien ferme et goûteux. Excellentes frites présentées dans un petit cône en papier et une salade de scarole avec une sauce relevée d’échalotes. Parmi les recommandations du sommelier Alexandre Chabot – expert attentif à vos envies sans rien imposer – , un Montagny 1er cru 2013 de Jean-Marc Boilot ou encore en Drôme Provençale, la cuvée Zinzin 2014 du Domaine Matthieu Dumarcher.
Le poulet fermier rôti avec des frites & de la salade : 20 €
75002 Paris
Tél : 01 42 65 15 16
www.drouant.com
M° : Quatre septembre
Ouvert tous les jours
5 – Jeanne A
Poulet pattes noires de Challans, gratin de pommes de terre, salade
A la fois épicerie, traiteur et table d’hôte, l’annexe du restaurant Astier s’est donné pour devise un des aphorismes les plus connus de Jean Anthelme Brillat-Savarin : « On devient cuisinier mais on naît rôtisseur ».
Ici, la rôtisserie est dans les cuisines et l’ambiance se veut jeune, cool, détendue, gourmande, avec des rayonnages bien achalandés, des tables en bois clair pour plusieurs convives, en formica rouge pour les duos. Sans oublier le petit opinel en main pour ce poulet bagué avec une bonne aile mais un blanc un peu sec et entouré d’un copieux gratin presque dauphinois dans son élaboration. Toujours sur l’assiette, une salade fraîche relevée d’une sauce soja et de brins de coriandre. Et en bonus, un très bon jus de cuisson rehaussé de vin rouge et d’une garniture aromatique.
Poulet pattes noires de Challans, gratin de pommes de terre, salade : 19€
Pour les enfants. Le petit poulet : 15 € soit poulet rôti + gourmandise du jour
75011 Paris
Tél. : 01 43 55 09 49
M° Parmentier
www.jeanne-a-comestibles.com
Ouvert tous les jours
6 – Flottes
Poulet fermier de l’orléanais Label Rouge
L’accueil de Madame Flottes est si charmant, professionnel, si rayonnant… Comment résister au plaisir de retrouver cette maîtresse de maison hors pair qui veille avec tant de gentillesse au confort de ses clients ?
À la commande, il y a le choix entre la cuisse et l’entre cuisse ou l’aile et le blanc.
Ce jour-là, le poulet n’est pas servi dans une assiette chaude. C’est dommage car il est vite tiède. Le blanc un peu ferme est « rattrapé » par le bon jus servi à part et les frites bien chaudes et croustillantes. Comme on peut avoir une autre garniture, il faut tenter l’aligot, l’ADN de cette maison aveyronnaise.
Poulet fermier de l’orléanais Label Rouge : 23,90€
75001 Paris
Tél. : 01 42 60 80 89
M° : Concorde
www.brasserie-flottes.fr
Ouvert tous les jours
7 – J’GO
Poulet « Pategrain ». La pièce : 1/2 ou entier
Y-a-t-il un rôtisseur pour sauver la bête? Si dans cette ambassade du Sud-Ouest on ne lésine pas sur l’appétit supposé des clients avec une volaille vendue au poids, il semble bien que les temps de cuisson soient plus que sous-estimés.
Pourtant tout commençait bien avec « Le Pategrain » un poulet à croissance lente, élevé 180 jours en liberté et nourri au grain par Christophe Lacroix, producteur exclusif pour l’enseigne à Espas, dans le Gers. Il est proposé entier pour une table de 4 à 5 personnes et en demi pour 2 à 3 personnes.
Le poulet est présenté sur un plat coupé en morceaux sans raffinement et servi avec très peu de jus. Il paraît que la peau du poulet est laquée à la graisse de canard mais tout cela passe un peu inaperçu… Le serveur à l’accent chantant du Gers annonce 40 à 50 minutes de cuisson. C’est nettement trop peu pour une bête de 1,8 kg qui a encore du rose au niveau des articulations. Le seul petit plus : un « roste » ou pain aillé qui constitue sa farce.
Poulet « Pategrain ». La pièce : 1/2 ou entier : 55 € le kg
75009 Paris
Métro Richelieu Drouot
Fermé le dimanche
www.lejgo.com