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David Bowie — Blackstar LP

Publié le 15 janvier 2016 par Le Limonadier @LeLimonadier
Hank Mittnacht - Jazz Club LP

Blackstar looks very different today.

Le génie extraterrestre David Bowie nous a quitté dimanche. Et nous a livré son vingt-sixième et ultime album vendredi dernier. L’homme aux si nombreux visages a pris cette fois-ci le masque d’un prophète apocalyptique,  pour une fresque mystico-dramatique aussi inquiétante qu’intrigante, intitulée Blackstar. Malgré les dangers d’une carrière longue et prolifique, Bowie n’est pas tombé dans l’écueil de la répétition.

Une fois n’est pas coutume, il fait éclater les carcans musicaux et envoie balader les règles de la pop culture avec sept titres assez longs et tout à fait singuliers. Plein de références classiques, l’album remanie aisément les codes du rock’n’roll à la sauce du nouveau millénaire. L’étrange homme tombé sur terre et reparti vers les étoiles nous étonne de pouvoir encore nous surprendre.

Le disque s’ouvre par le titre éponyme « Blackstar », dont les dix minutes mettent en place d’emblée cette atmosphère pesante et composite. Les percussions dominent d’abord puis la voix s’élève pour un prêche fatigué, les waves ambient électroniques laissent place à l’indétrônable saxophone. Bowie a toujours été en avance sur son temps, et on a l’impression qu’il a aussi vu venir la fin. Après une transition faite de chœurs et de cymbales, le morceau prend une toute autre direction.

« Something happened on the day he died / A spirit rose a metre and stepped aside / Somebody else took his place, and bravely cried / I’m a Blackstar »

Ça sonne comme un passage de flambeau vous ne trouvez pas ? Le synthé amène une ambiance plus légère et on retrouve le timbre si singulier de Bowie, qui troque toujours son identité, ce qu’il est et ce qu’il n’est pas, dans des variations qui embrassent les multiples aspects du Rock’n’Roll. La voix autotunée qui scande « I’m a Blackstar » nous raccompagne vers ce vestibule obscur par lequel on est entré dans cet étrange album.

Quelques respirations et nous voilà embarqués dans un rythme steady où se répondent saxo et clavier. On renoue avec le brouillage des frontières du genre dès les premières phrases de « ‘Tis a Pity She Was a Whore ». La stridence des saxos peint un drôle de décor pour une drôle de rencontre avec une femme de petite vertu qui visiblement a joué plus d’un tour à David.

Un riff aiguisé nous introduit à « Lazarus » sur un pattern rythmique très simple. Les saxos et les bends déchirants se font écho pendant que la maître essaie de nous rassurer dans un texte qui ressemble un peu trop à un testament à notre goût. « Look up here I’m in Heaven » Un flashback d’une grande classe à l’architecture musicale assez classique mais toujours efficace qui s’appuie sur une excellente ligne de basse et un outro magnétique. Ce titre et le clip glaçant qui l’accompagne sont à l’origine d’une théorie selon laquelle, Bowie tel un Lazare contemporain ressusciterait quelques jours après sa mort. Si seulement.     

Avec « Sue (Or In a Season of Crime) », on entre dans un domaine plus sombre qui flirte avec les power chords du hard rock et du punk. Toujours le saxo. Et une histoire de maladie mortelle, d’adieux visiblement douloureux. Ce morceau était sorti sur une release l’an dernier. Le schéma répétitif et lancinant nous mène jusqu’à un ending bruyant et cracra. Puis « Girl Loves Me » s’ouvre sur des mots qui s’enchainent en écho et une intonation étonnante qui rappelle un peu certains Vampire Weekend ou Indochine période l’Aventurier. « Where the fuck did Monday go ? », on s’est posé la même question toute la semaine. Le deuxième couplet a des accents quasiment Strummer-iens. Bowie nous livre là encore un ovni musical.

Du papier qu’on froisse, un piano jazzy et saxo alangui ; puis la guitare sèche et les vocals. « Dollar Days » nous soumet la question de l’argent et de la notoriété d’un Bowie déchiré entre les Amériques et le Vieux continent. Il essaie et il en meurt d’envie. Contrepied. Un beat entrainant et une orchestration un peu kitsch, avec encore et toujours de petites attaques au saxo qui nous accueillent pour le dernier morceau « I Can’t Give Everything Away », sonnant comme un regret de ne pouvoir offrir tout ce qu’il a en partage. Malgré le superbe solo de saxophone, on sent que quelque chose ne va pas. Et dans une accalmie, Bowie nous le dit, avant que l’orchestration ne reprenne toute la place accompagnée de quelques notes de guitare gentiment saturées qui clôturent son dernier album. Le dernier album de David Bowie.

L’homme est parti comme il est venu, en paix. Artiste visionnaire et déluré, le roi du glam rock tire sa révérence en beauté avec un disque hypnotique et d’une classe intergalactique. Des centaines, des milliers d’hommages ont été rendus à ce géant qui a bousculé près de cinq décennies de musique, d’arts et de mentalités. On a tous en nous quelque chose d’un des extraordinaires personnages qu’il a incarné. Il nous attend éternellement dans le ciel, pas très loin de Mars où une constellation lui a été dédiée. Merci monsieur Bowie pour les disques, pour les films et pour nos « nous-adolescents » qui vous sont si redevables.

Cheers and fare well, Thin White Ziggy Starman Duke of Aladdin Sane Stardust from Mars !

Mathilde

Mathilde

Chroniqueuse et petites mains des partenariats sur l'Internet. Khâgneuse en Histoire des arts dans la vraie vie.
Pop, folk, rock et indies, la monomanie à tous les étages.
Mon Cocktail Préféré : Champomy d'abord ! Puis une bonne bière en bonne compagnie, suivie d'un Basile Boli, d'un Martini, d'un whisky...
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