En ce début d’année 2016, vingt siècles et seize années après le Christ, les âmes s’envolent pour en rejoindre d’autres qui les attendent les bras ouverts, pour leur en mettre plein les cieux, et les rassurer, pour les enlacer et leur susurrer que leur vie terrestre s’achève, et que la vie essentielle se développe désormais.
Car, « c'est ici le combat du jour et de la nuit… Je vois de la lumière noire » disait l’apocalyptique Victor Hugo au seuil de sa vie, pour lui, comme pour des millions d’autres, le jour était venu de perdre la qualité première d’un vivant, son essence terrestre pour rejoindre l’essence divine au Parnasse, où l’attendaient tant d’esprits grands et beaux.
Michel Galabru, grand acteur discret et comique de l’âge, s’est éteint simplement, il a vu sa lumière noire obscurcir sa vision pour embrasser la faucheuse qui ne fait pas de concessions.
Lui-même poursuivi par le génie absolu de la Pop musique anglaise, le dieu vivant de la poussière d’étoiles, qui la jetait par grandes poignées sur les ondes, une voix comme on n’en fera plus, une voix comme on n’entendra plus, à la fois enchanteresse comme celle des sirènes, à laquelle je ne pouvais résister, attaché au mat de mes souvenirs.
Et sa musique, si bien construite, si parfaite dans sa facture moderne, dans sa fracture lyrique, qui d’autre que lui pouvait dresser des poèmes à la manière d’un Debussy talentueux et contemporain, le génie à fondu dans les flammes, et de ses cendres, sont restées les notes d’une musique, comme on n’en entendra plus après lui.
David Jones, plus connu sous le nom de David Bowie, s’est fait dévorer par le cancer que les laboratoires ne veulent pas guérir, car trop rentable pour eux, et si terrible pour nous.
Lui aussi suivit par Allan Rickman, cet acteur remarquable avec cette gravité dans la voix qui faisait de lui un comédien exceptionnel. Emma Thomson a dit de lui :
- « ce dont je me souviens le mieux dans ces moments terribles, c’est son humour, son intelligence, sa sagesse et sa gentillesse… »
Ces êtres remarquables étaient fondus dans notre culture, dans notre savoir, dans notre vie, nous avons vieilli avec eux, mais ils sont partis avant nous et nous restons seuls, le désespoir dans l’âme, dans l’idée que jamais plus, nous ne pourrons profiter de leurs qualités humaines et artistiques.
Qui prendra la relève ?
Personne, les artistes de ce niveau n’existent plus dans le monde de la corruption, les vrais artistes sont mis de côté, assassinés par le système pour ne valoriser que la médiocrité de l’ego dans tous les domaines de la vie, nous héritons des fils de… moyens, sans saveur, nous héritons des amis de…, des cousins de… nous héritons du fond du panier, celui qui est rempli de mauvaises ambitions, et d’une pourriture de pensée qui s’accorde avec la médiocrité ambiante.
Aujourd’hui, je pleure mes amis à l’aube d’une nouvelle vie, d’une prochaine mort, De profundis clamavi ad te, Domine (Des profondeurs, je criai vers Toi, Seigneur), car face à la mort, le sentiment religieux revient soudain, comme une dernière prise d’espoir sur la vie dans l’eau du Styx, celle du fleuve des morts, affluent de la haine de la vie, loin de la fontaine d’Arcadie, dont l’eau d’immortalité préservait les vivants dans des temps lointains.
À présent, seul l’Achéron, fleuve du chagrin, coule le long de mes joues pour rejoindre le Cocyte dans un torrent de lamentations. Que nous ayons plongé ces artistes de leur vivant dans le Styx, il serait encore parmi nous pour l’éternité, ils seraient Dieux et nous simples mortels, nous pourrions encore les admirer. Mais, la vie que nous vivons reste attachée à des valeurs fugaces et monotones, jusqu’à la fin qui rend aphones, ceux qui restent sur le bord à les regarder partir dans la barque de Charon.
Non, aujourd’hui nous ne vivons pas une époque formidable, le diable n’a pas encore fini son ouvrage, et il se frotte les mains des prochains et des prochaines, qu’il poussera dans le trou des regrets et des tourments.
Adieu, amis de l’ombre, nous vous rejoindrons un jour, le plus tard possible, j’espère…