C’est la maladie, c’est souvent ce que je me dis quand je vais mal. C’est la maladie par ci, c’est la maladie par là. Ou pas, en fait.
La maladie comme traumatisme, c’est aussi dans le fait de la voir partout. C’est dans le fait de ne plus savoir qu’on peut aller mal et que c’est normal.
On peut aller mal sans penser directement à augmenter son traitement. Sans se dire que ça va durer toujours. Parce qu’aller mal, ça arrive à tout le monde. Les gens normaux aussi vont mal. Parfois, je l’oublie. Parce que je ne suis plus « normale » depuis longtemps, si je l’ai jamais été, je ne sais plus ce que c’est que la condition humaine non psychotique. Je ne me rends plus compte que j’ai un côté normal ni la place qu’il prend. C’est ça aussi, la maladie comme traumatisme, elle prend artificiellement toute la place, on ramène tout à elle. On ne sait plus qui on est sans elle, qui on aurait été sans elle.
Souvent, je ne m’autorise pas à souffrir. Parce que j’ai peur que la souffrance me fasse rebasculer dans la maladie. Parce que c’est comme ça que je me suis battue contre la schizophrénie, en étant un bon petit soldat, en avançant malgré tout, en restant debout brisée, en serrant les dents. J’ai oublié que parfois ça faisait du bien de pleurer sur ses peines, que c’était normal d’avoir de la peine. Que les humains versent tous des larmes. Que pleurer, ça évite de garder tout en soi et de finir rongé par la dépression.
Je ne suis pas que schizophrène. J’ai une cicatrice, et la peine l’effleure à chaque fois. Mais pleurer ne veut pas dire que ça n’ira pas mieux demain.
Classé dans:Réflexions personnelles