Michèle Rakotoson à Madagascar, ce sont les retrouvailles
avec un monde qu’elle avait eu le temps d’oublier par sa vie d’avant, et qu’elle
décrit comme s’il était tout à fait neuf, non sans humour.
Elle est, comme le dit le titre du livre où elle rassemble,
pour l’essentiel, des chroniques parues dans la presse, Madame à la campagne. Mais il doit y avoir un décalage horaire
entre sa campagne et ma ville, à moins qu’elle ait le sommeil profond, car elle
entend chanter le coq à cinq heures et demie du matin, alors qu’il y a au moins
une heure qu’il s’égosille chez mon voisin – car, oui, il y a aussi des coqs à
la ville. Nous sommes à Madagascar, je vous le rappelle.
On ne risque pas de l’oublier en lisant Michèle Rakotoson
quand elle se débat dans les singularités de la vie quotidienne insulaire. De cette
île-là, de cette île-ci, en tout cas.
Les rapports avec les gens, nos semblables, occupent une
bonne partie de ses histoires où l’on sent le vécu, à peine transposé quand le
trait semble forcé. Et encore : c’est souvent à elle-même qu’elle s’en
prend pour exercer l’ironie. Les personnages, certains d’entre eux, peuvent
être moins humains qu’on en a l’habitude. J’ai déjà dit un mot du coq, il y a d’autres
animaux. Il y a aussi, sujet de plusieurs aventures (car l’anecdote se hausse
jusqu’à l’épique, parfois), Deudeuche. La capricieuse voiture qui se démonte et
se remonte chez Rapasy, le mécanicien aux doigts d’or. Accordons à ce véhicule
antique, mais bien dans le ton de nombreux congénères dans les rues de Tana et
des environs, une existence propre et un caractère très marqué.
Comment une Malgache au pays éprouve quelques difficultés à
se plier aux habitudes perdues – ainsi qu’aux nouveaux usages, car le temps ne
passe pas sans modifier quelques éléments du paysage physique ou mental –, c’est
un état des lieux somme toute rassurant pour qui vient d’ailleurs et ne rit pas
aussi souvent dans la réalité que dans ces pages. Celles-ci aident donc à
prendre du recul.
Michèle Rakotoson sera, avec son nouveau livre et en
compagnie de Kemba Ranavela, enseignante et chroniqueuse, présente à l’Institut
français de Madagascar (Antananarivo), ce samedi 16 janvier à
10 heures pour un forum littéraire.