Oui, je sais, il est bien tard pour parler de cette exposition sur les femmes et la photographie présentée par le musée de l’Orangerie pour la période 1839 à 1919, puis au musée d’Orsay pour la période 1919 – 1945 … Cependant, elle vaut largement la peine de s'y précipiter avant sa fermeture !
Moi qui suis une fana de la photographie au point d’avoir imaginé, dans ma jeunesse, en faire mon métier, j’ai découvert une foule de notions sur les origines de ce médium qui a révolutionné la perception de la réalité et, tout simplement, l’art. Des femmes ont joué, dès l’origine, un rôle éminent dans ce domaine, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, y apportant leur talent et investissant tous les champs de la technique, sans particulière marque de « genre » ni spécificité : portraits, paysages, nus, documentaires, reportages, correspondance de guerre… nul domaine ne leur demeure étranger.
L’exposition offre les visions de 75 femmes photographes dont la liberté de ton, en une époque corsetée où l’on cantonne la femme dans les strictes limites de la bienséance, est une révélation (c’est le cas de le dire !). Source de revenus professionnels ou moyen d’épanouissement créatif des femmes de la haute société (le matériel est coûteux), la pratique de cette nouvelle technologie est encouragée par la reine Victoria, l’exercice par les femmes est attesté depuis 1840, en France comme en Amérique …
J’ai trouvé très émouvants les collages de portraits de famille agrémentés d’aquarelles, premiers exemples de scrapbooking, comme de découvrir ces images inédites d’une époque de crinolines, d’enfants aux longues chevelures, parfois trop intimes, les portraits d’hommes célèbres (le poète , clichés ethnographiques de voyageuses, jusqu’à ces images du front et des horreurs de la guerre de 14-18.
Quelques noms : Frances Benjamin Johnson, la première femme photojournaliste à laquelle Georges Eastman offrit, le jour de sa sortie en 1888, un appareil photo, et dont on voit l’autoportrait dans son atelier, cigarette et chope de bière en mains, jupons affleurant (1896), Constance Talbot travaillant aux côtés de son mari, Gertrude Kasebier, Lady Frances Jocelyn et son intérieur, les suffragettes sur Knightsbridge par Christina Broom et enfin, le sublime portrait de Mrs. Herbert Duckworth, la mère de Virginia Woolf, par Julia Margaret Cameron, ainsi que celle du vieux poète Alfred Tennyson.
Cadrages, lumières, subtilité des poses (et même des nus masculins) … Tout est déjà palpable dans cette nouvelle forme d’art révolutionnaire.
Qui a peur des femmes photographes ? 1839 – 1919 au musée de l’Orangerie jusqu’au 24 janvier.