Avec La jeune fille de l'eau, M. Night Shyamalan nous avait proposé une splendide et soudaine entreprise d'auto-destruction, bégayant copieusement son cinéma dans une sorte de délire mystico-creux. Il restait à déterminer si ce très mauvais film n'était qu'un incident de parcours ou le début de la fin des haricots pour celui qui commença sa carrière en fanfare. Phénomènes vient apporter une réponse claire et nette, et sincèrement pas celle qu'on espérait : Shyamalan est mort. Comme les personnages de son film, il semble poussé par une cause inconnue à se suicider de façon aussi sordide que possible. Il ne reste rien, absolument rien, du cinéaste qui nous offrit il y a moins de dix ans le chef d'oeuvre Incassable et d'autres divertissements presque aussi recommandables.
Phénomènes débute par ces étranges images stupidement proposées dans la bande-annonce (depuis le temps que je répète qu'il ne faut jamais regarder ces minis spoilers) : des gens se donnent la mort, poussés par une force invisible. Ouverture intrigante comme le Night sait les faire. Sauf que... Dès ces premières secondes, on ne peut que remarquer l'absence criante de mise en scène, de style, de tension. Qu'on aime ou pas les films de Shyamalan, on prend à chaque fois une leçon de cinéma, le bonhomme n'ayant pas son pareil pour magnifier ses personnages en quelques plans, trouver le parfait mouvement de caméra ou faire naître le suspense à partir de rien. De la première à la dernière bobine, Phénomènes souffre d'une réalisation empesée, de partis pris grotesques et de plans mal foutus. C'est à n'y rien comprendre.
S'il semblait impossible de voir un Shyamalan mal mis en scène, il est en revanche moins surprenant de constater que le scénario du film est une baudruche dégonflée. C'était déjà le cas dans La jeune fille de l'eau, et les détracteurs du bonhomme citeront même ses films précédents. Difficile de définir ce qui est le plus consternant là-dedans : la non-complexité totale du script (cinq minutes pour exposer le phénomène en question, puis une heure vingt d'exode complètement linéaire) ou le message pachydermique, qui nous assomme à coups d'aberrantes métaphores. Nicolas Hulot n'aurait pas fait mieux : pas d'histoire, pas de suspense, le seul et unique objectif de Phénomènes semble être de nous prévenir que, ouh la la, la Terre va mal, et que les catastrophes qui nous tombent régulièrement sur le coin du nez ne sont que les prémices d'une future apocalypse. Alors, tous à vos pots catalytiques, ne laissez pas votre télé en veille, faites du covoiturage, utilisez des ampoules basse consommation, sinon on va tous mourir. Une autre façon profitable de préserver la planète serait que Shyamalan arrête le cinéma dès maintenant, ce qui permettrait à la fois d'économiser pas mal d'énergie et de garder un souvenir du cinéaste qui ne soit pas tout à fait catastrophique.
1/10