Poezibao a posé à plusieurs de ses correspondants la question suivante :
L’art est-il, pour vous personnellement, dans votre vie quotidienne, un recours en ces temps de violence et de trouble(s) et si oui en quoi, très concrètement, littérature, musique, arts plastiques ?
Réponse de Françoise Clédat :
L’art est un recours contre la petitesse. J’attends de l’art qu’il desserre en moi la petitesse qui m’étrangle, qui étrangle l’amour.
L’amour n’est pas contenu dans le mot amour, il est un mouvement qui élargit. Et l’art le met en branle.
Recevant la surprise de telle œuvre dans une exposition, l’appel de telle musique, instruments et voix, faisant voix, le choc ou l’accompagnement de tel vers ou univers d’un poème, texte ou roman, je sens concrètement se faire cet élargissement.
L’art ne nourrit pas qui meurt de faim.
L’art ne répare pas qui meurt dans son corps de mort infligée ou naturelle.
L’art n’a aucun effet sur la douleur physique ni sur les causes de la déréliction.
L’art qui est un privilège, physique, moral, socio-économique, cependant m’a aidée dans la déréliction et m’aide à vivre dans l’intensité de la vie.
Parce qu’il m’aide à dévisager la mort autant que la vie dans des aspects que je n’aurai su par ma seule pensée ou imagination, envisager, j’ai la faiblesse de croire qu’il m’aidera peut-être à mourir.
Par l’art je reçois lucidité sur ce qui retient dans la petitesse de la prison du moi. Et la force du désir d’y échapper.
L’art que je reçois précipite en moi l’invention de l’autre par la donation que me fait l’autre.
Françoise Clédat
2 janvier 2016