[Critique] Arrête ton cinéma!

Par Régis Marton @LeBlurayphile

Un film de : Diane Kurys
Avec : Sylvie Testud, Josiane Balasko, Zabou Breitman, Fred Testot, François-Xavier Demaison, Claire Keim, Hélène de Fougerolles, Virginie Hocq, Florence Thomassin, Denis Sebbah, Alban Castermann, Eric Naggar, Aurélia Petit, Maurice Illouz, Michel Drucker, Patrick Juvet

C'est dans l'enthousiasme que Sybille démarre l'écriture de son premier film. Ses productrices Brigitte et Ingrid sont deux personnages loufoques mais attachants et Sybille se jette avec elles dans l'aventure, mettant de côté sa vie familiale. Mais, du choix improbable des actrices, aux réécritures successives du scénario, en passant par les refus des financiers, le rêve merveilleux va se transformer en cauchemar. Incorrigible optimiste, Sybille réalisera trop tard que ses productrices fantasques et totalement déjantées vont l'entraîner dans leur folie...

L'épouvantable Madame Balasko

On dit des bons méchants qu'ils font les meilleurs films.
Les antagonistes les plus marquants contribuent de manière évidente à l'efficacité du récit, et si le dernier Diane Kurys parvient à surprendre, c'est bien sur le terrain de la cruauté ; pour faire face à l'héroïne, mignonne petite Testud, deux épouvantables sorcières, campées par Breitman et Balasko, dont on sent qu'elles s'amusent comme des gamines à jouer les ensorceleuses. Productrices lesbiennes carnassières, tout en postiches et en surjeu, leur duo constitue l'atout principal du film, lui injectant son rythme et son humour avec un plaisir ludique non dissimulé.

Les travellings nous parlent

Si le rythme est présent, les actrices nous invitant à chaque instant à partager leur délire masochiste, lorsqu'on en vient à sa traduction visuelle, la belle dynamique prend un sérieux coup dans le cadre. Privilégiant une forme simple - tout à fait défendable -, le film s'attache à mettre en valeur le jeu de ses comédiens, sans chercher à renforcer leur performance. Malgré la folie de ce qu'on nous raconte, du côté de la caméra, c'est le calme plat ; excepté deux trois étincelles au montage, Arrête ton cinéma! convoque tous les manquements du théâtre filmé, et avec eux l'appui excessif de chaque point d'intérêt. Que ce soit les répliques importantes ou l'arrivée des acteurs phares, la réalisation prend soin de coller son index sur tout ce qu'il faut voir absolument, et se contente de filmer l'objet sans se soucier des plans, et de ce qu'ils nous en disent. Les vingt premières minutes souffrent de cet académisme, et si l'on excepte les trois actrices principales, enchaînent les répliques mal prononcées et les gros plans trop appuyés. Heureusement pour le film, la folie des deux bad girls graisse un peu les mécaniques, comblant à elle seule les lacunes du langage visuel. Tout à son attrait pour l'acteur et le texte, Diane Kurys semble oublier que les travellings nous parlent, et qu'ils ne sont pas seuls.

De l'ambition, s'il vous plait...

La thématique du tournage catastrophe n'est pas récente ; le souci de ce genre d'entreprise, c'est le risque du déjà vu. La relecture du sujet force à l'emprunt d'un chemin déjà tracé par la fiction - Ça tourne à Manhattan, Panique à Hollywood - ou par le documentaire - Lost in la Mancha, In the heart of Darkness. En forçant le trait, on peut bien creuser les marques, voire en imprimer de nouvelles. Arrête ton cinéma!, souffrant d'une trop maigre ambition, se contente d'imiter la marche de ses aînés, sans trop peser ses pas. Syndrome d'un cinéma français pas forcément en manque d'idées, mais étrangement bridé, oubliant que pour faire encore, il convient de faire mieux, ou différent.

L'ambition réduite est elle un défaut ? Ici, la volonté n'est pas de faire un grand film, mais bien une comédie légère et sympathique, sans prétentions autre qu'une bonne heure et demi de détente sans risques. Eh bien, le pari est réussi. Pour peu qu'on soit exigeant, on en sort frustré, hanté par le désagréable sentiment qu'on oubliera vite toutes ces petites choses, à part, peut être, trois jolies performances d'actrices.
Voir les défauts, quand on y pense, c'est voir comment on aurait pu faire mieux.

Nos attentes pour une édition collector :

Au vu de l'évident plaisir du jeu, le making-of devrait receler de petits sourires supplémentaires. On les accueillera avec plaisir.

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