Amateurs de jeux PC, à vos cartes de crédit : Electronic Arts a tenté de brasser les cartes, mardi, en annonçant le lancement d’Origin Access, un service payant offrant entre autres la possibilité de jouer «gratuitement» à un nombre toujours grandissant de titres développés ou édités par le géant du divertissement numérique.
Pour 4,99$ par mois, Origin Access propose une collection de jeux déjà disponibles sur le marché, sans frais supplémentaires.
S’appuyant sur l’exemple de Xbox Access, une structure similaire déjà implantée pour les propriétaires de la console de Microsoft, Origin Access se veut un ajout à Origin, la plateforme de distribution numérique lancée il y a quelques années pour concurrencer l’hyper populaire Steam, développé par Valve.
À l’image de Xbox Access, donc, les abonnés d’Origin Access devront payer 4,99$ CA par mois pour accéder à une bibliothèque de titres déjà disponibles sur le marché, alors offerts sans frais supplémentaires. Outre des rabais octroyés aux abonnés du service, on vante aussi, fait intéressant, la possibilité de jouer temporairement à des jeux n’étant pas encore officiellement sur le marché. Et il ne s’agit pas de versions de démonstration, tient-on à préciser, mais des jeux complets.
S’attaquer à forte partie
Pour l’instant accessible que dans une poignée de pays, dont les États-Unis et le Canada, le service Origin Access ne compte pour l’instant que 15 titres. On y retrouve les trois plus récentes itérations de la série Battlefield, les trois jeux de la série Dragon Age, les trois Dead Space, le décevant Sim City (cuvée 2013), ou encore, chose intéressante, le jeu de survie This War of Mine. Origin promet d’autres titres, ajoutés au fil du temps.
Le concept de service d’abonnement pour jouer à des jeux «gratuits», déjà bien implanté chez les consoles de Microsoft et Sony, représente un pari audacieux dans l’univers PC. Après tout, ces mêmes services payants pour avoir accès à des jeux «offerts» sont régulièrement tournés en ridicule par les partisans de la PC Master Race. Que ce soit chez Steam ou chez la version de base d’Origin, l’adhésion est effectivement gratuite, ce qui permet d’oublier que ces deux services agissent comme un verrou numérique en exigeant généralement une connexion à Internet pour profiter des titres achetés.
Chez GOG, qui dispose lui aussi de sa propre plateforme numérique appelée Galaxy, les jeux achetés sont disponibles en tout temps, sans obligation de se connecter à quoi que ce soit. Un système fonctionnant sur l’honneur pour s’assurer que les joueurs ne partagent pas illégalement les jeux achetés, bref. Du côté d’Origin Access, la foire aux questions accompagnant l’annonce du lancement du service ne le précise pas, mais on peut certainement penser qu’une fois l’abonnement résilié, il sera impossible d’accéder aux titres précédemment disponibles.
Origin Access and chill
En fait, voilà l’aspect le plus fondamental de cette démarche d’EA : la notion de propriété des jeux, une idée intrinsèque de l’univers PC, cède la place à une mentalité d’abonnement. Un Netflix du jeu vidéo, bref.
Les industries de la musique, de la télévision et du cinéma ont déjà fait le saut dans cette nouvelle économie numérique où tout est accessible, mais rien n’est acquis. Et, comme mentionné précédemment, la Xbox One et la PlayStation 4 disposent respectivement de Xbox Live Gold et de PlayStation Plus. Alors, pourquoi pas les jeux PC?
Cette disparition progressive de la notion de propriété de biens numériques est à même d’inquiéter les joueurs mordus.
Le hic, c’est que cela a déjà été tenté. Quelqu’un se souvient-il de la plateforme OnLive? Lancé en 2010, ce service offrait la possibilité de jouer à des jeux en se connectant uniquement à des serveurs distants, dans le cloud, sans aucune installation nécessaire. D’abord offert au prix de 14,95$ US par mois, OnLive est finalement passé au tout gratuit à l’automne de cette même année. En 2012, un modèle d’affaires déficient a forcé un grand nombre de mises à pied, avant que le rachat des brevets par Sony force la fermeture définitive de l’entreprise au printemps 2015.
Bien entendu, Origin Access n’est pas exactement la même chose qu’OnLive, mais cette disparition progressive de la notion de propriété de biens numériques est à même d’inquiéter les joueurs mordus. Sur Reddit, les réactions au lancement allaient de l’optimisme prudent à une certaine méfiance. Rien de bien étonnant, d’autant plus que la liste des jeux disponibles est quelque peu réduite pour l’instant. Un autre coup de sonde non scientifique effectué sur Facebook dresse un portrait encore moins encourageant pour EA : l’entreprise a trop souvent accouché de tactiques commerciales douteuses pour qu’on lui fasse de nouveau confiance, mentionne-t-on.
Pas les moyens de ses ambitions
Origin Access n’est pas nécessairement une mauvaise idée. Netflix et quantité d’autres services ont démontré que la formule de l’abonnement a du bon dans un monde numérique. Mais ce que Netflix, Spotify, Play Music et tous les autres ont également en leur faveur est un catalogue particulièrement impressionnant.
On n’attire pas les mouches avec du vinaigre, et une maigre liste de 15 jeux ne justifie aucunement de dépenser 4,99$ par mois pour y accéder, surtout si cet accès est justement conditionnel au fait de débourser ce montant ad vitam æternam. Steam et GOG sont gratuits, et le demeureront sans doute toujours. Steam offre plus de 7 000 jeux, dont plusieurs dizaines de titres gratuits. Le catalogue de GOG compte 1 355 entrées. Origin? À peine 548, et cela comprend des expansions et autres versions deluxe. Et ce malgré le fait qu’EA soit l’un des plus grands éditeurs de jeux de la planète.
Donnons la chance au coureur. Mais surtout, attendons de voir la suite avant de délier les cordons de la bourse. Cette initiative risque fort de transformer le milieu du jeu PC, et il sera intéressant d’en voir les impacts.