1878. Les indiens cheyennes parqués en territoire indien en Oklahoma ne supportent plus leurs conditions de vie âpres, passés dans cette "étendue poussiéreuse, brûlante et cuite au soleil, de terre sèche, d'herbes jaunies, de pins rabougris et de rivières asséchées." Malades, affamés, désespérés, ils décident de regagner leur terre sacrée des Black Hills. Trois cent d'entre eux partent, avec à leur trousse des soldats et des civils qui refusent que ces hommes fiers bafouent les traités que les blancs ont mis en place, traités qui ont spolié les indiens de leurs terres et les ont parqués dans des réserves. La dernière frontière conte l'odyssée de ceux qui n'avaient que le tort de penser que le sol sur lequel ils avaient vécu était le leur, le voyage tourmenté d'hommes et de femmes qui voulaient juste rentrer chez eux !
"Le mot freedom -liberté-, savez-vous d'où il vient ? Du vieux saxon, free (libre), et doom (mort). Alors songeons à ce qu'il a signifié : le droit pour tout homme de choisir la mort plutôt que la servitude." p. 120
Alors même si 1600 km les séparent de leur terre promise, les cheyennes ont décidé de se battre pour leur dignité, Leur chef Little Wolf estimant que la mort est toujours préférable au statut d'esclave.
Little Wolf @http://www.digitalhistoryproject.com/
C'est la fin d'un monde qui s'ouvre sous nos yeux. Une page se tourne, laissant derrière elle une époque révolue où les bisons peuplaient les plaines et les indiens cheyennes étaient des êtres arrogants, fiers et beaux. A présent, ils ne sont plus que des ombres décharnées et traquées par l'administration américaine. La cavalerie qui les piste est étonnée de rencontrer des êtres qui ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes, des êtres glaçants, déjà des fantômes de l'histoire.
La question centrale du roman apparaît rapidement : "pourquoi un groupe minoritaire dans notre République ne peut-il légalement occuper le pays qu'il a habité pendant des siècles ?" L'égalité n'est qu'un leurre, la démocratie américaine a ses revers meurtriers pointés brillamment du doigt par Howard Fast dans ce roman poignant de 1941, roman inspiré de faits historiques et réédité ici en français dans une nouvelle traduction par les éditions Gallmeister.
Un grand roman sur l'anéantissement d'un peuple.
La dernière frontière, Howard Fast, traduit par Catherine de Palaminy, Gallmeister, mai 2014, 320 p., 10.20 euros