d'après Maupassant (N°38)

Publié le 13 janvier 2016 par Dubruel

D'après LA RELIQUE (17 octobre 1882)

Mon cher abbé,

Mon projet de mariage avec Edmée, ta cousine, me semble bien compromis à cause d'une mauvaise plaisanterie que j'ai été très sot de lui faire. Si tu pouvais me tirer d'affaire, je t'en saurais gré.

Je reviens d'Allemagne, où malgré ma charge de besogne ici, j'avais accepté de donner une conférence à l'université de Cologne. Avant mon départ, j'avais annoncé mon voyage à Edmée et elle m'avait demandé :

-" Je serais enchantée si vous pouviez me rapporter un pieu souvenir. "

Sachant sa dévotion fanatique, je lui avais acheté Ein bétit os des once mille fierges.

Mais, figures-toi qu'en rentrant chez moi, je me suis aperçu que j'avais perdu son cadeau.

Alors, à la charcuterie de ma rue, je me suis procuré un éclat d'os...de porc ! Puis je me suis rendu chez ta cousine et je lui ai remis la sainte relique. Edmée embrassa la parcelle de cochon et me demanda :

-" Est-elle authentique ? "

-" Absolument, je l'ai volée pour vous. "

-" Mais où ? "

Je poursuivais alors mon imposture initiale :

-" À Cologne, dans la cathédrale. J'ai glissé la main entre les cierges allumés et réussi à ouvrir la châsse des Onze Mille Vierges. "

-" Oh ! Merci, chéri ! Que je vous aime ! "

Cher abbé, veux-tu bien noter que pour elle, j'avais commis le viol d'une coffre sacré et que malgré ce sacrilège, elle m'adorait ! Telle est la femme, toute la femme !

Mais hier, Elle m'a lancé :

-" La châsse est inaccessible (Comment l'a-t-elle appris ? Mystère). Il vous a donc été impossible de commettre ce vol ! "

Elle avait compris ma supercherie. Du moment que je ne suis pas le voleur d'un objet sacré, elle refuse dorénavant de me voir et exige une relique, mais cette fois une vraie, certifiée authentique.

Cela me rend fou d'embarras. Connaitrais-tu par hasard un chapelain ou un prélat, collectionneur de fragments saints qui pourrait me céder un fac-similé ?

Sauve-moi, cher abbé, je t'en supplie.

Bien amicalement,

François.