L’affaire est pour le moins surréaliste. Et honteuse. Primo: deux salariés seulement étaient poursuivis pour «violences en réunion», seule la qualification de «séquestration» était commune. Secundo: le procès s’est déroulé sans plaignant, puisque Goodyear avait retiré sa plainte, tout comme les deux cadres séquestrés d’ailleurs! C’est donc le parquet qui a décidé de poursuivre les salariés. Or le parquet dépend du ministère de la Justice. En l’espèce, comment ne pas s’étonner du silence de Christiane Taubira, alors qu’une de ses collègues, Pascale Boistard, secrétaire d’État aux Droits des femmes et élue d’Amiens, a exprimé son «émotion fraternelle» devant «une si lourde condamnation»? Elle ne croit pas si bien dire, d’autant que le projet de loi constitutionnelle qui se prépare risque d’introduire la notion de «crime constituant une atteinte grave à la vie de la nation», ce qui laisserait au législateur la liberté de définir lesdits crimes. La volonté de criminaliser un peu plus l’activité syndicale est bien réelle, la preuve.
Dès maintenant, une chaîne de solidarité, politique et sociale, et au-delà, doit se mettre en place pour rétablir dans leur honneur et leur dignité les salariés condamnés de Goodyear. L’Humanité y prendra toute sa place.
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 13 janvier 2016.]