Jean Rolin aime les lieux entre deux, les zones, no man’s land, ici c’est la frontière qui l’attire, et particulièrement la frontière belge. Quand on dit frontière belge, est-ce que cela signifie que la ligne appartient à la Belgique ou qu'elle marque la fin de la France ? Sommes-nous vraiment en France ? L’auteur nous entraîne dans une région où il importe peu d’être dans un pays puisque la question est d’aller dans un autre, où il importe peu d’être dans une famille puisque dans la maison du Père, le père n’est le père d’aucun de ceux qui vivent là. Des drôles de gens, avec des habitudes étranges, des envies de meurtres. Ça commence d’ailleurs par un meurtre, du moins le suppose-t-on, Lilas est morte et elle a été mangée par les renards. Et le narrateur nous parle de Rainette, du Père et de Lilas, du quincailler, du patron de l’hôtel du Seau, et d’autres personnages qui se sont rencontrés le long du canal pour le pire, apparemment, croyant que c’était sans doute le meilleur. Le lecteur tangue souvent, la frontière belge traverse une maison et il faudra beaucoup de persuasion pour que Lilas revienne de ce côté avant d’embarquer sur un bateau à Dunkerque. Il pleut souvent, et on ne franchira la frontière qu’à la dernière page, et au-delà de la frontière, on trouvera des ébauches d’arcs-en-ciel, c’est déjà ça.