Le TTIP entraînerait une diminution de 0,5 % de la valeur agricole au sein de l'UE I photo ©law-right
Les agriculteurs et éleveurs européens sont au cœur d’une crise affolante : la dégringolade des prix du lait, engendrée par les sanctions contre la Russie, mettent le secteur laitier à rude épreuve. A ce jour, de nombreuses petites exploitations font faillites. Le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP ou TAFTA) entre l'UE et les États-Unis pourrait être le coup de grâce asséné aux agriculteurs européens. Des deux côtés de l'Atlantique, les négociateurs du TTIP souhaitent harmoniser les normes de l'industrie agroalimentaire, ce qui mettrait en danger des pans entiers du secteur agricole européen. "Personne ne peut produire de céréales, par exemple, d'une manière aussi peu coûteuse que les États-Unis", expliquent les auteurs de l’étude menée par UnternehmensGrün, association de défense de l’économie verte. Cette étude prédit notamment l'utilisation du génie génétique au niveau local, des normes plus faibles et des zones de productions plus étendues.À l'heure actuelle, les échanges de produits agricoles et alimentaires vers les États-Unis pèsent environ 15 milliards d'euros. Les importations des États-Unis représentent, elles, environ 8 milliard. Selon les auteurs de l'étude, cette situation pourrait être complètement renversée par le TTIP, si Bruxelles et Washington parviennent à se concerter et signer l'accord qui prévoit la suppression des droits et des barrières non tarifaires. Les entreprises américaines auraient alors un accès presque illimité sur le marché européen. "Le TTIP, sous sa forme actuelle, renforce encore la position des grandes entreprises agroalimentaires, qui parviennent déjà à contourner les barrières commerciales grâce à l'emplacement de leurs centres de production". Les exploitations américaines ont une position très supérieure à cause de leur taille, mais également grâce à des normes de production et de protection des consommateurs bien plus faibles que les règles qui régissent l'UE. L'ingénierie génétique en est un exemple notoire. En Europe, tout aliment qui contient plus de 0,9 % d'OGM doit être étiqueté comme tel. Une obligation qui n'existe absolument pas aux États-Unis et au Canada.
Hormones, pesticides et poulet chloré - L'étude d'UnternehmensGrün mentionne les différences insurmontables qui existent entre les marchés agricoles européen et américain. Ce dernier est principalement orienté vers la performance, les exportations et la production de masse, alors que le marché européen est, lui, centré sur la consommation nationale. L'interdiction européenne d'utiliser des hormones de croissance rend impossible la vente de la majorité de la production de viande américaine sur le marché européen. Cette interdiction a pour objectif de protéger l'agriculture locale conventionnelle. Depuis le début des négociations, l'industrie de la viande américaine fait pression sur Washington pour que cette barrière soit supprimée dans le cadre du TTIP. La question des pesticides présente les mêmes caractéristiques. Les plafonds des résidus de pesticides autorisés aux États-Unis sont environ 5 000 % plus élevés que dans l'UE. L’année dernière, la Commission européenne a cependant envisagé d'élever le taux de résidus de pesticides autorisé. Le poulet chloré, qui est devenu un mot-clé sur le plan politique, illustre aussi les différences fondamentales entre les normes et exigences des deux parties en négociations. Si les producteurs européens doivent assurer la sûreté et l'hygiène des produits tout au long de la chaine alimentaire, leurs homologues américains utilisent des substances comme le dioxyde de chlore en fin de production, afin de tuer les pathogènes présents dans la volaille. Selon l'étude et de nombreux activistes anti-TTIP, cette mesure est rentable, mais clairement dangereuse pour le consommateur.UnternehmensGrün estiment que ce sont les secteurs des céréales, de la viande et du lait qui seront les plus désavantagés par le TTIP. Une étude du gouvernement hongrois, dont la publication est curieusement restée oubliée durant un an, arrivait aux mêmes conclusions générales : les accords de libre-échange programmeront une pression immense sur les agriculteurs. Les abattoirs hongrois qui produisent de la volaille et de la viande bovine et porcine, auront du mal à survivre, tout comme les cultivateurs de maïs et les producteurs de vin.
Peu d'études révèlent les effets néfastes du TTIP sur l'agriculture. La grande majorité de celles qui ont été menées prédisent un avenir sombre pour les agriculteurs européens. Une étude du ministère américain de l'Agriculture envisage trois scénarios possibles et conclut que les agriculteurs américains seront de toute façon gagnants. FG