Les 18 et 19 décembre dernier, le Beursschouwburg accueillait une nouvelle fois le Cabaret Bas Nylon pour leur édition 2015 de fin d'année, une excellente occasion pour moi de poser quelques questions aux deux fondateurs de ce spectacle bruxellois étonnant. Rencontre avec Jean-Biche et Hollywood Gem.
Avant toute chose, comment pitcherais-tu le concept Bas Nylon ?JB : Je dirais que Bas Nylon est une soirée avec des interventions qui reprend les codes du cabaret. Si nous avions trois règles, ce serait faire rêver / faire rire / faire danser.
Peux-tu m'expliquer comment Bas Nylon est né ?HG : Ça c'est la question à un million d'euro grec: définir l'indéfinissable. Si je me prête au jeu, je dirais que c'est la réunion improbable de personnalités et de personnages de milieux très divers, tous amis, tous amoureux sans limite de la vie, de l'humour et de la beauté. Chaque membre est une pièce d'une bombe complexe qui explose dans un souffle de fascination, y compris pour nous. J'adore regarder les répétitions des autres membres dans mon peignoir Hello Kitty (" chut chut pas de marques " me souffle-t-on à l'oreillette). Et je me marre! Mais avec beaucoup d'émotions aussi, car nous avons un fort lien affectif entre nous, et le public le sent et le ressent aussi. Je pense que Bas Nylon a quelque chose de spécial qui fait que le groupe est bien plus que la somme de ses membres. Il y a beaucoup d'amitié et de sentiments sur scène, et nous aimons partager avec le public.
JB : L'établissement de Chez Maman est venu me trouver un jour pour proposer une soirée mensuelle chez eux. J'avais carte blanche, mais je voulais néanmoins respecter l'héritage du lieu. J'avais alors commencé à appeler des amis puis l'aventure a démarré à toute vitesse.
De 3 fondateurs, vous étiez 22 sur scène en décembre dernier au Beursschouwburg, pourquoi une telle évolution ? Il y a-t-il eu aussi une évolution au niveau du contenu du spectacle...HG : L'instigateur/gourou de Bas Nylon n'est autre que le merveilleux (c'est le mot) Jean-Biche. C'est lui qui est venu me demander si ça m'intéressait de créer avec lui un nouveau concept de cabaret. Avant cela, j'avais créé au début mon personnage de Hollywood Gem comme une blague, une sorte d'anti-drag queen gauche et mal dégrossie dans ce monde nocturne de la beauté. C'était aussi un hommage au milieu car ce qui se passe sur la scène drag queen demande beaucoup de travail (je pense encore à Jean-Biche par exemple), et j'étais l'exemple raté de ce que pouvait donner un homme avec des apparats de femmes. Lorsque Jean-Biche m'a proposé de participer, j'ai trouvé l'aventure géniale! Je savais que nous allions proposer quelque chose de différent. Nous avons en plus commencé dans le mythique bar de Chez Maman, que nous avions rien que pour nous pour un soir par mois. C'était magique. Le public était au rendez-vous et nous nous amusions tellement sur scène. J'y ai appris beaucoup de choses, à partager des mises en scène et de la musique que j'aimais, à travailler en équipe, donner et recevoir sur scène.
JB : Pendant longtemps, Bas Nylon était une famille que j'ai longtemps refusé d'aggrandir. Malgré les invités exceptionnels, les départs et les retours, j'étais très protecteur alors que de très bons artistes se présentaient à moi. Aujourd'hui j'ai compris que si je n'acceptais pas le changement, le projet risquait de s'éteindre. Depuis j'ai ouvert les portes, et je ne le regrette pas même si cela a donné un show totalement différent cette année : on ne peut pas faire le même spectacle à 6 ou à 20 artistes. Peu importe l'évolution du projet, il ne pourra jamais plaire à tout le monde, en attendant nous avons relevé un pari fou avec brio, nous avons vécu une expérience humaine inoubliable, et avons mérité de belles vacances.
Après avoir fait vivre pas mal d'endroits comme Chez Maman, le Théâtre National, Madame Moustache ou encore le Beursschouwburg, ce serait quoi la scène de tes rêves pour y fêter les 5 ans ?HG : Nous avons eu la chance de rallier plusieurs amis et talents à l'aventure. Denis Robert, Angèle Micaux, Marlène Saldana, Guillaume Bordier et Jessica Batut ont rejoint l'équipe très tôt, dès la deuxième édition Chez Maman. Je ne les connaissais pas au début mais ça a été rapidement un coup de foudre d'amitié, et j'adore ce qu'ils font sur scène! Et cette alchimie a de nouveau été bien reçue par le public. Nous nous renouvelions et c'était une bonne chose. Il y a eu aussi des départs, Juriji Der Klee a du travailler pour la sortie de son album par exemple. A l'époque nous faisions une spectacle par mois, ce qui est énorme par rapport à l'investissement que nous mettions dedans, alors que ce n'est qu'un à coté pour chacun. Mais nous aimons tellement Bas Nylon que nous trouvons toujours du temps et de la motivation. Au fil des années, le groupe s'est agrandi, avec pour l'édition 2015 quasi 20 personnes sur scène, avec Valentine Deluxe en invité que nous aimons tant. Les nouveaux membres sont des personnes de talent dont la scène est leur métier pour beaucoup. Ça ajoute encore quelque chose de nouveau et de spectaculaire. Et encore une fois Bas Nylon se renouvelle. J'ai l'impression que nous n'avons pas eu deux éditions identiques depuis presque 5 ans. C'est une des forces de Bas Nylon.
Y aura-t-il une 5ème année de Bas Nylon car je pense, Jean-Biche, que ton avenir est à Paris... Peux-tu nous en dire plus ?JB : Pour être honnête la scène de mes rêves s'appellerait Bas Nylon, puisque je rêve d'avoir mon propre lieu depuis longtemps. C'est de loin mon pari le plus fou, mais je reste lucide : un établissement pareil ne s'improvise pas, c'est un risque énorme et beaucoup de gens y ont laissé des plumes. Et pourtant je ne peux pas m'empêcher d'y penser, surtout au vue de la situation actuelle à Bruxelles : je trouve que la vie nocturne est devenue morne, que le centre-ville se transforme en centre commercial, on est en train de perdre l'âme de la ville, et pourtant un immeuble sur 3 est laissé à l'abandon. C'est un peu dommage non ?
JB : Oui je vais travailler dans un nouveau cabaret qui va ouvrir à Paris, sous la direction de Manon Savary, et de Marc Zaffuto / Emmanuel d'Orazio (Club Sandwich). Le lieu s'appelle MANKO, situé avenue Montaigne sous le théâtre des Champs Elysées. C'est la grande aventure, la consécration ! Je suis très heureux, mais je ne sais pas encore si j'aurai le temps de rentrer à Bruxelles pour organiser Bas Nylon.
Il faut rester confiant : notre équipe est tellement soudée, et le projet est tellement vivant qu'il ne s'arrêtera jamais. Il faut juste attendre que je vive ma grande aventure parisienne et qui sait, peut-être qu'à mon retour j'ouvrirai enfin mon cabaret à Bruxelles ?
On croise les doigts pour qu'un nouveau Bas Nylon prenne vie dans la Capitale belge. D'ici-là, Jean-Biche, promis, nous viendrons te voir et t'applaudir à Paris.
Hollywood Gem, de ton côté, tu as souvent déclaré que tu arrêtais Bas Nylon, mais chaque année tu fais ton comeback. Bas Nylon, c'est une drogue ou les robes te manquent dans ton quotidien ?HG : Alors là, je peux confirmer que me mettre de la merde de maquillage sur la face (même si je remercie le ciel de nous avoir envoyé la talentueuse et charmante Rebecca Flores comme maquilleuse de la troupe, sans qui je ne ressemblerais à rien), me démaquiller en niquant ma peau (sensible), mettre des talons à risque et des perruques suffocantes à 4000°C sous les projecteurs, ça ne me manque absolument pas! Non, si je reviens à chaque fois comme Cher, c'est uniquement pour retrouver les amis de la troupe et aussi surtout le public. Car oui, nous avons la chance d'avoir un public génial. Nous avons déjà fait des spectacles à Paris, mais ce n'est pas pareil. ça me fait bizarre de dire ça parce que je suis un des seuls Belges de la troupe, mais nos spectacles sont très belges dans l'âme. Et le public reste très réceptif. Nous avons de la chance!
Enfin, c'est vrai que j'ai envie de quitter la scène pour d'autres horizons. J'ai envie de m'essayer à d'autres domaines, d'autres défis. Je pense à l'écriture (ne riez pas, c'est sérieux). Mais je ne vais pas abandonner Hollywood Gem ou Bas Nylon pour autant. L'avenir nous dira!