Asa Lanova, née en Suisse et résidant actuellement près de Lausanne, à Pully, s'est passionnée, très jeune, pour l'art de la danse, avant de mettre brutalement fin à sa carrière et de commencer à écrire. Neuf romans à son actif, dont plusieurs édités chez l'excellent éditeur suisse romand Bernard Campiche. Voici une critique de son dernier roman, La Nuit du Destin.
Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant senti happé par un roman. Me sentant au coeur de la ville d'Alexandrie dans laquelle les personnages de ce roman s'entremêlent, je me suis impregné de cette culture musulmane, suivant de près, dans leur ombre, les protagonistes mystérieux de cette histoire haletante, qui, traversant le Ramadan, nous mènent à cette Nuit du Destin, la vingt-septième de la période sacrée.
A son retour dans la ville d'Alexandrie, Anne, genevoise mais égyptienne dans l'âme, se voit submergée par le flot de souvenirs que sa rencontre avec cet homme impressionnant nommé Ismaël lui avait laissé. S'étant confié à elle lors d'une promenade, l'homme lui avait raconté l'amour-passion duquel il émergeait avec peine, et qu'il avait partagé fougueusement avec une femme plus âgée que lui. Ayant brusquement décidé de rompre, elle avait éteint cette ardente flamme dont leur amour immodéré était le combustible. Ismaël s'était intensément lié à cette femme car elle était parvenue à faire fusionner les deux entités qui s'opposaient dans la dualité qui régissait son existence. Sa rupture avec Laylah l'avait éconduit jusqu'à prêter serment à une confrérie aux principes aussi lugubres que fous, Les Aigles d'Osiris, secte masculine aux aspirations d'absolu et de mort, n'ayant de cette dernière aucune peur, et acceptant sa fatalité, son tranchant et sa sentence si tel était le désir du destin. Depuis quelques temps, donc, la maîtrise de soi et la destruction progressive de son égo étaient le crédo d'Ismaël. Mais sa rencontre avec la nébuleuse Violanta, artiste peintre mêlant l'érotisme à la spiritualité, d'une "beauté scandaleuse", le fera trahir ses promesses et, éperdument amoureux de Violanta, Ismaël se résoudra à abandonner les doctrines prônées par les Aigles d'Osiris.
Enquêtant sur cet homme qui la fascine et qu'elle admire infiniment - Ismaël, l'indocile, en quête de "l'Or du temps" et en perpétuel conflit avec son père Soleïman qui le mariera de force avec sa cousine Negma, tombée amoureuse du mari qu'elle n'a pas choisi mais baffouée par ce dernier qui est encore fidèle à la confrérie -, Anne recueille le témoignages passionné de Rhoda, la servante qui s'occupa du jeune homme, lui inculqua ses connaissances mystiques et lui insuffla son amour pour l'apaisement que procure le désert. Anne interroge également le dédale des tombes alexandrines dans lequel elle déambule, cherchant, dans son errance, la vérité sur ce qui s'est réellement passé. Que sont devenus Ismaël et Violanta lorsqu'ils sont arrivés à Alexandrie ? Quelle force a été assez dévastatrice pour délier les liens si puissants de leur amour ? Et, surtout : Les Aigles d'Osiris ont-ils pris la démission d'Ismaël comme une trahison ? Lui tiendront-ils rigueur de son incartade amoureuse ?
Portée par une vague aussi lyrique que romantique, arabisée par les charmes d'Alexandrie, Asa Lanova livre une histoire époustouflante, lui conférant son parfum de secret et de sacré de sa plume si raffinée, de cette expression aux échos délicieusement désuets. Asa Lanova marque par son talent et ses connaissances de la culture arabe, de l'islam et de la cité d'Alexandrie. Mieux que des connaissances, c'est l'amour pour ce riche fragment d'Orient qui donne à l'auteur sa puissance d'évocation et son don d'écrire un livre comme un conte des Mille et une nuits, aux portes du désert.