Petit et Méchant - Blaise Gauquelin

Publié le 11 juin 2008 par Ephemerveille

Voici un roman qui n'a guère fait l'unanimité auprès des critiques. Très subversif, très trash, Petit et Méchant, de Blaise Gauquelin, publié par L'Altiplano, en a choqué plus d'un. Car d'entrée de jeu, l'auteur, jeune français vivant en Autriche, nous propose une scène écoeurante et obscène, un éléctrochoc, comme pour signifier que son roman est écrit au vitriol et que sa violence n'exclut pas quelques aspects pornographiques. D'aucuns se sont insurgés contre ce premier chapitre provoquant et ne sont pas allés au-delà. Ils ont eu tort. Premièrement parce que la suite du roman est tout à fait passionnante, deuxièmement parce qu'ils n'ont rien compris en voyant dans cette originale orgie - abjecte, j'en conviens - la définition même du personnage central, le jeune français Balthazar qui, tout au long de son périple, n'aura été qu'un "lèche-cul", un homme soumis à ces supérieurs qui ne feront qu'abuser de lui, professionnellement, entre autres. Mais cet asservissement malsain prend fin lorsque Balthazar assassine le boss de la chaîne pour laquelle il s'évertuait à faire le nègre. C'est alors que commence son rocambolesque calvaire.

Après un coup de foudre avec Egon, un bel autrichien que Balthazar prend pour un australien, victime de ses piètres notions d'anglais, il s'envole avec lui jusqu'à Vienne et s'installe en ménage avec lui et sa femme, Véra. Il s'accomode très vite à sa nouvelle vie viennoise et commence à se mêler de la politique locale, qui se révèle être des plus désastreuses. L'arrivée au pouvoir du Schmarotzer Branau chamboule la vie politique autrichienne, puisque cet inquiétant acabit de führer prend des mesures drastiques, au nom de son parti baptisé Ö (comme Österreich) à l'idéologie résolument nationaliste. Ce Branau, que Vera et Egon redoutent et abhorrent, rassemble les foules et, grâce à ses puissants discours, parvient à faire accepter au peuple autrichien de briser son appartenance à l'union européenne. Ce qui aoutira à une indépendance presque autarcique de l'Autriche qui verra ses rapports avec les pays étrangers sérieusement compromis.

Après avoir été arrêté en train de tenter de passer la frontière en compagnie de ses étranges concubins, Balathazar purge une peine de sept ans dans un camp de travail, avant d'être forcé d'épouser une femme koweïtienne, et de vivre avec elle dans un petit appartement. La nouvelle organisation stricte et inébranlable du pays encourage Balthazar à se ranger et à ne plus se mêler des esclandres. Mais il en sera tout autrement car, une fois confortablement établi, il subit les assauts d'une ascension sociale hors du commun. Naturalisation, amitié de Branau, dit aussi le Guide et poste important de journaliste, la réussite de Balthazar est telle qu'il accède au sommet de la bonne société viennoise. Mais à quel prix...  car Balthazar, taraudé par un entêtant désir de fuite, apatride, déraciné, doit changer d'identité.

Un roman décapant, haletant, qui, de sa virulence, rappelle au lecteur l'état déplorable de la conjoncture politico-sociale actuelle. Une réalité peut-être trop édulcorée en littérature qui, comme le trace le trait quoique très forcé de Blaise Gauquelin, est composée de vils individus corrompus par les systèmes viciés auxquels ils appartiennent.