Cinq vivants pour un seul mort - Catherine Lovey

Publié le 11 juin 2008 par Ephemerveille

Catherine Lovey est valaisanne. Cette criminologue a publié un premier roman en 2005, L'Homme interdit, aux éditions Zoé. Cinq vivants pour un seul mort, son deuxième livre, est sorti au début de cette année.

Un mort : Markus Festinovitch, brillant homme d'affaires, charmeur, il mène une vie aisée, confortable. Mais un jour, sans crier gare, alors qu'il visite un appartement avec Gabriella, l'une de ses nombreuses amantes, qui'il souhaite quitter lâchement en lui offrant un nouvel endroit où vivre, il se jette d'une fenêtre exiguë. Autour du cadavre, cinq vivants : un groupe d'amis, dont Pierre, l'arrogant associé de Markus, et Jean, au centre du roman, et dont la crise existentielle est déclenchée par ce suicide inopiné. Harassé par sa femme Marion qui semble trouver la souffrance de son mari excessive, abusive, Jean éprouve le désarroi le plus profond. "Plus tu te tais plus je t'entends", lui assène Marion, sans se douter que ses blessantes paroles ne font qu'affecter davantage Jean pour qui la mort de son meilleur ami a eu un effet dévastateur. Et, dépassé par les événements, exaspéré par l'insolence de Pierre, qui fixe la date des funérailles de Markus sans en avertir les autres lui qui a révélé avec autant de désinvolture que Markus vivait sous une fausse identité - son vrai nom était Peterssen-Mink -, Jean s'enfuit, abandonnant Marion qu'il soupçonne d'entretenir une liaison avec Pierre.

Et c'est à ce moment que Jean sombre dans une décadence identitaire incontrôlable. Persuadé qu'il connaîtra l'origine du mal-être de Markus en retrouvant ses racines, il se met à chercher le père de son défunt ami, dans un total déni de sa réelle identité. Il atterrit donc à Helsinki, où Aïda, une femme de ménage altruiste et charitable lui porte secours momentanément, le prenant sous son aile dans les rues enneigées de la capitale finlandaise. Mais l'enquête de Jean ne s'arrête pas là. D'abord effrayé de rencontrer Peter, le frère de Markus, aux funérailles qu'il a désertées, il le retrouve, à Oulu et se fond dans son intimité, malgré sa maladresse, devenant l'oncle spirituel de sa petite fille Eleonor, créant des liens avec elle à cause d'un bête accident.

Dès lors, bringuebalé par l'originale narration de Catherine Lovey qui découpe son roman en trois actes, on assiste à la totale remise en question de Jean qui, se préoccupant exclusivement des turpitudes dans lequelles il s'empêtre, se livre à une pleine introspection. Sans trouver les clefs de son trouble, il parvient à vivre dans un semblant de paix intérieure au milieu d'une forêt, apaisé par la neige qui entoure sa nouvelle petite maison de bois. Résolu à demeurer dans cette glaciale thébaïde, Jean s'éloigne ainsi des frontières de la folie qu'il a, dans son périple, tant de fois failli outrepasser.

De ce style déroutant et déjà étonnamment affirmé, Catherine Lovey, qui aurait tout de même pu éviter quelques longueurs, cisèle un roman totalement éclaté, jouant sur les ellipses qu'elle étire impunément, mêlant froideur et sarcasme, pour un résultat déconcertant, développant ainsi une singularité que l'on hâte de retrouver.