Chroniqué par Coxe
Nous étions animales de Emma Jane Unsworth
Broché : 320 pages
Editeur : Fleuve éditions
Collection : Littératuare Générale
Date de sortie : 11 février 2016
Langue : Français
ISBN : 978-2-265-09922-7
EAN : 9782265099227
Prix : 18€90
Disponible sur Liseuse : NONSon résumé :
Avoir trente ans à Manchester… C’est aller de conférences en vernissages, de bars en karaokés et de karaokés en clubs, dormir dans des buissons et se réveiller avec un poulet rôti entamé à la main dans son lit.Voilà plusieurs années que Laura squatte un placard chez Tyler, sa foldingue de colocataire américaine, croqueuse d’hommes et plus excentrique que n’importe quelle Britannique pur sucre. Enchaînant les fêtes improvisées, Laura cuve le lendemain dans le centre d’appels où elle gagne sa croûte en attendant. En attendant quoi ? De finir enfin son roman, qui avance à trop petits pas. Car Laura Joyce, outre l’alcool et la drogue, vénère Yeats et Pound, et partage avec son homonyme une certaine ambition littéraire – plus velléitaire. Ironie des noms. Ironie de la vie. Pour l’amour, il y a Jim, bien sûr, sobre et sage concertiste. Leur mariage imminent occupe la plupart de leurs conversations – au grand dam de Laura. Cependant, de soirées en lendemains douloureux et hang-over, la fête éternelle commence à perdre son goût d’aventure et d’exotisme. Même l’extravagance de Tyler n’arrête pas cette usure inévitable du temps et soudainement les sirènes de l’âge adulte, de la désintox et (pourquoi pas ?) de la maternité se mettent à résonner aux oreilles de Laura…
Mon avis :
Nous étions animales est le second roman d’Emma Jane Unsworth, un ouvrage qui sera très certainement adapté au grand écran. C’est un livre à l’image de sa couverture ; décalé, absurde, poétiquement incorrect, typiquement anglais. Je ne saurais dire si j’ai aimé ou pas ce livre, mais cette amitié profonde entre deux femmes, enchainant cuites et frasques jusqu’au point de rupture, m’a profondément marqué.
Laura, écrivain à la traîne, auteure d’un demi-manuscrit — Bacon — est la colocataire de Tyler. Tyler, c’est une sauvageonne. Une débauchée lubrique, provocatrice, sans-gêne et sans limite qui entraine Laura jusqu’au bout de la nuit, jusqu’à l’excès. C’est la tentatrice des Paradis Artificiels.
Lorsque Laura parle de se marier avec Jim, un pianiste concertiste, cela modifie le mode de fonctionnement des deux amies. Avec cela arrivent, à l’orée de la trentaine, les questionnements sur son devenir ; Arrêter de boire à outrance, rentrer dans les rangs, fonder une famille.
Tyler rode, à l’affut de ces changements chez Laura, comme si elle sentait la fin proche. Elle les craint et les rejette. Les deux oiseaux de nuit se raccrochent alors à leurs vieilles habitudes en sursis.
Dans ce récit se joue peut-être pour Laura la dernière phase avant le basculement dans l’âge adulte. Mais comment dépasser ce cap lorsque sa meilleure amie, autodestructrice, détachée de tout et hors de contrôle l’entraine encore et encore dans ses mauvais travers ? Et comment reprendre sa vie en main sans ce courage éthylique?
Emma Jane Unsworth, sans retenue et sans jugement, campe rudement ses personnages. Laura et Tyler vivent des situations où le terme gênant devient un euphémisme mais elles gardent pourtant la tête haute, avec énormément d’autodérision. Ce sont justement pour ces raisons qu’on les adore et les déteste, car elles sont terriblement humaines, compliquées, farcies de défauts.
La narration nous plonge dans l’esprit écorché de Laura, dans le soliloque d’un « cœur né brisé ». C’est un personnage honnête sauf avec elle-même, qui livre ses impressions à vif, mais jamais ses émotions. Laura est morose, angoissée, dans l’attente de quelque chose de mieux sans vraiment l’espérer. Et elle éprouve une grande complaisance dans cette situation – entre stratégie d’évitement et « auto-enchantement ». Elle nous prend à témoin, en se consolant, en s’aveuglant dans l’ivresse. Elle y trouve un moyen d’évasion mais l’issue en est bien prévisible : une descente douloureuse à l’image de la lucidité, de la réalité.
Le récit s’étaie par strates, rythmé entre présent et souvenirs anecdotiques. L’auteur nous laisse entrevoir au-delà des pérégrinations de deux copines de beuverie. Nous percevons alors en filigrane l’attachement profond entre deux héroïnes des temps modernes, des survivantes de la jungle urbaine qui marchent à l’instinct. Entre elles, les mots en perdent leur utilité.
Cette absence de communication peut d’abord mettre une distance émotionnelle pour le lecteur. Mais ce lien, cette histoire d’amitié sublime, à demi-mot, vient nous heurter de plein fouet à la fin.
Nous étions animales est une expérience étourdissante, une lecture qui renverse et enivre à la fois. L’écriture est un équilibre entre une prose brute, sensible et un humour corrosif, cru empreint d’une sorte de fatalisme inhérent à notre époque. C’est jubilatoire et pénétrant, introspectif et philosophique.
Nous étions animales fait partie de ces livres qui laissent une étrange sensation de flou, une impression indicible lorsqu’on le termine. C’est un livre où on est forcé de lire entre les lignes et d’y méditer après sa lecture. On le pose et le laisse doucement décanter. Il chemine dans l’esprit afin d’en saisir toute sa dimension, sa quintessence. Les questions existentielles, alors ébauchées, ricochent dans notre for intérieur et y résonnent.
J’ajouterai seulement qu’il ne s’agit pas d’un livre que l’on peut glisser entre toutes les mains pour son abord « indécent » et non censuré!
Chroniqué par Coxe
Nous étions animales de Emma Jane Unsworth
Broché : 320 pages
Editeur : Fleuve éditions
Collection : Littératuare Générale
Date de sortie : 11 février 2016
Langue : Français
ISBN : 978-2-265-09922-7
EAN : 9782265099227
Prix : 18€90
Disponible sur Liseuse : NONSon résumé :
Avoir trente ans à Manchester… C’est aller de conférences en vernissages, de bars en karaokés et de karaokés en clubs, dormir dans des buissons et se réveiller avec un poulet rôti entamé à la main dans son lit.Voilà plusieurs années que Laura squatte un placard chez Tyler, sa foldingue de colocataire américaine, croqueuse d’hommes et plus excentrique que n’importe quelle Britannique pur sucre. Enchaînant les fêtes improvisées, Laura cuve le lendemain dans le centre d’appels où elle gagne sa croûte en attendant. En attendant quoi ? De finir enfin son roman, qui avance à trop petits pas. Car Laura Joyce, outre l’alcool et la drogue, vénère Yeats et Pound, et partage avec son homonyme une certaine ambition littéraire – plus velléitaire. Ironie des noms. Ironie de la vie. Pour l’amour, il y a Jim, bien sûr, sobre et sage concertiste. Leur mariage imminent occupe la plupart de leurs conversations – au grand dam de Laura. Cependant, de soirées en lendemains douloureux et hang-over, la fête éternelle commence à perdre son goût d’aventure et d’exotisme. Même l’extravagance de Tyler n’arrête pas cette usure inévitable du temps et soudainement les sirènes de l’âge adulte, de la désintox et (pourquoi pas ?) de la maternité se mettent à résonner aux oreilles de Laura…
Mon avis :
Nous étions animales est le second roman d’Emma Jane Unsworth, un ouvrage qui sera très certainement adapté au grand écran. C’est un livre à l’image de sa couverture ; décalé, absurde, poétiquement incorrect, typiquement anglais. Je ne saurais dire si j’ai aimé ou pas ce livre, mais cette amitié profonde entre deux femmes, enchainant cuites et frasques jusqu’au point de rupture, m’a profondément marqué.
Laura, écrivain à la traîne, auteure d’un demi-manuscrit — Bacon — est la colocataire de Tyler. Tyler, c’est une sauvageonne. Une débauchée lubrique, provocatrice, sans-gêne et sans limite qui entraine Laura jusqu’au bout de la nuit, jusqu’à l’excès. C’est la tentatrice des Paradis Artificiels.
Lorsque Laura parle de se marier avec Jim, un pianiste concertiste, cela modifie le mode de fonctionnement des deux amies. Avec cela arrivent, à l’orée de la trentaine, les questionnements sur son devenir ; Arrêter de boire à outrance, rentrer dans les rangs, fonder une famille.
Tyler rode, à l’affut de ces changements chez Laura, comme si elle sentait la fin proche. Elle les craint et les rejette. Les deux oiseaux de nuit se raccrochent alors à leurs vieilles habitudes en sursis.
Dans ce récit se joue peut-être pour Laura la dernière phase avant le basculement dans l’âge adulte. Mais comment dépasser ce cap lorsque sa meilleure amie, autodestructrice, détachée de tout et hors de contrôle l’entraine encore et encore dans ses mauvais travers ? Et comment reprendre sa vie en main sans ce courage éthylique?
Emma Jane Unsworth, sans retenue et sans jugement, campe rudement ses personnages. Laura et Tyler vivent des situations où le terme gênant devient un euphémisme mais elles gardent pourtant la tête haute, avec énormément d’autodérision. Ce sont justement pour ces raisons qu’on les adore et les déteste, car elles sont terriblement humaines, compliquées, farcies de défauts.
La narration nous plonge dans l’esprit écorché de Laura, dans le soliloque d’un « cœur né brisé ». C’est un personnage honnête sauf avec elle-même, qui livre ses impressions à vif, mais jamais ses émotions. Laura est morose, angoissée, dans l’attente de quelque chose de mieux sans vraiment l’espérer. Et elle éprouve une grande complaisance dans cette situation – entre stratégie d’évitement et « auto-enchantement ». Elle nous prend à témoin, en se consolant, en s’aveuglant dans l’ivresse. Elle y trouve un moyen d’évasion mais l’issue en est bien prévisible : une descente douloureuse à l’image de la lucidité, de la réalité.
Le récit s’étaie par strates, rythmé entre présent et souvenirs anecdotiques. L’auteur nous laisse entrevoir au-delà des pérégrinations de deux copines de beuverie. Nous percevons alors en filigrane l’attachement profond entre deux héroïnes des temps modernes, des survivantes de la jungle urbaine qui marchent à l’instinct. Entre elles, les mots en perdent leur utilité.
Cette absence de communication peut d’abord mettre une distance émotionnelle pour le lecteur. Mais ce lien, cette histoire d’amitié sublime, à demi-mot, vient nous heurter de plein fouet à la fin.
Nous étions animales est une expérience étourdissante, une lecture qui renverse et enivre à la fois. L’écriture est un équilibre entre une prose brute, sensible et un humour corrosif, cru empreint d’une sorte de fatalisme inhérent à notre époque. C’est jubilatoire et pénétrant, introspectif et philosophique.
Nous étions animales fait partie de ces livres qui laissent une étrange sensation de flou, une impression indicible lorsqu’on le termine. C’est un livre où on est forcé de lire entre les lignes et d’y méditer après sa lecture. On le pose et le laisse doucement décanter. Il chemine dans l’esprit afin d’en saisir toute sa dimension, sa quintessence. Les questions existentielles, alors ébauchées, ricochent dans notre for intérieur et y résonnent.
J’ajouterai seulement qu’il ne s’agit pas d’un livre que l’on peut glisser entre toutes les mains pour son abord « indécent » et non censuré!