C’est l’exercice incontournable du début d’année, un geste innocent qui nécessite des jours de réflexion, de doutes, de changements d’avis constants qui rendent cette liste finale mouvante et le reflet le plus souvent d’un ressenti à un instant précis. J’ai l’impression de le dire chaque année, mais une semaine plus tôt ou une semaine plus tard, cette liste de mes films préférés de l’année aurait pu avoir une tête différente. Plus que jamais peut-être cette année, j’ai hésité à les classer tant je n’avais pas un long-métrage qui s’imposait plus que les autres et que la distance entre chaque film dans mon cœur est des plus courtes. Je me trouve toujours embêté par l’arbitraire que représente un Top 10.
Cette liste prend uniquement en compte les films sortis en salles en France entre janvier et décembre 2015.
Et puisque aucune liste ne me semblait refléter pleinement ce que j’ai préféré au cinéma cette année si elle commençait par un long-métrage, je triche cette année pour exprimer au mieux mon plus grand coup de cœur de l’année.
1.Inupiluk + Le film que nous tournerons au Groenland
Mon film préféré de l’année n’est pas un long-métrage. C’est la conjonction de deux courts-métrages qui ont fait fusionner en moi des émotions et des sentiments inattendus. Une envie de tout, de cinéma, d’écriture, de rencontres, de voyages. Il y a un regard sur les êtres dans ce film qui est une vraie source d’inspiration. Le long-métrage qui sera la suite des aventures des protagonistes sortira cette année. Une websérie existe déjà autour des deux Thomas. Rien ne m’a plus éclaté cette année que de rencontrer ce duo de personnages irrésistible.
2. Mustang
Il souffle sur ce premier film un vent de liberté, de beauté et de rébellion, qui se retrouve dans la mise en scène de Deniz Gamze Ergüven. L’histoire de ces cinq sœurs libres et modernes qui se heurtent à la tradition de la société s’affine et se fait de plus en plus perçant à mesure que le scénario déroule toute sa richesse. Il finit par nous prendre aux tripes et nous émouvoir par le destin de ces jeunes filles auxquelles la jeunesse promet tout avant que la réalité ne s’impose. Mustang est un voyage beau, cruel, touchant, et malgré tout plein de promesses.
3. Hacker
Michael Mann est l’un des plus grands cinéastes américains en activité. Il n’a pas beaucoup tourné ces dernières années, on l’avait peut-être un peu oublié. Et le style visuel qu’il imprime à ses plus récents films n’a pas toujours été heureux. Pourtant il prend avec Hacker tout son sens, techno-thriller qui colle au plus près de l’action et des personnages, glissant à toute allure aux quatre coins du monde et nous plongeant dans son univers avec une grâce rarement atteinte au cinéma cette année. C’est un film d’action idéaliste, épique, romantique et politique que trop peu de gens ont vu.
4. Le Fils de Saul
La vie dans les camps d’extermination nazis n’est pas le sujet le plus évident à porter sur grand écran. Et voici qu’un jeune cinéaste hongrois est “sorti de nulle part” avec un premier film qui a d’emblée raflé le Grand Prix à Cannes, et comment la Palme a pu lui échapper m’échappe encore. Ce n’est pas tant le sujet en lui-même que le regard du cinéaste, et sa façon de filmer le quotidien d’un de ces camps qui s’est imprimé à jamais en moi et m’a fait trembler de tout mon être. Cette caméra à la fois puissante et invisible qui accroche pendant 2 heures notre destin à celui d’un déporté. L’horreur a rarement été filmée avec une telle pression, et une telle intensité.
5. Comme un avion
Il est des cinéastes dont l’univers est un enchantement personnel dans lequel on aime se plonger à chaque rendez-vous. C’est la relation que j’entretiens avec le cinéma de Bruno Podalydès, et son dernier opus confirme la tendance. A son échelle locale, le cinéma de Podalydès est un cinéma d’aventures et de mouvement. Et l’on trouve dans “Comme un avion” cette envie d’ailleurs, cette évasion qui nous fait voyager dans les rêves de personnages singuliers et toujours attachants. C’est une parenthèse enchantée qui tend vers le magique et se teinte de l’amertume de l’éphémère.
6. It Follows
A une époque le cinéma d’horreur était excitant et novateur. Il y a longtemps. Pourtant il arrive encore de temps en temps que des perles rares émergent du genre et s’imposent parmi les plus beaux exemples cinématographiques de leur époque. “It Follows” est de ces films, un modèle de mise en scène, d’atmosphère et d’intelligence, qui puise dans l’héritage de John Carpenter pour en tirer une mythologie fascinante et terrifiante où le sexe est à la fois un mal et un bien. Du cinéma remarquable et jubilatoire.
7. Max Max Fury Road
Depuis le temps que George Miller nous le promettait, ce nouveau Mad Max ressemblait à une arlésienne que l’on n'attendait plus. C’est finalement ce qu’Hollywood a eu de plus beau et de plus excitant à nous offrir cette année. Un grand film d’aventure post-apocalytpique qui sent le sable et la sueur et dans lequel on se trouve propulsé par l’abnégation de son réalisateur, qui a créé là un film à l’univers visuel réaliste par ses effets et du domaine de l’imaginaire et du merveilleux par son gigantisme et son audace. Un tourbillon de fureur et de cinéma comme on n’en espérait plus.
8. Victoria
Cela pourrait n’être qu’un exercice de style frimeur. Un plan séquence de 2h15 qui devient film. Pourtant c’est absolument remarquable. Une espagnole sortant de boîte de nuit à Berlin fait la rencontre de quatre types éméchés et dragueurs, et cette promesse comique laisse soudain place à une aventure noire en temps réel parfaitement haletante. Nous agrippant à chaque minute qui passe, l’audace et la maestria technique de Victoria se met au service du scénario et des personnages. Une expérience cinématographique emballante.
9. Les deux amis
Cela devient une tradition, je n’ai pas de Top 10 sans un film avec Vincent Macaigne et celui-là est une vraie surprise car il s’agit de la première réalisation de Louis Garrel, dont je n’ai jamais été un grand fan comme acteur et qui cette année signe un de mes films favoris et au passage se révèle excellent acteur à mes yeux (il était aussi formidable dans “Mon Roi”). Il tisse ici un film des plus singuliers sur l’amitié, avec l’énergie, les doutes et l’intensité d’une histoire d’amour. Un film dont la simplicité apparente cache une belle richesse cinématographique.
10. Citizenfour
Au-delà même de son sujet passionnant, il y a quelque chose de hautement cinématographique dans le documentaire de Laura Poitras. La réalisatrice esquisse à travers son film, intentionnellement ou non, une redéfinition du film d’espionnage à l’échelle de notre monde. Un suspense intense qui montre que l’imagination la plus folle de Hollywood n’est finalement pas incompatible avec la réalité du monde.
Ils ont manqué le Top 10 de peu et trouvent autant grâce à mes yeux que les films cités ci-dessus :
“La bataille de la montagne du tigre”, pour l’ambition toujours démesurée de Tsui Hark.
“Hard Day”, pour la précision de la mise en scène de séquences irrésistibles.
“Youth”, pour la poésie du cinéma de Paolo Sorrentino.
“Sicario”, pour ce sentiment de danger permanent qui en émane.
“Inherent Vice”, parce qu’il n’y a rien de gratuit ou d’innocent chez PT Anderson.
“Le voyage d’Arlo”, parce que Pixar signe là son meilleur film depuis longtemps.
“Snow Therapy”, pour les questions sur la déréliction de la famille qui y sont soulevées.
“Hill of Freedom”, pour la douce musique du cinéma de Hong Sang-soo
“Notre petite soeur”, pour le regard toujours juste et émouvant de Kore-eda Hirokazu sur ses personnages.“La vie très privée de monsieur Sim”, pour ce portrait d’homme perdu qui ne sait même pas où se chercher.
"Sea Fog", pour la précision du regard sur la vie en mer, et la folie humaine qui guette tout un chacun.