Un film de Paul Greengrass (2013 - USA) avec Tom Hanks, Barkhad Abdi, Max Martini
Prenant.
L'histoire : Djibouti. Après une période de vacances, le capitaine Phillips vient prendre le commandement de son nouveau bateau, le Maersk Alabama. Il s'installe, fait connaissance avec son équipage, règle les derniers détails, fixe l'heure de l'appareillage. Et le bateau file vers son prochain port de destination, longeant les côtes de la Somalie. Prudent. Car on sait les eaux infestés de pirates lourdement armés. Justement, le radar indique deux minuscules taches qui commencent à s'approcher d'eux...
Mon avis : J'ai adoré ce film. Un thriller palpitant, inspiré d'une histoire vraie, porté par l'immense Tom Hanks, qu'on oublie encore totalement tant il est DANS son personnage. Je vénère ce grand bonhomme, décidément..
Mais avant de venir au film proprement dit, je dois dire que je ne peux être totalement objective. Fille et petite-fille de marins, ayant moi-même travaillé plusieurs années "sur les quais" (ne vous méprenez pas... non, je n'étais pas pute...), j'adore la Marine depuis toujours et j'ai failli m'engager. J'ai connu un tas de Capitaine Phillips. Avec leur chemise à galons pour les arrivées et les départs, mais leur bon vieux jean pour la routine du bord ; la responsabilité, l'autorité, la passerelle ; j'ai rencontré des chefs mécaniciens, visité mille fois des salles de machines ; j'ai croisé des matelots, plein de matelots ; j'ai bu des coups avec les officiers, j'ai mangé le couscous à bord de bateaux marocains... Nostalgie. Nostalgie, vraiment. L'une des premières images, du capitaine qui sort de son taxi, regarde "son" bateau, dont il vient prendre le commandement, les dockers qui s'affairent, les grues qui chargent la marchandise... c'est tellement authentique ! J'ai vécu cette scène tant de fois. Nostalgie. J'ai emmené tant de commandants du bateau à l'aéroport, pour rentrer chez eux ; j'en ai récupéré tant d'autres qui quittaient leur famille et arrivaient, comme Phillips, prendre un nouveau commandement. Leur émotion devant leur nouveau bébé, leur nouvel équipage. Nostalgie. Le film rend admirablement bien, de façon extrêmement juste, tous ces moments ; et pas seulement l'arrivée, tout au long de l'histoire aussi. Franchement, j'avais l'impression d'entendre le ronron de la machine, de sentir les odeurs du bord, mélange de fuel... et de bouffe en préparation ; l'huile, le vent et l'iode sur les ponts...
Bref. Rien que ça, évidemment, ça m'a subjuguée. Ensuite, l'histoire est passionnante. On a entendu parler de ces pirates qui sévissent du côté de l'Afrique de l'Est. Mais pas tant que ça. Le danger est pourtant réel, l'histoire est vraie et pas unique. Le film souligne bien aussi "l'historique" de la situation, toujours la même d'ailleurs, quand on y pense, celui qui mène à tous les terrorismes quelle que soit la forme sous laquelle ils s'expriments : des gens misérables qui survivent, des gros tarés qui en profitent pour les transformer (ils n'ont pas le choix, ils n'ont rien à bouffer) en tueurs, d'autant plus faciles à convaincre qu'ils voient toutes les richesses du monde passer sous leur nez... Un enfant affamé. Un gros gâteau auquel il n'a pas le droit de toucher. Un démon qui lui donne une fourchette : vas-y sers-toi, y pas de raison. Tu piques le gâteau, tu me le ramènes et je t'en donnerai un bout.
J'ai vraiment aimé la façon dont Greengrass filmait les pirates. Il ne les juge pas. Ils sont effrayants, ils ont des kalachs, ils ont les yeux exorbités par la drogue qu'ils machouillent, parce qu'ils ont faim, parce qu'ils ont peur aussi... Mais on nous montre bien que ces pauvres gars sont manipulés, très jeunes (entre 17 et 19 ans ici), terrorisés, par l'immense injustice universelle. Fascinant Barkhad Abdi...
Incroyable scène que celle du petit bateau, ballotté par les vagues, si fragile, et pourtant tellement déterminé, approchant inexorablement de l'immense cargo, qui déverse sur lui, pour l'éloigner, des tombereaux de flotte. Et cette petite échelle de métal qui coûte que coûte parvient à s'accrocher au bastingage. Là, nos marins savent qu'ils sont foutus parce que les gars sont armés, et qu'ils ont faim.
Je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui ; si les marins sont désormais autorisés à avoir des armes à bord pour se défendre. Parce que, attendre que la procédure se mette en route (des bateaux militaires qui viennent en renfort sur les lieux), ça prend des plombes !
Suspense, ruses, échecs... un vrai thriller. Et une belle leçon de courage, un vrai capitaine courageux qui jusqu'au bout défend ce qu'on lui a confié : un équipag et un bateau.
Splendide. Réaliste et intelligent. Le film n'a pourtant pas fait un carton : 373.000 entrées en France.
Les critiques sont extrêmement positives. Sauf quelques très rares détracteurs, d'une mauvaise foi évidente, par exemple : "Voilà un bon capitaine (Tom Hanks) qui embrasse sa femme avant d'embarquer. Pendant qu'en Somalie des énergumènes sautent dans leurs rafiots (...) Ils sont haïssables, il faut les éliminer ! C'est le souhait abject que le film crée chez le spectateur" (Télérama). Le propos du film n'est pas du tout "d'éliminer la racaille"... loin s'en faut. Il va bien au-delà. Et je ne vois pas ce que le fait d'embrasser sa femme en partant au boulot est rédhibitoire... Télérama nous prend tous pour des débiles avec des propos pareils. Nous sommes capables de faire la part des choses, tout de même. Bon pas tous, OK...