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Juliette Gréco à La Cigale, Paris, le 18 décembre 2015

Publié le 01 janvier 2016 par Concerts-Review

Juliette Gréco à La Cigale, Paris, le 18 décembre 2015

Juliette Gréco à La Cigale, Paris, le 18 décembre 2015

Le billet de JPROCK :
Gréco la muse de St Germain, Gréco la scandaleuse malgré elle aux amours passionnées , Gréco l'icône en noir qui perpétue avec talent les chansons de Vian, Brel, Gainsbourg, Ferré et tant d'autres.
Gréco encore, Gréco toujours...
A 88 ans Juliette Gréco reprend la route pour ce qui sera sans doute son ultime tournée.
" Pas une tournée d'adieu ! " déclare-t-elle, mais une dernière série de concerts comme une jolie manière de dire merci à son public et merci à la vie.
A cette vie tumultueuse qui lui a apporté son lot de bonheur, et de gloire mais aussi de blessures.
Sans cesse rabrouée par une mère qui n'a pas su l'aimer comme un enfant à besoin de l'être, Juliette est aussi rattrapée par la guerre et se retrouve emprisonnée et interrogée à Fresnes aux mains de la Gestapo lorsqu'elle avait 16 ans. Elle se forge alors par la force des choses une volonté de fer et un caractère bien trempé, parvient à fuir et trouve refuge à Paris dans un milieu d'artistes chez une amie de sa mère où elle côtoie cette jeunesse d'après guerre que l'on surnommera les existentialistes.
Rapidement elle devient la muse de ce courant artistique qui regroupe des écrivains, des musiciens, des chanteurs et des poètes.
Portant les cheveux longs et habillée comme elle peut avec des vêtements d'hommes qu'on lui a donné faute de mieux car n'ayant pas le sou, Juliette crée un style et un mode de vie rebelle un peu malgré elle.
Elle côtoie Boris Vian, Jacques Prévert, Gainsbourg, Ferré, Brel et s'amourache de Miles Davis avec qui elle vit un amour intense mais impossible à une époque où le racisme est terrible surtout aux USA.
Juliette vit intensément un destin qui petit à petit dessinera l'artiste unique qu'elle deviendra.
En 1954 elle donne naissance à sa fille Laurence née de son union avec le comédien Philippe Lemaire dont elle divorcera en 1956.
En amour comme dans sa vie d'artiste Juliette suit son instinct et ses désirs et vit au cours de sa vie d'exaltantes histoires d'amours et de passions.
" Toute ma vie j'ai aimé qui je voulais et plutôt deux fois qu'une...
Il paraît que l'ordre moral revient...
Au nom de quoi ose-t-on juger la vie privée des autres ?
C'est d'une grossièreté insigne. Je déteste le rideau soulevé et l'oeil qui épie derrière la fenêtre." déclare-t-elle.
Aujourd'hui elle partage sa vie avec Gerard Jouannest son pianiste qui fut aussi compositeur et musicien pour Jacques Brel, et cette ultime tournée intitulée " Merci " la conduit partout dans le monde mais, en France, Juliette privilégie des salles qui à un moment ou un autre furent importantes dans sa carrière.
Ce soir c'est à la Cigale qu'elle nous donne rendez vous et bien sûr c'est complet depuis des semaines.
Dès que le rideau s'ouvre la magie Gréco opère.
Fini le pas parfois hésitant d'une dame de trois fois vingt ans, quand elle est sur scène Juliette s'anime d'une force invisible et donne vie à ses chansons magnifiques avec une émotion et un talent inégalés.
On vit un moment de grâce en compagnie d'une des plus grandes dames de la chanson française qui est toujours en pleine possession de ses moyens. Et c'est sans doute pour ça qu'elle désire aujourd'hui tirer sa révérence en nous laissant le souvenir ému d'une énorme interprète, d'une femme libre et anticonformiste qui aura été au bout d'un chemin qui s'est au fil du temps imposé à elle.
" Il faut savoir partir joliment, c'est une question de courtoisie " a- t-elle l'habitude de déclarer lorsqu'on l'interroge sur la finalité de sa tournée actuelle.
Derrière elle sur scène Gérard Jouannest au piano et Jean Louis Matinier à l'accordéon nous transportent au gré des chansons immortelles comme : " Non Monsieur, je n'ai pas 20 ans ! " , " Les Vieux " , " La Chanson des vieux amants " , " Déshabillez Moi " , " J'arrive " , " Il n'y a plus d'après " , " La Javanaise " , " L'Accordéoniste " , " Si tu t'imagines " , " Un petit poisson , Un petit oiseau " , " Jolie Môme " , " Avec le Temps ", " Le contre ecclésiaste " , "Ces gens là " , " Bruxelles " , " Ne me quitte pas ", et " Merci " , un titre inédit écrit spécialement pour la circonstance.
Après une standing ovation de près de cinq minutes, La Gréco revient nous interpréter " Le Temps des Cerises " avant de se faire à nouveau applaudir très longuement et de nous quitter cette fois définitivement après un dernier signe de la main en disparaissant derrière le rideau rouge.
Dans la salle l'émotion est palpable et le silence reste présent quelques instants.
Chacun réalise qu'il vient d'assister à un concert exceptionnel et en ce qui me concerne je sèche discrètement les larmes qui coulent le long de mes joues.
Et je ne suis pas le seul...
Quelques instants plus tard le public constitué d'admirateurs de tous âges quitte la salle.
Boulevard Rochechouart il fait doux, les terrasses des cafés se remplissent petit à petit tandis que tranquillement je regagne mon hôtel le coeur rempli d'un subtil mélange de joie et de tristesse.
J'ai cette curieuse impression d'avoir salué sans doute pour la dernière fois une interprète exceptionnelle dont le talent immense a bercé ma vie en de multiples moments.
Merci Madame Gréco, merci Juliette, je vous dois bien moi aussi ces mercis, et je vous souhaite bonne route.
Nul doute que ce concert de la Cigale n'est en fait qu'un au revoir et nullement un adieu, car vos chansons et vos disques resteront là près de nous à vie, ainsi que les souvenirs de ces jolis moments partagés.
Ainsi va la vie et l'âme des poètes...
PS: la tournée " Merci " de Juliette Gréco a débuté en avant première le 1er mars 2015 à Athènes en Grèce. Elle a ensuite officiellement commencé le 24 avril 2015 au Printemps de Bourges, est passée par Tel Aviv au début mai , à Tadoussac, Montréal , Sherbrooke et Toronto en juin, en Italie et à Anvers en juillet, à la Fête de l'Humanité, le festival de la voix au pays de Dieulefit ainsi qu'Amsterdam en septembre et l'Allemagne et Tours en novembre. En ce mois de décembre elle passe par quelques grandes salles parisiennes (le Châtelet, le théâtre des Champs-Élysées et La Cigale). Puis, la tournée se poursuivra en France au début de 2016 puis ira au Japon en juin 2016.
Texte et photos : Jean-Pierre Vanderlinden aka JPROCK-THE DARK FEATHER.


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