Avec une carte cadeau reçue à Noël j'ai investi sur deux cd de musique enregistrés par un réalisateur de films que je chéris beaucoup: David Lynch.
Lynch, dans son cinéma, fait dans l'extrêmement mystérieux. Dans l'instinct, beaucoup plus que dans le structurellement contemporain. Ce n'est pas un cinéaste pour tous. Sa musique n'est pas non plus pour tous.
Mais quiconque aime son univers, facilement s'y retrouve. Ce que l'on ressent dans les films de David Lynch, on le ressent aussi dans sa zizik.
Qui, je le répète, ne plaira pas à tous. Même si il rappelle à l'occasion Neil Young. C'est parfois, comme ses films, moins une musique qu'un feeling, où David prête sa voix nasillarde à des textes parlés plus qu'à des mélodies. Avec des propos qui parfois ne trouveront que lui pour en comprendre la subtilité.
Le premier album s'appelle Crazy Clown Time et la seule chanson titre pourrait vous rebuter à jamais de Lynch et de son monde. Il y prête une voix haute presqu'insupportable qui rappellerait un clown plus ou moins sain d'esprit.
L'album ouvre sur le seul morceau chanté qui ne portera pas la voix de Lynch, ce sera plutôt celle de Karen O, de la formation des yeah yeah yeah's. Le titre contient le mot "dream" et sur le second album, ce même mot apparaît aussi à deux reprises dans les titres, car avec Lynch, le rêve peut prendre parfois toute la place. Il est vrai qu'à l'écoute de sa musique, on se sent souvent comme en apesanteur entre la réalité et son univers, où il semble chanter du fond d'un roadhouse bar en bois, dans la nuit, au travers d'un modulateur de voix. Avec des effluves des années 50 aussi, où on se surprend à faire des voix arrières qui n'existent que dans notre voiture et dans nos têtes.
Il y a définitivement un effet de surréalisme qui se produit à l'écoute de sa musique, qu'il faudrait idéalement écouter la nuit, dans une voiture, puisque Lynch est lui-même assez passionné des voitures (Ce qui est nettement contraire à moi). pour en prendre toute la mesure et en savourer les meilleurs moments.
En roulant derrière...une voiture blanche (Je ne m'intéresse pas aux voitures je vous dis!) immatriculée P16 ESX, je n'avais en tête que des scènes de sexe porcins puisque j'y lisais Pig Sex. De plus, j'écoutais la pièce Strange and Unproductive Thinking, un morceau que plusieurs trouveront abject, non seulement parce que Lynch y parle "en robot", mais aussi parce qu'il y parle de méditation transcendantale, ce qui peut irriter, je le comprends. J'honorais le titre mentalement.
Sa musique est un peu d'électro-pop, mais c'est aussi tout ce qui éloigne de l'électro et surtout du pop. On ne croira jamais que faire de la musique est son premier métier, faire des films reste son premier métier, mais justement, des dizaines de petits films surréalistes naissent dans nos têtes à l'écoute de ses morceaux dans la nuit. Morceaux, qui, comme ses films, ne suivent aucune logique commerciale, à preuve, sur le second album, The Big Dream, le premier extrait duquel est sorti un (vrai) vidéo est en réalité un morceau qui n'apparaît pas du tout sur l'album. Ce qui confirme l'absence de désir de vouloir franchement commercialiser tout ça.
Lynch lui-même parle de la musique de son premier album comme d'un mélange de "Twang" trempés dans le reverb d'une guitare rouillée et de machines électroniques tordues dans un silo à grain dans une grange.
Blues weird.
Mais Lynch a tant aimé sa première expérience qu'il l'a répété pour The Big Dream, l'autre album que j'ai acheté, qu'il y dresse le même lit dans lequel il nous y couche pour un blues plus assumé encore, incluant une adaptation de The Ballad of Hollis Brown de Bob Dylan. Tout pour me plaire.
Rouler, dans la fatigue qui m'a accompagné fin décembre début janvier, fatigue qui était hors du commun, avec sa musique dans les sens, la nuit, en direction du travail dans l'entrepôt du Vieux-Port, c'était comme voyager dans un épais brouillard qui nous faisait atterrir dans un film de David Lynch.
Avec tout le mystère et la tension fébrile qui s'y trouve généralement.
Ces deux disques étaient de merveilleux partenaires pour le zombie que j'étais alors.
Je reboirai à cette coupe. (Moins exténué. tel que promis)