Solitude

"Une seule chose est nécessaire: la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer, des heures durant, personne - c'est à cela qu'il faut parvenir. Etre seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l'enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s'en affairent et que l'enfant ne comprend rien à ce qu'elle font. S'il n'est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d'être prêt des choses: elles ne vous abandonneront pas. (...) Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays. Dans le monde des choses et celui des bêtes, tout est plein d'évènements auxquels vous pouvez prendre part. Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes: tristes et heureux; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien."

Rilke

Musique de Purcell, parole de la poétesse Katherine Philips, chanté ici par Alfred Deller

 " O Solitude
O solitude, my sweetest choice!
Places devoted to the night,
Remote from tumult and from noise,
How ye my restless thoughts delight!
O solitude, my sweetest choice!
O heav'ns! what content is mine
To see these trees, which have appear'd
From the nativity of time,
And which all ages have rever'd,
To look today as fresh and green
As when their beauties first were seen.
O, how agreeable a sight
These hanging mountains do appear,
Which th' unhappy would invite
To finish all their sorrows here,
When their hard fate makes them endure
Such woes as only death can cure.
O, how I solitude adore!
That element of noblest wit,
Where I have learnt Apollo's lore,
Without the pains to study it.
For thy sake I in love am grown
With what thy fancy does pursue;
But when I think upon my own,
I hate it for that reason too,
Because it needs must hinder me
From seeing and from serving thee.
O solitude, O how I solitude adore! "
Katherine Fowler Philips / mis en musique par Purcell
"Ah, solitude!
Ah, solitude, de mes choix le plus exquis!
Vous, endroits consacrés à la nuit
loins des tumultes et des vacarmes,
quelles délices y trouvent mes pensées agitées.
Ah, solitude, le plus exquis de mes choix!
Ciel! Combien je suis heureux
de voir ces arbres, surgis
dès la nativité du temps
et vénérés dans tous les siècles,
aussi frais et verts aujourd’hui
qu’au premier jour de leur beauté.
Ah, quel plaisir que de voir
ces montagnes suspendues,
alors que les malheureux voudraient qu’elles viennent
mettre fin à toutes les douleurs qu’ils souffrent ici-bas,
quand leur destin les oblige à supporter
des malheurs telles que la mort seule y porte remède.
Ah, à quel point j’adore la solitude!
Cet aspect de l’intelligence la plus sublime
où j’ai appris les leçons d’Apollon
sans les efforts de l’apprentissage.
A cause de toi je suis tombé amoureux
de tout ce que poursuit ta fantaisie.
Mais quand je pense à la mienne propre
je la hais pour la simple raison
qu’elle m’empêche inévitablement
de te voir et de te servir.
Ah, solitude! combien j’adore la solitude!"