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L'annonce de l'exécution imminente de terroristes par le ministère de l'intérieur saoudien était passée inaperçue il y a quelques semaines, notamment en raison de la compagne menée par l'Arabie saoudite contre les groupes terroristes État islamique et al-Qaïda. Le régime saoudien a toutefois profité des dernières exécutions pour éliminer des opposants chiites n'ayant rien à voir avec le jihadisme, ce qui scandalise la communauté chiite du pays et dans toute la région. Le prédicateur Nimr Baqer al-Nimr, opposant virulent à la dynastie des Saoud, était considéré comme une figure de la contestation qui avait éclaté en 2011 dans l'est du pays à majorité chiite dans la foulée des printemps arabes. Il est condamné à mort par décapitation et crucifixion en octobre 2014, pour "sédition", "désobéissance au souverain" et "port d'armes". Son neveu, Ali Mohammed al-Nimr, âgé de 17 ans au moment de son arrestation en 2012, écope de la même peine pour avoir participé à une manifestation, une peine dénoncée par les défenseurs des Droits de l'Homme dans le monde.
Outre la fracture religieuse (l'Iran est chiite, l'Arabie saoudite sunnite), il existe entre les deux puissances du Moyen-Orient une lutte d'influence régionale sur le plan politique, économique, mais également militaire, où les deux pays s'affrontent depuis plusieurs mois sur des terrains étrangers comme la Syrie et le Yémen. La mort du chef religieux vient rallumer la mèche entre Téhéran, qui se positionne en défenseur des intérêts des musulmans chiites dans le monde, et Ryad, qui se veut gardien de l'orthodoxie sunnite la plus rigoriste, où la minorité chiite s’estime souvent marginalisée et harcelée par l’appareil policier.
Les récents événement rappellent le recours arbitraire à la peine de mort dans le royaume saoudien, à la tête du groupe consultatif du Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU en dépit de son pauvre bilan en la matière. Selon un rapport d'Amnesty international intitulé "Killing in the Name of Justice: The Death Penalty in Saudi Arabia" "des centaines de personnes sont condamnées à mort après avoir été déclarées coupables à l'issue de procès iniques par un système judiciaire déficient qui favorise les exécutions judiciaires à grande échelle. Dans de nombreux cas, les accusés ne sont pas autorisés à consulter un avocat et sont parfois reconnus coupables sur la base d'"aveux" obtenus sous la torture ou les mauvais traitements, devenant les victimes d'erreurs judiciaires grossières". Toujours selon le rapport, près de la moitié des exécutions concerneraient des crimes non létaux, et "48,5% des personnes mises à mort depuis 1985 étaient des étrangers, dont beaucoup n'auraient pas bénéficié de services de traduction adaptés durant leur procès et auraient signé des documents - notamment des aveux - qu'elles ne comprenaient pas".
Au moins 175 personnes ont été exécutées entre août 2014 et juin 2015, soit en moyenne une personne tous les deux jours.