Qui a lu mes (quatre!) premiers scénarios sait que le passage à l'âge adulte est mon thème préféré. Si la production française dans son ensemble est bien incapable de le voir (et de le comprendre), la "vingtaine" est un âge passionnant, à mon sens le plus passionnant de la vie. C'est un âge où tout change, un âge en flottement permanent où rien, de l'amour à l'amitié en passant par le boulot, n'est jamais acquis. C'est déjà ce qui avait été très bien montré dans Singles, Reality Bites, Le Lauréat, Frances Ha, Before Sunset, Garden State ou Funny Ha Ha. Désormais, il faudra rajouter à cette liste le merveilleux Tu Dors Nicole. Entre naturalisme et onirisme, le film de Stéphane Lafleur exprime à chaque plan ce flottement, cette incertitude, ce poids indéfinissable qui pèse sur le coeur de Nicole, jeune "vingtenaire" trop mature pour l'adolescence et trop immature pour l'âge adulte. Et le film a la plus belle trouvaille comique de l'année avec le personnage de Martin, jeune garçon qui a mué trop vite.
"La fille avec un cancer" est quasiment devenu un sous-genre du teen-movie grâce à des films comme Now Is Good, Nos Etoiles Contraires et maintenant This Is Not A Love Story. Sauf que ce dernier se distingue énormément de ses deux prédécesseurs (que, par ailleurs, j'aime aussi beaucoup - surtout le premier). Le film n'est pas une romance mais un film sur l'amitié. Et, croyez-moi, ça change tout, du ton aux les thèmes abordés. This Is Not A Love Story est un rare cas de film où l'amitié entre garçon et fille (de la même orientation sexuelle) est traitée sans sous-entendus, ce qui confère au film une fraîcheur totalement inédite. Car le seul film que je connaisse à le faire date de 1989. C'était Say Anything de Cameron Crowe avec la relation de Lloyd et Corey. Bourrés d'inventions visuelles, de punch-lines hilarantes, de personnages magiques (le père testeur de nourritures exotiques, l'apprenti gangsta-rappeur blanc, le prof fan de Pho...) et de tendresse, le film de Alfonso Gomez-Rejon s'inscrit, plus qu'aucun autre, dans la veine de John Hughes (dont il emprunte notamment le sens du burlesque, de la punchline et du naturalisme). Bref, This Is Not A Love Story est un de ces teen-movies qui vous rappellent à quel point l'adolescence est à la fois complètement merdique et totalement géniale. Et la musique de Brian Eno !
Les films en costumes, ça n'a jamais été trop mon truc. J'ai toujours préféré qu'on me parle de mon temps. Je n'étais donc pas particulièrement impatient de voir cette énième adaptation du roman de Thomas Hardy. C'était oublié l'incroyable modernité d'une oeuvre dont l'héroïne a inspiré jusqu'à Hunger Games. Loin de la foule déchaînée est une romance féministe comme on en voit rarement au cinéma. D'autant que Thomas Vinterberg arrive à trouver le souffle romanesque nécessaire à toute bonne histoire d'amour. Bref, c'est lyrique, envoutant, terriblement flamboyant et donne envie de tomber amoureux.
J'étais déjà un grand fan du précédent film de David Robert Mitchell, la chronique adolescente inédite The Myth Of The American Sleepover. J'attendais donc beaucoup de It Follows. Changement de style radical avec cette fois un film d'horreur comme on en fait plus, dans la veine du John Carpenter d'antan. Un film d'horreur d'ambiance qui repose sur la terreur sourde, sur l'invisible. Un film d'horreur sans ironie, terriblement anxiogène qui m'a remué longtemps après l'avoir vu. Mais It Follows est aussi (et surtout) un vrai film sur l'adolescence, ses angoisses, ses non-dits. Finalement, un film pas si différent de The Myth Of The American Sleepover.
Un film coréen ne m'avait pas enthousiasmé à ce point depuis l'âge d'or de sa nouvelle vague, au milieu des années 2000 quand Old Boy, A Bittersweet Life, Memories Of Murder ou Locataires avaient atterris sur les écrans français. C'est d'abord l'extrême sophistication scénaristique qui m'a complètement halluciné. Le film oscille entre film social, mélodrame, thriller et film d'horreur sans jamais qu'aucun genre ne parasite l'autre. Au contraire. Chacun enrichit l'autre. Avec sa mise en scène soignée et ses acteurs de haute voltige, Sea Fog devient une grande leçon de cinéma populaire, un film hyper-divertissant qui n'oublie jamais de livrer son message. Juste brillant.
Michel Gondry n'est jamais aussi à l'aise avec la narration d'un long-métrage que lorsqu'il est bridé dans ses moyens. Dès qu'on lui offre un budget confortable, de Eternal Sunshine Of The Spotless Mind à L'Ecume des Jours, le réalisateur part dans tous les sens, dans des délires qui ne sont pas ceux d'un cinéaste avec une histoire à tenir mais ceux d'un gosse dans un magasin de jouets. Au contraire, comme dans le road-trip en huit-clos The We & The I, Microbe et Gasoil rappelle le talent inné de Gondry pour observer et saisir les détails - en particulier chez les adolescents. Microbe et Gasoil est frais, drôle, bourré de références, tendrement allumé et finalement très mélancolique et émouvant (cette fin !).
Et dans le désordre, des films qui ont fini à la porte de ce top : Victoria de Sebastian Schipper, Hacker de Michael Mann, Inherent Vice de Paul Thomas Anderson, Tokyo Fiancée de Stefan Liberski, Mad Max Fury Road de George Miller, Love & Mercy de Bill Pohlad, Ricky & The Flash de Jonathan Demme.