Ces chercheurs du département de chirurgie plastique de l’Université de São Paulo nous proposent un examen de la littérature sur la première phase nécessaire au processus de cicatrisation des plaies, la réduction ou le contrôle de l’inflammation. Réduire le processus inflammatoire lié à la cicatrisation permet en effet d’accélérer la guérison, en particulier des plaies chroniques et d’améliorer l’aspect final de la cicatrice. Un état de la science, à lire en détails, dans l’International Journal of Inflammation.
Inflammation = cicatrice : Certaines blessures ou plaies cutanées ne vont pas progresser vers une cicatrisation normale mais vont déclencher un processus inflammatoire qui peut même conduire à une évolution ulcéreuse (Ulcère de Marjolin). De nombreuses plaies chroniques sont ainsi le résultat de cette inflammation chronique. Si les plaies fœtales guérissent rapidement et sont caractérisées par l’absence d’inflammation, le développement de l’inflammation dans des plaies normalement exemptes de cicatrice entraine la formation d’une cicatrice et la réduction de l’inflammation dans les plaies post-natales peut réduire les cicatrices. On l’aura compris, inflammation et cicatrice sont associées.
Les 3 phases de » réparation » de la peau:
– une phase inflammatoire initiale,
– puis une phase de prolifération / réparation
– puis une phase de remodelage, qui aboutit à la formation de cicatrices :
1. en réponse à la lésion tissulaire, les cellules inflammatoires sont recrutées au lit de la plaie et cette réponse inflammatoire aiguë est suivie
2. par la prolifération de fibroblastes, des cellules responsables de la synthèse du collagène et de la formation de la matrice extracellulaire. Les fibroblastes peuvent se différencier en myofibroblastes, responsables du dépôt de collagène et de la contraction de la plaie.
3. La cicatrice se forme à la suite de l’accumulation de la matrice extracellulaire. Malgré cette phase de remodelage, la structure normale de la peau n’est pas totalement réparée, seuls 70% de la résistance à la traction sont récupérés.
Le stade précoce de l’inflammation, une période critique du processus de cicatrisation de la plaie : cette phase est en effet essentielle pour lutter contre les bactéries environnantes et pour créer un environnement propice à la cicatrisation. Au cours de cette phase inflammatoire, les leucocytes infiltrent le site, éliminent les » déchets » (caillots et cellules blessées), libèrent les facteurs de croissance et des cytokines. Ces facteurs de croissance et ces cytokines déclenchent la phase de prolifération. Les cellules épidermiques migrent alors, prolifèrent pour combler le lit de la plaie. La réponse des leucocytes et des macrophages est donc essentielle pour la cicatrisation.
Mais comment conjurer l’inflammation chronique dans le soin des plaies cutanées ?
La cicatrisation humide : Un environnement humide promeut la réépithélialisation et favorise une diminution de la formation de cicatrices plus qu’un environnement sec. Il permet de réduire la réaction inflammatoire donc de limiter le risque de chronicité ou de complications. Cette approche moderne de la cicatrisation en milieu humide -introduit dans les années 1960 par Winter-a d’ailleurs favorisé la mise sur le marché de la large gamme de pansements humides, dont les hydrocolloïdes qui absorbent le fluide de la plaie sous un pansement semi-occlusif, des mousses, des alginates et des pansements hydrogels. La contribution de ces dispositifs a été démontrée dans la prise en charge des ulcères diabétiques et la gestion des sites donneurs de peau. Bref, la cicatrisation en milieu humide en réduisant l’inflammation permet aussi de réduire la cicatrice résiduelle.
Les sutures chirurgicales qui consistent à rapprocher les berges de la plaie vont, elles-aussi permettre, en réduisant la surface de la plaie soumise au processus de cicatrisation, de réduire la phase inflammatoire et les cicatrices. Alors que les fils de suture déclenchent, en tant que corps étrangers, une réponse immunitaire locale, le degré d’inflammation induite va varier en fonction de leur composition. Cependant, en dépit de nombreuses études, la supériorité clinique d’une composition spécifique n’est pas établie.
Les médicaments ou suppléments sont parfois à envisager en cas d’inflammation chronique. Les auteurs passent en revue :
· la curcumine, aux propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes, testées chez les rats diabétiques,
· La supplémentation en protéines comme celle du lactosérum qui démontre un effet amélioration de la fermeture de la plaie et restauration des cytokines anti-inflammatoires, chez l’animal.
· Les nutraceutiques, comme certains bioflavonoïdes qui ont montré des effet anti-inflammatoires et antioxydants dans la prise en charge de l’ulcère vasculaire chronique.
· La neurotensine (NT), un peptide produit naturellement dans le cerveau, agit comme un modulateur inflammatoire dans la cicatrisation des plaies.
· La thérapie photodynamique (PDT) améliore la cicatrisation des plaies d’excision, avec néanmoins un mécanisme qui reste incertain.
· La doxycycline, un antibiotique de la famille des tétracyclines a montré sa capacité à améliorer la cicatrisation des ulcères veineux chroniques.
· L’infliximab, un anticorps monoclonal qui se fixe au facteur de nécrose tumorale-alpha (TNF-α) et donc inhibe l’activité du TNF-α, en application locale peut accélérer la guérison des ulcères chroniques.
Parmi les dispositifs, les pansements à l’argent ont démontré des propriétés à la fois anti-inflammatoires et antimicrobiennes à large spectre.
Les technologies : les auteurs passent en revue :
- la neurostimulation électrique transcutanée (TENS) a été documentée comme pouvant accélérer la guérison des plaies chroniques chez des sujets humains, notamment en augmentant le taux d’épithélialisation des plaies et la contraction.
- L’oxygénothérapie hyperbare contribue également à la cicatrisation des plaies en livrant de l’oxygène dans le lit de la plaie aux cellules non cicatrisées. Son efficacité a notamment été démontrée dans le traitement de l’ulcère.
- La thérapie par pression négative (TPN) est de plus en plus largement utilisée pour faciliter la guérison des plaies aiguës et chroniques. La thérapie fournit un environnement humide pour la cicatrisation des plaies, augmente le bourgeonnement, réduit l’œdème, stimule l’angiogenèse et le flux sanguin vers les berges de la plaie.
Biomatériaux et thérapie cellulaire : L’utilisation de substituts acellulaires et dermiques en ingénierie tissulaire devient de plus en plus systématique. Il a été démontré que les » matrices dermiques » et autres systèmes de livraison de cellules souches permettaient d’optimiser la régénération des cellules souches mésenchymateuses et d’améliorer la cicatrisation des plaies cutanées. Cependant ces substituts n’ont pas encore permis d’atteindre un résultat qui se rapproche de la peau indemne. Si on attend encore beaucoup des substrats biomimétiques et bioresponsives, l’ingénierie tissulaire et la médecine régénérative se sont déjà montrées prometteuses dans le traitement des plaies problématiques.
Quelques cas particuliers : Enfin, les chercheurs attirent l’attention sur l’importance de juguler l’inflammation dans la prise en charge de plaies spécifiques, comme,
Øles plaies diabétiques : la réduction / l’interruption de l’inflammation persistante et l’élimination des radicaux libres par l’introduction d’agents anti-inflammatoires et antioxydants dans le traitement de ces plaies peut être une stratégie importante pour améliorer leur cicatrisation,
Øles plaies vasculaires, dont l’ulcère veineux chronique : il s’agit là de réduire la colonisation microbienne critique et l’infection précoce localisée, l’un des obstacles les plus importants à la fermeture de ces plaies.
ØLes radiodermites liées à la radiothérapie : l’utilisation de divers facteurs de croissance, de l’oxygénothérapie hyperbare et des cellules souches peut venir à bout de leur chronicité et contribuer à leur guérison.
Le processus de cicatrisation des plaies, certes complexe, est de mieux en mieux compris et accompagné, voire dirigé, grâce à de nouvelles stratégies, de nouveaux dispositifs et médicaments qui contribuent non seulement à contrôler l’inflammation, accélérer la cicatrisation et aboutir à une meilleure cicatrice finale.
Source: International Journal of Inflammation Doi : 10.1155/2015/316235 Curbing Inflammation in Skin Wound Healing: A Review (Visuels Paul Hartmann)
BRÛLURES GRAVES: Des cellules autologues en plus pour une meilleure cicatrisation–