La peau perméable aux nuits
Cédric Le Penven fait de ces moments de veille en dehors du temps régulier la source du merveilleux
ce chapelet de métamorphoses vers l’absolu
Le monde est en tension à partir des menaces symboliques de cauchemars quotidiens
Les cercles concentriques d’un rapace se resserre autour de la gorge
jusqu’à la paix et la tendresse de la femme endormie à son côté, avec le rêve et la promesse pour passerelles. La poésie naît de l’obscurité, de l’enfermement dans le dialogue intérieur du silence et de la nuit. Elle suinte par tous les pores du ciel étoilé. Souvent l’image vient des paumes, des mains, comme argile du potier :
Les noyés s’endorment dans le pli de leurs paupières
Parfois aussi la colère, véhémente, transperce les draps de l’aube.
Après la nuit de peu, viennent les aveux. Et d’abord la claire conscience de succéder à une lignée de poètes majeurs, désignés familièrement par leur prénom : Paul Guillaume Arthur et Thierry, et d’écrire dans leur sillage écumant. Avec un léger lyrisme qui provoque le frisson du lecteur, dans trois directions essentielles :
la liberté :
Je m’étonne encore souvent
que ces mains s’agitant devant moi
soient le prolongement de cette voix intérieure…
l’amour :
je t’aime tu es ma belle nous avons le temps
ces mots ridicules lorsqu’ils sont écrits
si troublants lorsqu’ils sont vécus
et l’espoir.
Il y a une très grande humanité chez Cédric Le Penven, qu’il parle de l’enterrement de son grand-père ou de sa nièce de trois ans, on reste dans l’émotion posée et l’empathie naturelle, pour les gens alentour, simplement. Cette attitude bienveillante est d’autant plus marquante qu’elle ne s’accommode de nulle faiblesse et bien au contraire fait montre d’exigence et d’acuité.
Il existe un territoire au fond de la rétine
où jamais les coups ne feront ployer
la fixité du regard
C’est exactement dans cette droiture que se situe la poésie de Cédric Le Penven.
Cédric Le Penven, Nuit de peu, Tarabuste, 2015, 13€
Jacques Morin