Quand on est amateur d’histoire de l’art, et a fortiori quand on l’a étudiée de longues années…le Louvre, on connaît! La pyramide, le Carrousel, le hall immense toujours bondé, les Noces de Cana, les antiquités égyptiennes, la Victoire de Samothrace qui fait coucou en haut du grand escalier en agitant les moignons d’ailes qui lui restent, et je ne parlerai même pas des hordes de touristes qui encerclent la Joconde protégée derrière sa vitre blindée…
Tout ça, ce sont désormais des classiques pour le Rat, même s’il a toujours plaisir à retourner de temps en temps sur les traces de ses premières amours.
Aujourd’hui, pour changer un peu, je vous propose un détour par le Louvre-Lens, la belle antenne du célèbre musée parisien. Lens, c’est une ville du Nord, typique du bassin minier : des terrils tout autour, de la brique, des fins de mois difficiles, des ciels souvent gris. Et pourtant, ce serait tellement réducteur de s’arrêter là! Le Nord-Pas-de-Calais est une région extrêmement riche, avec plus de 200 musées ; même si tous ne se valent pas, les moyens mis en œuvre y sont importants et concrets, et j’ai bien l’intention de vous le démontrer dans ce blog.
Dans le choix de Lens, c’est l’attrait économique qui a pesé dans la balance : l’autre Louvre, qui a ouvert en 2012, a déjà drainé des centaines de milliers de visiteurs, notamment au travers de ses expositions temporaires. Malheureusement, le Rat s’est rendu à Lens entre deux expos, et n’a pas pu juger du travail de mise en scène que beaucoup trouvent très qualitatif. Ce sera pour une prochaine fois, promis!
Première remarque, dès l’arrivée : c’est beau, et c’est calme, presque trop peut-être. On s’approche de ce vaisseau de verre aux reflets changeants avec une sorte de timidité, mais on y rentre sans presque s’en apercevoir, tant la transition est fluide entre la nature sobre et les murs transparents. A l’intérieur, le hall au sol de béton ciré accueille la cafétéria et la boutique, ainsi qu’un centre de ressources. Tout est lisse, épuré, clair et lumineux sans être aveuglant.
On optera tout de suite pour le sous-sol, afin de découvrir les fameuses Coulisses dont on a tant parlé dans les médias. Je dois avouer que j’ai adoré ce préambule, notamment les grands écrans tactiles, les plateformes regorgeant d’informations (super vidéos explicatives, excellente utilisation des nouvelles technologies) et surtout l’espace de découverte des réserves. Depuis notre poste d’observation légèrement en surplomb, derrière de grandes parois vitrées, nous avons ainsi pu assister au dépoussiérage d’une momie de crocodile du Nil…il y a de quoi se sentir privilégiés!
On émerge ensuite de ce cocon si douillet pour un Rat de Musée comme moi…et on part découvrir la Galerie du Temps. L’enjeu ici va être d’exposer, dans une immense salle tout en longueur, des pièces significatives, voire majeures, de l’histoire de l’art. La présentation est chronologique, et vise avant tout à faire « dialoguer les œuvres entre elles ». Pari réussi pour certaines périodes, même si pour d’autres, les analogies sont moins évidentes.
L’œil du Rat :
Ce qui frappe d’abord, ce sont les dimensions de la salle : il y a tellement d’œuvres…et tellement peu de cloisons! Tout est supposé acquérir du sens sous le regard et au fil de la promenade du visiteur ; les partitions sont donc purement contextuelles, et n’existent que si on les visualise. On se balade au milieu des statues, et, sans gêne, on tutoie les chefs d’œuvre…les contraintes muséales qui s’estompent (peu de vitrines, pas de barrières, des socles à hauteur) offrent une liberté inespérée, d’autant plus que les cartels eux aussi se font discrets et permettent de prendre un peu de distance. La déambulation est ainsi, dans un premier temps, totalement esthétique. Quand on s’intéresse aux contenus, toutefois, ils se révèlent clairs et cohérents ; l’audioguide à disposition à l’accueil du musée permet d’approfondir, mais il est loin d’être nécessaire pour une première visite, à mon sens.
J’appréhendais un peu le passage d’une aire culturelle et d’une époque à une autre, j’avais peur de me perdre dans ce fouillis…mais finalement, l’enchaînement est fluide et le rythme de visite n’est pas aussi heurté qu’on aurait pu le craindre.
Côté médiation, une chouette innovation à signaler, avec les « Impromptus » : des œuvres signalées par de petits macarons sont commentées à des heures précises par des guides-animateurs, pendant une dizaine de minutes en moyenne.
Enfin, le Rat s’est fait petite souris pour se mêler à un groupe d’enfants guidé par une jeune médiatrice ; autour du thème de la représentation humaine dans l’histoire de l’art, sujet pourtant un peu épineux, les petits ont pu se familiariser avec un Égyptien hautain, un Enfant-Jésus tout potelé et souriant et une Gisante impassible, le tout en quelques minutes, appuyé par des anecdotes et des croquis.
Enfants comme adultes circulent avec aisance au milieu des collections, ce qui est vraiment très appréciable : finie la crainte de s’exprimer ou de s’approcher trop près des œuvres, terminés les « Ne pas toucher » ultra-dissuasifs…ouf, il était temps!
Après les magnifiques découvertes de la Galerie du Temps, il nous reste à cheminer dans le Pavillon de Verre, qui accueille trois très beaux espaces d’expositions temporaires, sous forme de « bulles ».
Le + du Rat :
Dans la Galerie du Temps, les belles œuvres sont légion. Il faut donc avoir au minimum deux heures devant soi pour s’arrêter un peu devant chacune. Ne pas manquer les revêtements muraux iraniens, et les autres témoignages de l’artisanat islamique, ce sont de pures merveilles.
En sortant, savourez donc un chocolat ou un café bien chaud en parcourant les allées du parc…et n’oubliez pas de vous retourner une dernière fois pour saisir, dans les parois de verre, le reflet des rayons du soleil déclinant.