07 janvier 2016
Je l'ai annoncé il y a à peine quelques heures, j'ai eu un vrai coup de coeur pour le film "La fille du patron", qui est sorti dans les salles hier matin, et j'avais envie de soutenir cette sortie-sur peu d'écrans en tout cas dans ma région lyonnaise- en allant poser quelques questions à son réalisateur, le comédien Olivier Loustau, qui pour sa première expérience de cinéaste, tape largement dans le mille avec cette belle chronique sociale et ouvrière.
Le jeune cinéaste est venu présenter son film en décembre dernier au Comoedia, ce fut donc l'occasion de lui poser une bonne dizaine de questions liées à ce beau projet nettement assumé, pour une toute première itw de l'année, qui je l'espère en appellera des tas d'autres. Une interview dans laquelle Olivier Loustau fait part de sa grande dtermination et de ses choix de direction artistique pleinement revendiqués :
Baz'art :Toujours par rapport à Abdellatif Kechiche avec qui vous avez tourné à quatre reprises, on a la nette impression en voyant « La fille du patron » que c’est un cinéma qui vous a beaucoup inspiré pour votre réalisation, notamment dans la captation des scènes de groupe. Revendiquez-vous l’influence que cet immense metteur en scène a eu de manière plus ou moins consciente chez vous ? Olivier Loustau: Bien sûr, je me revendique de l’école Kéchiche! Sans faire offense à d’autres metteurs en scène avec qui j’ai beaucoup aimé travailler —je pense à Bertrand Tavernier, Nicole Garcia ou Boukhrief, Abdellatif est le plus talentueux directeur d'acteurs avec qui j’ai tourné. Celui qui vous emmène le plus loin, qui ouvre des portes dont vous ignoriez l’existence… Alors, oui, je l'assume pleinement: je me suis inspiré de ce que j’ai appris avec lui, en particulier, le fait de placer le jeu des acteurs au centre de tout, de faire en sorte que la technique s’adapte à la comédie et non l’inverse. Pour La Fille du patron, nous avons répété, en amont du tournage, puis, sur les décors et les acteurs étaient libres de proposer, dans un certain cadre, ce qui leur passaient par la tête...
Baz'art :Dernière question sur votre relation à Kechiche, on lui prête une exigence redoutable sur un tournage, que ce soit à l’égard de l’équipe technique ou des acteurs. Avez-vous également conservé cette même approche ou bien votre personnalité vous pousse à plus de souplesse, notamment dans la façon de diriger vos acteurs ? Olivier Loustau: Kéchiche place, pour tout le monde, à commencer par lui-même, son degré d’exigence à un niveau rarement atteint. Mais j’aime travailler avec lui, sa conception non conventionnelle du cinéma, son humilité dans la quête de l’instant de grâce, sa démesure d’artiste...Je n’ai pas cherché à reproduire ce que j’avais compris de son fonctionnement, mais plutôt à m’en affranchir. Si vous me posez cette question, c’est que je n’ai peut être pas tout à fait réussi…
Baz'art : Ah non,rassurez vous, il n'y avait aucune allusion malveillante dans cette question, bien au contraire ( rires)... On avait une autre question par rapport à la thématique générale du film : le cinéma français a pas mal abordé ce thème des rapports humains en entreprise ces dernières années, surtout depuis une dizaine d’années et notamment « Ressources Humaines » de Laurent Cantet, auquel on pense pas mal ; les deux films possédant quelques similitudes dans le scénario. Aviez- vous en tête cette référence (ou d’autres) pendant l’écriture de votre scénario et comment avez-vous réussi à vous en affranchir ? Olivier Loustau : Non, à vrai dire, je n’avais pas Ressources humaines en tête, même si j’aime beaucoup le film et les rapports de classe ainsi transposés à l’intérieur d’une famille . Je louchais plutôt du côté du réalisme poétique, des comédies italiennes ou du cinéma britannique qui mélangent allègrement conflit social, humour et love stories. Baz'art :Toujours concernant l’écriture du film, quels ont été les principaux écueils à éviter concernant l’histoire d’amour, qui occupe une bonne partie de l’intrigue du film ? Supprimer toute scène potentiellement trop mièvre pour réussir à rendre tangible une romance entre deux personnes totalement différentes sur tous les plans ?
Olivier Loustau : Le film s’est écrit en plusieurs étapes. Après un long exercice solitaire, j’ai travaillé avec Bérénice André, reine du contrepied, avec qui nous avons mis en place la structure du scénario et nous sommes efforcés de rendre cette histoire d’amour crédible tout en évitant le pathos. Puis, avec Agnès Caffin, j'ai apporté les derniers réglages et soigné ce qui lie les deux personnages. Ensuite, l’histoire d'amour s’est écrite, lors du tournage, avec Christa dans cette zone d’intimité si particulière qui n’appartient qu’aux acteurs. Et, enfin, au montage, avec Camille Toubkis et son oeil aiguisé... Baz'art :On ressent aussi de manière plus générale que vous avez particulièrement soigné l’écriture de votre scénario, évitant le manichéisme des situations et des personnages, notamment celui de la femme de Vital qui n’est jamais chargé. Était ce pour vous un enjeu essentiel pour la crédibilité du projet ?
Olivier Loustau : Bien sûr. il s’agissait de restituer la complexité des situations et non pas de
Olivier Loustau :Je n’ai pas écrit, du moins consciemment, ce rôle pour le jouer. D’autant que jouer et réaliser me paraissait pharaonique. Nous avons cherché un acteur durant plus d’un an et essuyé de nombreux refus.
Depuis le début, Patrick Grandperret qui a produit un de mes courts métrages et à qui j'ai parlé très vite du projet, me répétait que j’étais le personnage. Quand Lisa Azuelos puis Julie Gayet, les productrices du film, ont abondé dans son sens, j’ai arrêté de me dire que c’était difficile mais plutôt cherché à trouver la bonne manière de procéder. Parce que, bien sûr, comme vous le dites, ce Vital est un magnifique personnage et qu’il s’agissait d’un cadeau. Dès lors, aidé de Virginie Montel, la directrice artistique, et de Ludovic Giraud, le premier as désigner tel ou tel coupable. Ni le patron, ni le syndicat ni l’épouse délaissée. Vital, le personnage principal du film, que j'incarne, comme Mado d'ailleurs que joue Crista Théret, est responsable de la déliquescence de son couple mais, entre eux, subsiste beaucoup d'amour.Là aussi, il faut louer l’incarnation de Florence Thomassin, son glamour, sa gravité et cette blessure profonde qu’elle apporte au personnage. Baz'art :Vous qui avez joué au cinéma avant tout des seconds rôles, vous tenez dans votre premier long métrage votre « premier » premier rôle, un rôle tout en nuance et finesse. Est-ce que tourner un film a été également pour vous l’opportunité d’avoir enfin un beau personnage à camper au cinéma ou bien jouer dans votre film n’était pas vraiment prévu au départ mais que cela a facilité pas mal de choses, notamment dans la cohésion du groupe..Olivier Loustau : Je n’ai pas écrit, du moins consciemment, ce rôle pour le jouer. D’autant que jouer et réaliser me paraissait pharaonique. Nous avons cherché un acteur durant plus d’un an et essuyé de nombreux refus. Depuis le début, Patrick Grandperret- producteur d'un de mes premiers courts métrages à qui j'ai vite parlé de ce projet me répétait que j’étais le personnage. Puis Quand Lisa Azuelos puis Julie Gayet, les deux productrices du film, ont abondé dans son sens, j’ai arrêté de me dire que c’était difficile mais plutôt cherché à trouver la bonne manière de procéder. Parce que, bien sûr, Vital est un magnifique personnage et qu’il s’agissait d’un cadeau. Dès lors, aidé de Virginie Montel, la directrice artistique, et de Ludovic Giraud, le premier assistant, je me suis jeté à l’eau. Et il est vrai qu’animer cette belle troupe d’acteurs de l’intérieur était très cohérent.
Baz'art :Est-ce un projet qui a été dans l’ensemble facile à financer ou bien, malgré le fait que le cinéma français se confronte de plus en plus à une veine sociale ces derniers temps, vous avez eu beaucoup de difficultés à convaincre les investisseurs du bien fondé de votre film ? Olivier Loustau :Oui, on peut dire que le film a été difficile à financer et sans l’obstination de mes productrices, il n’aurait pas vu le jour. Peut être parce qu’il allait à l’encontre de ce que les investisseurs attendaient de cette veine sociale, justement.
Baz'art : Le film touche aussi par la véracité des scènes de rugby qui sonnent parfaitement justes, alors qu’on sait que le sport en général est peu cinégénique. Comment avez-vous réussi à rendre ces scènes- les matches mais aussi les avant matches et les troisième mi temps*- aussi authentiques ? Olivier Loustau : Là encore, nous avons travaillé. Avec les acteurs d’abord, qui se sont entrainés deux mois avant le tournage, en région parisienne puis sur place, puis avec Crystel Fournier, la chef opératrice pour trouver la grammaire adéquate, pour être au coeur de la mêlée. L’équipe était également composée d’acteurs —dont Stéphane Rideau, toujours rugbyman, et de joueurs du club de Roanne. Les rugbymen ont montré la voie et l’alchimie s’est faite.
Baz'art :Votre casting touche par le beau duo que vous formez avec Crista Théret mais aussi beaucoup grâce à vos acteurs secondaires composés pour certains acteurs phares des années 90 qu’on voit moins sur les grands écrans, comme Stéphane Rideau, Florence Thomassin ou Moussa Maaskri,… Est ce un choix revendiqué et assumé de votre part de donner des beaux personnages à ces acteurs un peu sous-estimés par le cinéma français ? Olivier Loustau :Oui, j’ai toujours considéré que la richesse du cinéma français a longtemps reposé sur ses seconds rôles, sur de vraies gueules et souhaitais travailler avec des acteurs que j’apprécie et trouve largement sous employés : Florence Thomassin, bien sûr, mais aussi Stéphane Rideau, Vincent Martinez, Pierre Berriau, Ludovic Berthillot ou Lola Duenas...
Baz'art : Plus qu’au cinéma social de Ken Loach ou des Dardenne, on pense, outre aux références Kechiche et Cantet déjà citées, au cinéma néoréaliste italien, particulièrement dans votre manière de traiter avec pas mal d’humour et de bonne humeur des sujets graves… Est-ce que vous revendiquez totalement cet héritage du cinéma de Scola ou de Risi ?
Olivier Loustau : Merci d’y faire référence. J’ai toujours été un fan de ces films où l’on rit avant de s’apercevoir qu’il s’agit d’un film grave. Alors Scola ou Risi, évidemment, mais aussi Mario Monicelli, Pietro Germi, Elio Petri ou, aujourd’hui, Daniele Luchetti...
Baz'art :Enfin, voici ma dernière question : Est-ce que cette première expérience vous a en définitive donné envie de vous remettre le plus vite à la tache ? Et si oui, avez-vous déjà en tête un nouveau projet de long métrage ou attendez vous de voir comment le public va recevoir ce film avant de songer de manière plus concrète à un second long ? Olivier Loustau: En fait, j'ai écrit la première version d’un nouveau scénario et ai hâte de me remettre au travail. Je suis un vieux "jeune réalisateur », il faut que je rattrape le temps perdu..
Baz'art :Un grand merci à vous d'avoir pris la peine de répondre à ces nombreuses et indiscrètes questions, et surtout, on souhaite tout le meilleur du monde pour la carrière de la fille du patron dans les salles !!