"...si les forces saines de la France pouvaient de leur côté liquider la République corrompue et ses marionnettistes juifs, alors une nouvelle alliance
franco-allemande ne serait pas seulement une possibilité, mais deviendrait une nouvelle Entente européenne qui rognerait les ailes des ploutocrates et des impérialistes britanniques, et qui serait
bientôt prête à affronter les bolchéviques et à ramener la Russie au sein du concert des nations civilisées..."
Il ne s'agit là que d'une conversation imaginaire entre Maximilien Aue et Robert Brasillach, tirée des Bienveillantes, mais Littell avait enfoncé le clou dans un débat avec Cohn-Bendit :
il y a le nazisme purement allemand, mais aussi un phénomène européen : l'idée de l'Europe moderne est née là, avec tous les discours d'extrême droite des
années 1930. Brasillach, Drieu, Degrelle ne parlent que d'Europe, unie contre le bolchevisme. [...] Le nazisme fonctionne comme une chrétienté au Moyen Age, c'est un
langage commun de société. Et à l'intérieur de ce langage commun, comme dans le communisme en URSS, il y a des nazis de gauche, des nazis de droite, des déviationnistes, des économistes
pointus...
La première citation est donc fidèle au discours pro-européen de l'extrême-droite fasciste de l'époque.
Ce qui est fascinant, quand on réfléchit à cela, c'est qu'une bonne partie des défenseurs de l'Europe d'aujourd'hui ont des arguments pas foncièrement différents, ce sont des angoissés du grand
large et de la liberté, que la perspective d'un continent terrestre et fermé rassure :
- haine de la République perçue comme une mascarade,
- rejet du Royaume-Uni et de ses traditions libérales,
- anticommunisme viscéral.
Au fond, une simple volonté d'ordre, juste ou pas, pour de grands angoissés.